Deep space

Jeu 12 Sep 2024 - 15:34

La journée se termine enfin, les entraînements des Théséisses sont bouclés depuis presque une demi-heure. En sortant de l’Académie, tu as évité ton père, tu as fait un signe à ta sœur. Une habitude, désormais. Tu tentes de les rassurer, mais tu n'y parviens qu'à moitié. Leurs yeux te hurlent qu'ils savent, leurs mots disent "à plus tard". Et toi, Morgan, tu n'appelles pas à l'aide. Tu n'appelles plus à l'aide, plus depuis des années.

Ce signe morne de la tête, ton regard, c’est tout ce que tu as la force de faire.

Avant de venir, t’as pris le temps de te doucher pendant de longues minutes. Tes cheveux trop longs gouttent encore sur tes épaules nouées ; t’as voulu les masser, mais ça ne marche pas.
T’es pas noué à cause de l’entrainement, Morgan.

Un hématome court sur ta joue ;
tu t’en régales.

La douleur qui pulse, cette impression d’être vivant. Là en plein jour, masque d’un homme que tu n’es plus. Cet hématome, quelques instants, c’est toi. C’est le toi d’avant qui affleure la surface, bats des jambes pour percer la vague et respirer. Distraitement, tu glisses les doigts sur la marque qui te fait frissonner. C’est tout ce que t’as.

Tu boites.
Comme un réflexe, tu fouilles dans la poche de ton pantalon pour compter. Il y subsiste trois comprimés – de quoi durer jusqu’au début de la soirée. Peut-être plus, si tu fais attention.

Pitoyable. Mais tu le sais.

Le grand hublot est face à toi, tu te tiens droit. C’est l’un de ces nombreux endroits dans le vaisseau, ceux depuis lesquels on peut voir l’espace. Son infini, sa noirceur ; sa solitude, aussi. C’est là que tu as l’habitude de venir, là que tu as l’habitude de te recueillir sur la vie que tu ne possèdes plus. C’est là que tu t’apitoies, là que tu pleures, parfois. Un soupir traverse tes lèvres au moment de te laisser tomber sur le banc. C’est un banc de fortune, tu l’as installé là il y a quelques années.

T’es assis.
Tu regardes.
Lentement, pas mais trop, tes doigts viennent chercher dans ta poche le comprimé. T’aimerais avoir la force de résister, t’aimerais être capable de plus de courage – retrouver l’homme que tu étais. Avant.

Tu l’avales. Et t’espère oublier.

Faniahh/Lala/Cyalana

Jeu 12 Sep 2024 - 18:33

Morgan et Yve

Deep space

Bizarrement, Yve sait toujours quand et où le retrouver. C'est peut-être dans le grincement de ses propres articulations, ou quand la vie à l'intérieur du vaisseau résonne trop bruyamment. Le chaos passé du Référendum, loin des gens et des préoccupations des Maisons, Yve ressent le besoin de retourner à sa solitude. Dans les quartiers des Azaraï, il y a trop d'agitation. Les journées doublent en pénibilité, et lui aussi, parfois, doit prendre des pauses dans son travail.

Ses idées le stimulent trop, épuisent les ressources faibles de sa carcasse. Oublier de manger, et tout remplacer par du café et de la morphine, c'en est une. Cependant, le cerveau doit prendre une pause. C'est dans ces moments où la machine est obligée de ralentir, où la cadence perd sa course frénétique, qu'il sait où et quand le rencontrer. Une intuition limée au bout de ses habitudes, qui rend la silhouette de Morgan claire dans le paysage de Néo Century.

Les deux jambes semblent fonctionner. Le coeur un peu moins.

Yve n'est pas doué avec les gens ; ils sont doués d'émotions qu'il ne possède pas. Les siennes sont limitées à l'impatience, la colère, la lassitude, voilà ce qu'il consent à ressentir. Le reste, il n'en a jamais eu besoin. Du moins, c'est ce qu'il s'est toujours répété. Son coeur est trop petit pour accueillir d'autres sentiments ; il manque les deux autres.

Mais même s'il peine à cerner le paysage infini de la complexité humaine, il sait reconnaître quand Morgan s'entête à ne pas aller bien. Lui est accro à sa solitude, Morgan à sa noirceur. Ça lui colle à la peau, ça engloutit ses artères et ça les bouche. Du goudron, voilà ce que c'est.

On l'entend avant même de le voir. Yve se déplace péniblement vers lui, à moitié avachi sur sa béquille. Les mains tremblent légèrement, l'épuisement s'est installé sur ses épaules. Il ne cache pas son état, il n'en a pas besoin. Son caractère évite aux autres de s'en faire pour lui.

Sans un mot, l'Azaraï s'assoit à côté du Théséisse. Ses grandes mains veineuses se joignent sur sa béquille, placée entre ses jambes. Et il contemple en réponse l'obscurité de l'espace, avec l'esprit qui vole vers les contrées qu'il ne pourra pas explorer. De son vivant, il ne verra pas Borée. Mais il fera tout son possible pour que les habitants de Néo aient l'opportunité de sentir sur eux, le vent de la liberté. Son destin est depuis longtemps accepté, c'est devenu un non-débat. Alors que Morgan, lui, continue de se débattre avec son handicap.

Yve ne le regarde jamais sans compassion. Il n'en a pas pour lui-même, et il n'est pas assez hypocrite pour feindre une émotion qu'il n'éprouve pas. Étendre sa jambe blessée, sentir son dos se tendre, les articulations brûler.

« Tu savais que les albatros, autrefois, pouvaient vivre plus de 60 ans ? »

KoalaVolant

Jeu 19 Sep 2024 - 15:02

Deep space

ft. @Yve Van Hecke

Le comprimé croque sous ta dent, le goût âpre et astringent se répand sur ta langue. C’était désagréable, au début, mais désormais c’est le goût de ta liberté. Pouvoir marcher, pouvoir fonctionner. Pouvoir exister dans un monde qui te rejette, te rejette, te rejette – c’est ce dont tu es persuadé.

Tu l’as à peine avalé au moment où tu l’entends.
Tu ne te retournes même pas.

Yve est toujours là, au bout d’un couloir, un œil sur toi. Tu ne sais pas si c’est qu’il te suit, si c’est un sixième sens créé pour t’épier. Tu ne sais pas si ton père l’envoie, si c’est de sa propre initiative. Yve n’aime personne, et pour une raison que tu n’expliques pas, il t’apprécie, toi. Parce que t’es le reflet de son handicap ? Parce qu’il a pitié ? Parce que les chirurgiens le lui ont demandé ? Parce que t’es un cobaye ?

T’as la main qui vient naturellement te masser la jambe droite.
Les cicatrices sont refermées depuis longtemps ;
Pourtant, elles saignent chaque jour.

Il s’assoit, et tu le vois dans ta vision périphérique. Sa béquille, son visage. Tu gardes les yeux profondément verts fixés sur l’espace. Est-ce que t’aurais pu devenir Vaga ? Partir dans le noir, dériver et juste disparaître. Parfois, t’en rêve.

Quand sa voix s’élève, elle te tire un sourire au coin des lèvres.
Toujours une anecdote.

Non. Tu ne le savais pas. En tout cas, tu as battu leur record de.. combien ? Des centaines, des milliers d’années ? Souffle d’un rire plat, et tes doigts qui continuent de masser distraitement ton genou. Finalement, tes yeux se tournent vers lui, ton visage suit lentement. T’as senti l’odeur du désespoir et tu l’as suivie jusqu’à moi ?

Faniahh/Lala/Cyalana

Ven 20 Sep 2024 - 9:41

Morgan et Yve

Deep space

La réponse de Morgan lui tire un sourire, si bref, qui creuse les fossettes et illumine son regard. Mais son visage s'éteint presque aussitôt, avec nonchalance, Yve lève un œil sur le plafond. On peut l'entendre vibrer un « mmh », tandis qu'il réfléchit à une réponse. Platement d'abord :

« Je ne sais pas dire si j'ai battu leur record, l'accent flamand rend sa réponse un peu austère. Disons qu'en tant qu'éveillé, on peut se demander si mon existence a été mise sur pause, ou si on peut prendre les calculs de ma naissance jusqu'à maintenant. Une courte pause, il tapote l'index sur sa béquille, pensif. Je pense que cela en vexerait certain·es de réaliser qu'iels sont plus âgé·es. Il hausse les sourcils pour ne pas étayer d'un sourire, un autre. Ils sont rares, discrets, pris dans des moments de relâchement. Maintenant, est-ce que le désespoir a une odeur ? »

Très terre-à-terre pour quelqu'un qui se dédie autant à l'espace. Ses rêves sont détaillés, et pourtant peu expliqués.

Yve croit connaître Morgan, bien plus que Morgan ne connait Yve. Quand il l'observe, c'est avec des yeux de médecin et de scientifique avant tout. Quand il l'écoute, c'est avec l'oreille d'un ami. Et quand il examine son visage, c'est avec l'œil avisé d'un aîné. Son empathie s'arrête à ce qu'ils ont de commun. Le handicap péniblement dissimulé de l'un, la béquille qui accompagne l'autre comme son ombre. Il pressent les écueils, il sait reconnaître les signes de douleurs. Et à force, malgré son esprit pragmatique, le jeune homme a développé une forte intuition — il dira alors que c'est le lot de l'expérience. Le sentiment d'impuissance, Yve s'y fait. À l'instar de Riordan, il a bien conscience qu'il ne pourra rien faire pour arrêter la descente aux enfers de Morgan.

Après tout, ne brûle-t-il pas consciencieusement sa propre vie ?

« Peut-être que pour certaines personnes, les émotions ont un parfum. Toutefois ce n'est pas mon cas. Ses yeux s'en retournent sur la contemplation de l'espace ; Yve ne le formulera jamais, pourtant il ressent de plus en plus le besoin de sortir. Absorber la lumière du soleil. La vie artificielle du vaisseau l'épuise. Bon. J'imagine que ça ne va pas fort, mh ? »

Morgan est jeune et beau, Yve pourrait l'affirmer : il a encore la vie devant lui. Toutefois, il fait le choix de brûler à son tour. Sans s'approcher du soleil, il joue avec sa vie pour y mettre fin. Des paris, qui se déroulent les uns après les autres. Yve sait que sa propre carcasse est un avertissement pour Morgan ; une situation qui pourrait empirer au point où le corps ne tiendrait plus assez pour se déplacer sans aide. Il est un reflet de ses craintes, de ses doutes. D'un pire qui le suit dans son ombre.

Et Yve n'en est pas désolé.

KoalaVolant

Lun 7 Oct 2024 - 18:30

Deep space

ft. @Yve Van Hecke

L’un de tes sourcils se dresse et l’once d’une espièglerie du passé te submerge les pupilles. Avec un sourire en coin, tu glisses à voix basse : Vu ta tête, je pense qu’on peut compter de ta naissance jusqu’à maintenant. Rapidement pourtant, cela s’efface.

C’est une mauvaise journée, Morgan.

On raconte que sur Terre, les animaux étaient capables de ressentir les émotions des gens. Les yeux vers le vide. C’est qu’elles doivent avoir une odeur, tu ne crois pas ? Mais Yve ne sent pas les émotions, ni le désespoir ni aucune. C’est d’autant plus vrai qu’il semble dénué de toute empathie ; comme si son esprit montait une barrière entre l’humanité et lui. Cela t’intrigue, souvent. Aujourd’hui, tu t’en fiches un peu.

Par réflexe, lorsqu’il te pose la question, tes doigts cessent de masser ta jambe et se crispent. Tu m’as déjà connu aller bien ? Le ton chargé d’ironie. Doucement, tes épaules se haussent et tu tires tes cheveux encore mouillés vers l’arrière. Tu n’as jamais aimé t’apitoyer sur ton sort – c’est paradoxal, n’est-ce pas ? Disons plutôt que tu n’as jamais aimé le montrer. Tu n’as jamais aimé être faible aux yeux des autres. Ni avant, ni depuis ton accident. Être camé, défoncé tous les soirs, tu le fais hors de la vue de ceux qui comptent. Quant à ces moments où tu cherches de quoi taire les douleurs et embrumer ton esprit, ce sont des exceptions. Tu n’as jamais aimé être faible et le montrer, pourtant c’est ta vie désormais.

T’es pathétique.
Chaque fois que tu y penses, t’as envie de crever.

C’est la mauvaise période de l’année. Y en a-t-il vraiment des bonnes ? Bientôt mon anniversaire. Enfin… Tu montres tes jambes du menton. Celui de l'accident, plutôt. Moi, c’était en mai. Et c’est un bien triste anniversaire chaque année. Celui de la mort de celui que tu étais. Et tu as beau tenter, tu as beau te casser les ongles à force de creuser, tu ne parviens pas à le déterrer.

T’as déjà été amoureux ?

Faniahh/Lala/Cyalana

Mar 8 Oct 2024 - 10:03

Morgan et Yve

Deep space

Il a cette lumière ténébreuse qui lui colle à la peau, la mélancolie qui goudronne ses sourires. Là plus par réflexe que par sincérité. La douceur de la noirceur, et l'odeur de la tristesse. Parfois, Yve le juge trop durement, mais il a le mérite — exceptionnel pour lui — de ne rien dire. Morgan est émotif, Yve se cloisonne dans son pragmatisme. Alors face à la fenêtre ouverte sur l'espace, le Cyclamen tente d'écouter. C'est maladroit, incertain, il avance à l'aveugle. Qu'on appelle cela du manque d'empathie ou de l'autisme pour se rassurer de son comportement, il s'en fiche. Yve s'en tient aux faits. Et dans les faits, Morgan continue de louvoyer vers ses ténèbres. Les piques qu'il lui lance sont là pour apporter de la légèreté, son désespoir est lourd à porter et la main qui était sur la jambe, s'échappe. Yve n'y accorde qu'un bref regard, et retient un soupir.

Il ne peut qu'offrir son amitié aussi bancale que sa hanche. Sa froideur ou sa bonté en carton - encore faut-il la voir sous son front trop grand et sous sa voix rocailleuse.

« C'est peut-être hormonal, ou une personnification qu'on en fait. Toujours ouvert aux débats, à jouer aux premiers de la classe. Plus jeune, il se faisait mépriser et détester pour avoir réponse à tout. Et celleux qui avaient tenté de le faire tomber, s'étaient retrouvé face à son caractère. Brute de décoffrage, qui n'a pas peur de prendre des coups ou d'en donner. Un raclement de gorge. Les animaux analysaient leur environnement, constamment, ils étudiaient nos réactions. On a cru pendant un temps qu'un cheval était capable de résoudre des problèmes mathématiques. La vérité, c'était que lorsqu'il se dirigeait vers la bonne réaction, le public réagissait inconsciemment. Il était sensible à leur comportement, voilà tout. »

Là pour ramener les rêves au concret et aux faits. Yve ne sera jamais romantique, il est incapable de laisser les autres dans leurs songeries, s'attacher à leurs mensonges pour s'échapper de la carcasse volante. Le coude sur le genou, le visage dans la main, Yve entend.
La tristesse, épaisse, qui étouffe Morgan.
Les rêves avortés, et l'absence des autres.

« Si j'avais su, j'aurais apporté du Cognac, lâche-t-il. »

Porter un toast à l'auto-destruction. Yve n'est pas mieux, il ne pourra jamais lui interdire de chuter. Son corps ne fonctionne qu'à la morphine, sa propre santé est consommée trop vite. Il ne se verra pas vieillir ni arriver sur Borée. Et ce n'est pas grave ; son objectif n'est pas là. C'est de faire en sorte que eux, ils y arrivent.

Un soupir, un bougonnage :

« Qu'avez-vous tous à me parler d'amour ? Gabriel, tu vois le petit Gobelin hyperactif, tente de me marier à Gloria, t'imagines ? Et il hausse un sourcil. L'humour, le sarcasme, c'est une barrière. Il se souviendra toujours de son réveil abrupt, de la sensation de manque dans la poitrine. Et des deux corps sans vie qui l'entouraient. Les questions sur leur identité, l'amnésie, et maintenant le déni. S'il ne se souvient pas d'elleux, alors Yve n'a aucune raison d'être triste de leurs morts, n'est-ce pas ? Et pour te répondre, tout dépend de comment tu conçois l'amour. Tomber amoureux, c'est être dans un état permanent. Parfois, il se stoppe. Il hausse les épaules. J'imagine que tu parles d'un type d'amour particulier, pas celui qu'on peut porter à un ami. Le second sourcil se hausse, Yve ne sourit pas. Pourtant, son regard est doux et protecteur. Et si tu me poses la question, c'est que tu dois penser à quelqu'un. »

Yve croit bien cerner les gens, il dira que c'est parce qu'il a lu un livre de sociologie, ou qu'il aura un jour parlé de cela avec Sambre. Il reconnait les schémas plus que les émotions, il comprend les cheminements. Son cerveau est bon pour reconnaître les motifs.

KoalaVolant

Ven 11 Oct 2024 - 12:10

Deep space

ft. @Yve Van Hecke

Ton oreille distraite l’écoute te répondre de façon terre à terre et, machinalement, tu hoches la tête. Yve sait beaucoup de choses, du moins il en raconte beaucoup. À savoir si ce qu’il dit est vrai ou pas… eh bien, il faudra des archives pour le prouver. Toi, tu es né sur ce vaisseau Morgan ; tes connaissances du monde d’avant sont bien limitées.

Un rire bref. Même pas du champagne ? Je croyais que c’était ce qu’on buvait lors des événements. Tu caresses le fond de ta poche, mais simplement par réflexe. Le comprimé avalé juste avant son arrivée commence tout juste à faire effet.

La question t’échappe ; c’est amusant, que le sujet de l’amour te revienne si souvent en ce moment. Sambre en profiterait pour te charrier et t’obliger à en parler. Cela te fait sourire. Et à la réponse d’Yve, tu hausses les épaules sans te départir d’un grain d’espièglerie. Tu l’observes du coin de l’œil. À Gloria ? Désolé de te dire ça, mais elle est beaucoup trop belle pour toi. Tu connais bien Gloria, et votre récent marché te revient à l’esprit. Quant à Gabriel, tu as joué avec le feu en sa compagnie. Le savoir proche de ton presque ami te tire un battement de cœur raté. Je parle juste d’amour. Celui pour une personne spéciale, pas pour ta mère ou pour ta sœur. L’amour, quoi. Le visage de Liz te passe à l’esprit, et ton sourire s’adoucit. Tu ne restes plus que pour elle, désormais. Pour elle, et pour une chimère qui n’arrivera jamais.

« … tu dois penser à quelqu’un »
Cela t’agace aussitôt, assombrit le fond de tes pensées. Penché vers l’avant, coudes sur tes genoux, tes pupilles sont résolument fixées à l’immensité. Tu imagines t’y perdre, plusieurs fois par semaine. Tu imagines la sensation de dériver, jusqu’à ce que le corps s’éteigne et qu’il ne reste de toi que des souvenirs pour pleurer. Je ne pense à rien. Tu penses toujours à quelque chose ou quelqu’un. J’essaie juste de te connaître, ça te plait pas ? Savoir si ton cœur abîmé par les merdes que tu t’enfiles a déjà battu pour autre chose que pomper le sang dans tes artères. C’est tout. Hypocrite.

Tu reprends le silence. Et tu laisses retomber le sentiment.
Lentement, un soupir au travers de tes lèvres.

T’as voté quoi, au referendum ?

Faniahh/Lala/Cyalana

Ven 11 Oct 2024 - 13:28

Morgan et Yve

Deep space

« Je n'aime pas le champagne, et les évènements, rappelle Yve sans noter l'humour de Morgan. Difficile de dire s'il l'a compris, ou s'il cherche encore le second degré. Dans tous les cas, il réplique d'un même ton. L'émotion dans sa voix est toujours rude, elle est brute comme un joyau. Et ça roule dans sa gorge, quand il ajoute : tu insinues donc que je suis moche ? Trop moche ~~ou trop invalide~~ pour avoir une femme telle que Gloria dans sa vie. Son apparence est comme le genre : un non-sujet. Il n'y a qu'elle qui cherche à faire quelque chose de lui, ou à envier sa tignasse épaisse et brune. C'est ce que j'ai répondu au petit. »

Loin de se douter du contrat des deux. Et que pour Gloria, Morgan est un accessoire. Lui peut au moins se vanter d'être un animal de compagnie ; elle ne le porte pas pour parader, elle s'en occupe quand elle s'ennuie. Peut-être qu'un jour, si Yve croisait Morgan au bras de Gloria, il les trouverait beaux.
Et peut-être qu'il en serait jaloux. De qui ? Allez savoir.

Soupirer.

Les signes, c'est des motifs dans une tapisserie. Morgan est cousu de fil d'or, doux comme de la soie. Mais le temps en aura effiloché les bords, et il aura été le premier à la taillader à coup de couteau. Yve pourrait lui dire de s'accrocher, quoiqu'il arrive, coûte que coûte. Mais il sait lui-même que le jour où il ne pourra plus travailler, c'en sera fini. La peur d'être inutile, résumé à son handicap, il s'y est habitué. Alors il a mis des choses en œuvre au cas où.
Au cas où.

L'amour quoi.

Les yeux qui se perdent, la fatigue ; le coeur forcé de fonctionner tout seul. Le soupir et la vulnérabilité ; Yve les ravale.

« Allons bon, lâche-t-il d'un ton blasé. La pique n'atteint pas Yve, Morgan peut y aller. Il encaisse sans moufeter. Si tu veux jouer sur ce terrain, tu auras du mal à gagner. Je ne suis pas dupe Morgan, un regard sur son ami. Sévère, mais habituel. Je ne conçois pas l'amour comme le grand, le vrai. Si tu veux que je sois romantique, je te répondrai que je suis marié à la science. Si tu veux en savoir plus, je dirai que je suis l'époux de Néo Century. Un partenaire, comme tous les autres. On travaille ensemble pour que les petits arrivent à bon port, un haussement de sourcil. Rien qui ne te fasse réellement vibrer. Le visage dans la main, la carcasse abîmée. Si Yve voulait être mauvaise langue, il dirait réellement ce qu'il pense. Ta question n'est pas anodine, ne me prend pas pour un con, tu sais très bien que quelqu'un comme moi et l'amour, ce... Pause, Yve ne termine pas sa phrase. Il la corrige pour embellir : ce n'est pas faire un bon ménage, envisageable. Et j'ai voté blanc pour tous les envoyer chier. Et toi ? »

KoalaVolant

Sam 19 Oct 2024 - 23:36

Deep space

ft. @Yve Van Hecke

Tu te permets de l’observer, lorsqu’il pose cette question. La pupille trainante sur une silhouette maigre marquée par la maladie, par l’atrophie. Tu traverses son visage, ses yeux ; et tu lui offres un sourire, doux.

Quelque chose en toi ne peut s’empêcher de donner de la douceur à cet homme.
L'empathie, certainement. ((celle que tu ne t'offres pas, à toi))

Non. Je te charrie, c’est tout. Tu hausses les épaules. N’importe qui peut être beau aux yeux de quelqu’un qui aime. Même l’ombre de l’homme que tu étais, a été aimée. Et n’importe quelle magnifique personne peut être laide lorsqu’elle détruit la vie des autres. Tu te caresses l’intérieur du poignet. Tout ça, c’est subjectif.

Comme l’amour, finalement.

Tu as tout juste l’éclat d’un rire au fond des yeux, quand il te fait remarquer à mi-mots de ton hypocrisie. C’est toi, le secret. Moi, tout le monde le sait, que mon cœur a déjà battu pour autre chose que mon sang. Tout le vaisseau le sait. Et c’est un rappel constant de ce que tu ne peux plus être ; ces regards de pitié. Quel est celui de vous deux qui se détruit le plus ? La question est purement rhétorique. Yve le fait pour fonctionner. Et toi... pourquoi tu le fais, Morgan ? Pour avancer, ou pour t’en empêcher ? La question t’enfonce dans une profonde réflexion, un vide intérieur qui t’attrape tandis qu’il épilogue sur le concept de l’amour.

T’as les yeux déjà perdus au vide, quand tu réponds. Et t’es heureux ? Marié au vaisseau. T’en perds le souffle d’un rire. ~~Toi aussi, t’aurais pu te marier.~~ Et ta réponse est merdique. Tu dis que t’es marié à la science, tu dis que l’amour c’est pas pour toi, simplement parce que tu as décidé que personne ne pourrait t’aimer. Et tu te rends compte de ce que tu dis. Pas la peine de me faire remarquer l’ironie dans ce que je dis.

Alors tu soupires. Exploration du vaisseau, tu réponds. Pour savoir ce qui se cache dans les profondeurs. Il y a trop de bruits, dans les couloirs non éclairés. Trop de mystères, devant lesquels tu passes grâce à ton passe-partout Théséisses. Et il y a ton accident, aussi. Je suis pas certain de vouloir arriver jusqu’à Borée.

Faniahh/Lala/Cyalana

Dim 20 Oct 2024 - 10:29

Morgan et Yve

Deep space

Sa supposée beauté n'est un sujet que lorsque Gloria tente de le déguiser. En vérité, Yve se fiche bien de nombreuses choses. L'égo des autres, leurs beaux et bons sentiments dont iels se nourrissent à saluant ses efforts, la fierté des valides quand il faut leur rentrer dedans, et sa tronche de mort-vivant. Oh bien sûr, ce serait hypocrite de sa part de prétendre que la beauté est un détail. Il apprécie ses cheveux par exemple ; une tignasse où émane quelques pointes blanches. De quoi faire pâlir Shawn à défaut de lui polir le crâne.

« Tu n'as pas dit non, tu n'as pas dit oui. »

Réplique Yve, sans sourire. Dans sa tête, c'est évident qu'il offre son sarcasme à Morgan. Parfois, chercher la petite bête a du bon. C'est un moyen comme un autre de l'empêcher de sombrer, retenir sa chute. Avec les mots et les actes. Parfois, il joue au plus naïf. Surtout lorsque Morgan parle de façon détourné de la drogue :

« Qu'il bat encore pour ton ex ? Oui, je crois que tout le monde le sait, lui rappelle-t-il. Des potins à faire pleurer les sensibles, une histoire placardée avec la défaite de la Maison. La patte folle de Morgan. Yve écoute encore, il ouvre parfois grand la bouche pour lui couper la parole. Il se retient, et à la place, il accompagne les mots de Morgan de “pfff” et roule des yeux. Non, c'est toi qui pense ne pas mériter d'être aimé, moi je m'en fous. Il sait que ce n'est pas lui que Morgan voit, c'est son propre reflet. Eh bien, je pensais que tu me connaissais mieux que cela. Lâche-t-il de sa grosse voix rocailleuse, et malgré tout, ce n'est qu'un constat, pas un reproche. Avec nonchalance, Yve reprend tous les points soulevés. Que Morgan se montre patient, il a toujours eu besoin de détailler sa pensée, tant elle est vaste. Je ne pense pas que je verrais Borée de mon vivant, il hausse un sourire, flegmatique. C'est naïf de le croire, c'est beaucoup trop flou à mon sens. Yve prétendra que s'il atteint les cinquante ans, ce sera un miracle. Dans les faits, il espère au moins survivre jusqu'à ses quarante ans. Le plus dur est à venir. Mais j'imagine que si tu dis cela, c'est parce que tu souhaites autre chose : l'exploration du vaisseau, ou mourir avant. Quel est le plus effrayant ? Celui que la mort indiffère, ou celui qui la recherche ? Il roule des yeux. Et dire que Gabriel est persuadé que j'ai des handicaps sociaux. Pfff. Les motifs de Morgan, Yve les connait. Presque par cœur. Bon. C'est de la merde de ton point de vue, ce n'est pas que je ne pense pas que quelqu'un pourrait ou non m'aimer, c'est que je m'en fiche. Il hausse les épaules, Yve évite de parler des souvenirs qui remontent, des trous dans la poitrine, et de la solitude. C'est lui qui soutient Morgan, pas l'inverse. Et encore une fois, ce n'est pas une question de : suis-je capable d'aimer ou non ? Je ne suis pas aussi sensible. Yve le détaille, il demande alors : tu as mal ? Pour reprendre aussitôt : tu vois, je pourrais te dire que je t'aime. Comme j'aime Gloria, Rirodan, Beéatriz, et même le petit. Mais je sais que pour toi, ce sera dénué de sens. Parce que ce n'est pas de ce type d'amour dont tu parles. Et ce type d'amour là ne m'intéresse pas. Je ne le ressentirais jamais. Tu me placardes tes insécurités, parce qu'au fond, je suis un miroir pour toi. Il claque du pied au sol, Morgan aura beau le réfuter, Yve a conscience qu'il incarne ses craintes. Que son état se dégrade à ce point. Je ne te le reproche pas, si cela te permet d'avancer, tant mieux. Encore un haussement d'épaules. Tu mérites d'être aimé Morgan. Les gens autour de toi t'aiment, iels s'inquiètent, et c'est bien. Un bref sourire. Pour revenir au vaisseau, oui, je dirais que je suis heureux. Oh bien sûr, cela pourrait être mieux. Si la plupart des gens avaient mon pragmatisme et mon intelligence, on n'en serait pas là. Toujours à l'aise pour incarner l'adolescent arrogant et premier de la classe ; Yve n'a jamais changé. Mais tant que je peux continuer à travailler, ce n'est qu'un détail. Tu vois : l'espèce humaine m'indiffère, si j'avais l'occasion de créer une IA pour aller aux réunions à ma place, je l'aurais fait. Bon, il y a Apollo pour cela, mais certaines décisions me reviennent. J'aime la solitude. Un “pff”, blasé. On peut trouver du bonheur dans les petites choses du quotidien blablabla, je pense que c'est ce que dirait Sambre. Ou pas, Yve n'est pas thérapeute. Il reste tellement de choses à découvrir, faut parfois accepter les petites folies pour les voir. »

KoalaVolant

Dim 20 Oct 2024 - 23:26

Deep space

ft. @Yve Van Hecke

Tu ne prends pas la peine de répondre à la pique – peut-être même n’est-elle pas volontaire. Ton cœur bat encore pour Sibylline, c’est vrai, mais est-ce réellement si évident aux yeux des autres ? Non. Yve s’en doute, il le sait car il est des rares qui te connaissent vraiment ; du moins en partie. Pour les autres, tu es le déchu qui remonte la pente. Même les Théséisses, ta propre maison qui a tenté de te virer, ont fini par y croire. L’héritier brisé qui reconstruit sa vie, celui qui s’est relevé et boite vers sa destinée.

L’ironie veut que ce serait une putain de belle histoire, pas vrai ?

Il te dit qu’il se fiche de l’amour. Il te dit qu’il ne court pas après. Et tu veux bien l’accepter, en fin de compte. Yeux perdus sur l’immensité, tu veux bien comprendre son point de vue. T’as raison, je dis de la merde. C’est la fatigue. T’as un sourire, la main passée sur ton visage comme pour tenter de laver les péchés. Tu m’excuses ? Tu lui donnes un léger coup d’épaule, affectueux. Eh, moi aussi je pourrais dire que je t’aime.

« Tu mérites d’être aimé, Morgan. » À la réflexion, tu te demandes si ce n’est pas une question de le vouloir, plutôt que de le mériter. On peut t’aimer, c’est certain. Mais est-ce que tu veux qu’on t’aime, Morgan ? est-ce que tu voudrais que Sibylline ou un.e autre t’aime comme elle l’a fait ?

~~Non.~~
Parce que c’est ce qui la tuait.

Tu ne veux plus qu’on t’aime aussi fort, Morgan, et peut-être que c’est l’une des raisons pour lesquelles tu te détruis ainsi. Tu as passé une année entière à faire souffrir la femme de ta vie, avant que finalement vous ne preniez la décision de vous quitter. Tu ne veux plus te faire aimer de cette façon, pas avant d’être certain de ne plus faire souffrir. Et pour cela, il faut aller mieux. Il faut se sevrer. Il faut combattre la dépression. Il faut nager, nager, nager alors qu’on n’a plus de souffle. Le serpent se mord la queue, au bout du compte. Tu luttes pour aller mieux, et tu te rends compte que tu n’es plus celui que tu étais, même dans tes meilleurs jours. Alors tu retombes, et tu dois tout recommencer.

Si j’avais su que l’amour te rendrait si bavard. L’espièglerie au fond de la voix. Ça t’arrive encore, parfois. Quand tu parviens – qui sait pour combien de temps ? – à ramper hors du nuage, tu touches du bout des doigts ton ancien tempérament. Une bouffée d’air. Tu le regardes du coin de l’œil, la pupille vaguement brillante, puis tu retournes à l’espace devant toi. T’es peut-être trop intelligent pour nous, pauvres mortels. On devrait s’estimer heureux de te côtoyer et apprendre de toi. Tu te contentes des bonheurs de la vie, quelle qu’elle soit. Moi, je suis qu’un sportif débile. Je suis heureux quand je cours, mais si on me coupe les jambes, alors la vie n’a plus de sens. T’as le coin des lèvres qui s’étire. Et je sais que c’est une façon de penser tout aussi débile.

Tes épaules se haussent. Tes yeux cheminent, tranquillement, jusqu’à sa béquille. Tu sais que vos vies sont similaires, et pourtant tellement différentes. Les pupilles reviennent à tes jambes, imaginent les cicatrices sous tes vêtements. Doucement, tu secoues la tête. Si demain tu ne pouvais plus réfléchir comme tu le fais aujourd’hui, si tu ne pouvais plus être un chercheur, un scientifique, un ingénieur… tu choisirais d’être quoi ?

Faniahh/Lala/Cyalana

Lun 21 Oct 2024 - 9:16

Morgan et Yve

Deep space

En vérité, Yve avait hésité : entre la drogue et Sybilline. Le second choix lui semblait plus romantique sur le moment, moins dramatique. De son point de vue. Vite passé à autre chose, Yve examine Morgan par-dessus son épaule, d'une moue toujours aussi ronchonne. Il ne fait que le couvrir du regard, et quand son ami lui donne un coup d'épaule, il roule des yeux en bougonnant. Pourtant, il ne bouge pas. La proximité physique ne lui fait guère peur avec ses proches, et avec le temps, Yve a appris à ne plus se crisper.

« Tu es pardonné mon garçon. »

Lâche-t-il d'un ton grave et professoral. Juste pour lui rappeler son grand âge, qu'il est l'aîné. Qu'il le dépasse de quelques malheureux centimètres, en dépit de sa jambe blessée. Son discours n'est pas moralisateur, il est vrai et factuel. Yve sait que Gabriel se fait du mouron pour Morgan, lui aussi, mais il ne l'admettra pas vraiment à voix haute. Cela se traduit dans les actes du quotidien. Et quand le jeune homme se qualifie de « sportif débile », Yve réplique aussitôt. Son index s'enfonce dans ses côtes, accompagné d'un « arrête » grognon.

Sa question ne le surprend pas. Yve hausse d'abord les épaules, puis il se redresse péniblement. La béquille appuyée contre le siège, il l'abandonne pour marcher un peu vers la vitre. L'espace face à eux reste immense, la sensation d'être au milieu de nulle part est familière. Il aimerait parfois voir le soleil se refléter sur le verre. Il boite toujours, sa jambe droite légèrement fléchie pour rattraper les un ou deux centimètres manquant à la gauche.

Ne plus être capable de réfléchir. Le comble pour un érudit.

« Si je ne peux plus penser, je deviendrais sans doute un sportif con. Il envoie son sourire à Morgan, insolent. Imaginer Yve entouré de camarade de deux fois son poids en muscles, puant la testostérone, c'est une vision originale. La véritable question étant : au bout de combien de temps s'énerverait-il contre eux ? Il ajoute : plus sérieusement, philosophe. C'est déjà un peu le cas avec le Génie biomédical, il y a des questions éthiques intéressantes auxquelles répondre. Il fronce les sourcils, avant de retourner à la contemplation de l'espace. Mais pourquoi s'arrêter à une fonction ? Dans une autre vie, je ne serais peut-être pas humain. Un oiseau, pourquoi pas ? Ou soyons fou : mannequin. Il agite la main au-dessus de sa tête pour se défaire de toutes ces idées farfelues. Il se retourne pour fixer Morgan : tu sais, le jour où tu voudras arrêter, je serais là. Pas besoin de sourire, un simple coup d’œil suffit. Yve ajoute : et toi, Morgan, qu'est-ce que tu as envie d'être ? »

Maintenant, sans le poids de sa famille sur les épaules.
Il ajoute :

« Pour toi-même. »

KoalaVolant

Dim 27 Oct 2024 - 9:42

Deep space

ft. @Yve Van Hecke

« Mon garçon ». Tu as pris l’habitude, désormais, et cela te tire toujours le souffle d’un rire. Vieille âme dans un corps cabossé, Yve est de ces personnes qui traversent la vie en ayant soixante ans tout du long. Cela ne t’affecte pas, ce surnom – après tout, de ce que vous en savez, il peut tout autant avoir plusieurs milliers d’années. Et si tu plaisantes en te traitant de sportif débile, il n’en reste que l’Azarai possède une intelligence qui le positionne toujours comme un aîné.

La main posée sur tes côtes, à l’endroit où son index s’est enfoncé, tu t’ouvres à tes questions en observant l’obscurité. Que devient-on, lorsqu’on ne peut plus être soi ? Et que devient l’âme qui flétrit pour laisser place à une autre ?

Une ombre, Morgan.

Du coin de l’œil, tu le vois qui se dresse. Effort surhumain d’une carcasse qui se délie, tu le suis des pupilles jusqu’au bord de l’espace cerclé de verre et de métal. Pas la peine de le suivre, les mains tendues pour tenter le rattraper en cas de chute – tu ne l’as fait qu’une fois.
Et plus jamais depuis.

« Un sportif con ». Tu observes son reflet dans la vitre, un sourire aux lèvres. Dans l’échelle des probabilités, certainement que parvenir à Borée se trouvait plus élevé dans la liste que voir Yve devenir un sportif. Tu secoues la tête, lentement, mais peu à peu, tandis qu’il répond, ton sourire s’abaisse. Oiseau ? Mannequin ? Il n’a pas compris la question. Alors tu le regardes, quand il se retourne. Tu regardes ton ami, Morgan, les yeux dans les siens. Et tu te voiles la face. Je n’ai rien à arrêter.

Sa question, quant à elle, ne t’étonne pas. Mais plutôt que répondre, tu préfères reformuler la tienne. Tu n’as pas bien compris ma question. Ce que je voulais dire, c’est… si on t’enlevait tout ce qui fait de toi ce que tu es. Je sais que c’est factuellement impossible, tu n’arrêterais pas de penser ou réfléchir à moins d’avoir quelque chose de très grave. Mais imagine. Imagine qu’on t’enlève tout ce que tu es, on t’enlève ton intelligence, puis on t’ordonne de continuer ta vie.

Tes paupières se plissent, et tu décides de détourner ton regard. Vers la vitre. Vers toi, ton reflet.

Et tu as conscience de ce que tu étais. Tu sais que tu étais intelligent, certainement le plus intelligent de tous. Et désormais, tu dois te balader et vivre au milieu des autres. Les autres sont plus intelligents que toi, maintenant, et toi… toi tu sais que c’était l’inverse, avant. T’as un sourire empli mépris. Mieux, on te rabaisse pour ce que tu es devenu. On veut te déraciner, parce que tu ne mérites plus de vivre chez toi, maintenant que tu es diminué. Tu n’es plus… qu’un idiot. Ils le savent. Et tu le sais.

T’es plus qu’un idiot, Morgan.
Tu vis au milieu de ceux que tu dépassais autrefois.
Pas un complexe d’infériorité, mais un profond sentiment d’injustice.

Doucement, ton regard revient à lui. Tu essaies d’étirer un sourire, mais c’est comme s’il clignotait sans vouloir exister. Finalement, tu abandonnes, et tu te contentes de hausser les épaules. Quant à moi, j’ai déjà perdu ce que j’étais. Il n’y a pas de « si », alors la question ne se pose pas. Iris vertes plantées aux siennes. Je me pose souvent la question, tu sais ? Je ne suis pas aussi déconnecté que certains le croient – j’ai repris le sport, j’ai un métier. Tes doigts tapotent contre tes cuisses. Pourtant, je cherche depuis quatre ans comment répondre à cette question sans simplement dire que je voudrais être mort. Et je n’ai toujours pas trouvé la réponse.

Faniahh/Lala/Cyalana

Dim 27 Oct 2024 - 17:41

Morgan et Yve

Deep space

« Bien sûr bien sûr, c'est pour cela que tu te tripotes le genou, et que t'as des cernes de six pieds de long. »

Impossible d'avoir le dernier mot avec Yve. Cet énergumène a toujours un truc à dire, et surtout à critiquer. Donner son avis sur tout, sans y être invité, fait partie de ses nombreuses qualités. Pourtant, il n'y a pas vraiment de jugement dans son attitude. Énoncer les faits, sans chercher à comprendre les émotions, c'est aussi son fort. Quand Morgan le voudra, il sera là. Pas besoin de faire dans la franche camaraderie masculine - beurk, il ne partage pas sa sueur avec n'importe qui, voyons.

Le vide de l'espace face à sa face fatiguée, Yve retient un soupir. Pour les beaux yeux de Morgan, il ne l'interrompt pas, il accepte de faire l'effort d'écouter et de s'essayer à cet exercice. Sa mauvaise foi lui dicterait de répondre qu'une telle situation n'existera jamais, et qu'il n'aurait même pas à y réfléchir. Cependant, Morgan ressent le besoin de parler. Yve écoute en serrant les dents. L'amitié et l'affection qui lui porte lui dictent un autre comportement. Il sait où il veut en venir depuis le début ; Morgan emploie encore des chemins alambiqués pour expliquer sa situation.

Sans jamais réellement admettre qu'il se voit sans avenir.

Après un moment, Yve pousse un soupir. Il se retourne vers lui, et d'un regard, il inspecte Morgan.

« Tu oublies qu'on évolue déjà dans une société validiste et eugéniste. Je n'ai pas besoin d'être « moins intelligent « pour être infantilisé. C'est des mécanismes inconscients qu'on les gens envers moi. Si j'étais aussi musclé que Shawn, je rencontrerais moins le souci. Yve a conscience de n'être qu'un sac d'os, il a l'allure fragile et il semble fatigué. Si je n'avais pas ce caractère, je me serais laissé bouffé par tout... m'enfin, tu vois, il agite la main dans les airs. Ensuite l'intelligence est une donnée arbitraire et classiste, malheureusement pour Morgan, Yve reste Yve. Avec ses idées bien ancrées, avec son avis arrêté, avec cet anticonformisme qui le rend imbuvable. On ne peut pas exiger d'un Kymal d'être plus intelligent qu'un Azaraï, parce qu'on n’aura pas investi autant en lui. Ensuite, cela dépendrait de mon niveau de conscience. Serais-je suffisamment intelligent pour me projeter dans ce passé que j'ai perdu ? Mais tu sais, je n'ai pas besoin de ce petit jeu pour être traité différemment. Je suis visiblement handicapé, si j'étais considéré trop stupide pour pouvoir être accepté en société, j'aurais droit au même regard. Enfin... pas tout à fait. Mais les gens ne sont pas doués lorsqu'il faut effacer les différences des autres. Il hausse les épaules. Mais je trouverai une autre voie, l'intelligence, cela se cultive. C'est comme un muscle, il faudra que je m'y remette. Mais une chose restera : je m'en fous de l'avis des autres. Je m'en fous de leurs remarques et de leurs bons sentiments envers moi. Il marque une pause, il donne le temps à Morgan de s’imprégner de ses paroles. Je les emmerde royalement, et je continuerai de les emmerder tant que je n'aurais pas rendu mon dernier souffle. Il penche la tête. Ta comparaison ne marche pas, on ne se ressemble pas assez. C'est pour cela que toi, tu arrives à me supporter. Il appuie son dos contre la vitre, il croise les bras, et sa jambe invalide devant l'autre. Mon quotidien a toujours été dicté par mes handicaps, ce n'est pas mieux, ni plus facile. C'est ce qui rend nos expériences aussi différentes. Une énième pensée à Sambre : que dirait-il dans un moment pareil pour aider Morgan ? Ma question reste inchangée : Morgan, de quoi as-tu envie de devenir ? Ta vie n'est pas finie, tu n'as pas perdu “qui tu étais”, qu'importe ce que cela puisse vouloir dire, agiter la main au-dessus de sa tête, rouler des yeux. Tu n'as juste pas trouvé qui tu pouvais devenir maintenant. Ce que tu étais avant "l'accident" n'a pas à définir ce que tu seras le reste de ta vie. Ce que tu es là tout de suite non plus. Et celleux qui te font sentir diminué, plus “assez”, envoie-les chier. Et ça aussi, ça s'apprend. »

KoalaVolant

Ven 15 Nov 2024 - 12:35

Deep space

ft. @Yve Van Hecke

Tu ne réponds même pas à sa remarque. Te tripoter le genou, avoir des cernes, ce n’est la preuve de rien. Des insomnies, des douleurs qui perdurent, la gêne d’un handicap au quotidien. Ça ne veut rien dire, Morgan.
rien

L’exercice de pensée, s’il est émotionnellement difficile, a un effet libérateur. Tu ne mets que rarement les mots sur tes raisonnements les plus chaotiques ; surtout parce que tu as toi-même du mal à les comprendre dans le bon sens. Il y en a tellement qui se battent, se débattent et se fracassent entre les parois de ton crâne... Alors quand tu parviens à avoir un discours cohérent auprès de ton ami, tu sens un poids qui s’envole.

((certainement que ça n’est que momentané, et qu’il reviendra))

Quand tu as enfin terminé, et qu’il se retourne pour te répondre, tes yeux se figent à lui. Sa silhouette gracile et fragile, mais son visage aux opinions si marquées. La mention de ton petit frère te fait dresser un sourcil – le choix est discutable – tandis que la suite te fait froncer les deux. C’était utopiste d’imaginer l’Azarai te donner une réponse simple, sans aller jusqu’aux réflexions politistes et compliquées qui le définissent si bien. Tant pis. Avec le temps, tu as appris à t’en contenter, et finalement, cela te tire un léger sourire.

À sa manière, Yve veut te réconforter.
Et tu le sais.

J’arrive à te supporter parce que je suis trop shooté pour comprendre la moitié de ce que tu racontes. T’en perds un rire, même si ce n’est pas drôle, puis tu te reprends en secouant la tête. C’est une plaisanterie, bien sûr, mais d’une simple phrase, tu avoues ce qu’il sait déjà – et tu sais qu’il le sait, de toute façon. Doucement, tu hausses les épaules. Autant en rire qu’en pleurer.

Tes mains se posent sur le bord du banc, tu prends appui dessus, et vos silhouettes se font face en presque silence. Reflets décalés d’un miroir différent, l’un ne sera jamais l’autre – et certainement qu’aucun n’est réellement capable de se mettre à la place de l’autre. Pourtant, l’empathie et l’amitié se passent de ce genre de détails. Ne t’en fais pas, je les envoie chier. Je les ai envoyés chier, à l’époque. Aujourd’hui, ça va mieux. Aujourd’hui, tu as repris l’apparence de celui que tu étais – large, musclé et imposant. Les langues de vipères ne cherchent pas plus loin que cela. Quant au reste… Tes yeux lâchent sa silhouette pour se perdre dans le vide de l’âme.

Tu as menti, précédemment. Tu sais ce que tu veux, Morgan.
Pourquoi est-ce si difficile à formuler ?
En es-tu encore digne ?

Morgan Théséisses. Tes yeux reviennent à la réalité. C’est lui que je veux devenir. Le Brynhildr. Sortir ta sœur de cet enfer qu’elle a rejoint pour toi. Reprendre ta place et ton avenir. Juste… redevenir toi. Une nouvelle version, bien entendu. Mais être toi. Tu poses les mains sur tes genoux et tu te lèves sur tes deux pieds. ((est-ce une façon inconsciente de te dresser face à tes propres désirs ?)) Ne me balance pas des encouragements à la con, et ne crois pas qu’avant cette conversation ce n’était pas déjà ce que je voulais. Je viens pas d’avoir une épiphanie. Un sourire malicieux aux lèvres, qui se transforme en quelque chose de plus sincère. Ta voix est plus douce ; elle prend les intonations d’un aveu. Je suis à la moitié du chemin. Ils ne s’en rendent pas compte, mais c’est vrai. Toi non plus, la moitié du temps, tu ne t’en rends pas compte. Malgré les débordements, malgré les soirées qui te laissent un trou béant dans la mémoire.

Tu avances.

D’ici-là, t’auras peut-être développé une nouvelle version de mes prothèses. Une qui m’évite d’avoir mal. Tu lui adresses un clin d’œil taquin, avant d’étirer tes bras en direction du plafond. Le geste te tire un soupir. Tu as faim ?

Pour un temps, les nuages sombres sont éloignés.

Faniahh/Lala/Cyalana

Ven 15 Nov 2024 - 13:12

Morgan et Yve

Deep space

Yve croise les bras en roulant des yeux, le « pfff » accompagne la boutade de Morgan. Dommage que la plupart des gens ne se shootent pas assez pour rendre leur quotidien avec lui supportable, il s'en porterait mieux. Morgan est trop lucide sur ce qu'ils sont pour lui en vouloir ; manque d'empathie ou pragmatisme. Yve ne sait pas consoler, il ne donne que des solutions concrètes. Il ne peut rien résumer, car cela ne rendrait jamais justice à la justesse de ses pensées. Argumenter, détailler, c'est s'interroger constamment : pourquoi ? Comment ?

« Je sais que ce n'est pas mon fort, admet-il sans être désolé. Je ne peux pas répondre simplement à une question détournée, et tu n'as pas besoin de métaphore avec moi. À moins que Morgan apprécie les dissertations de six pieds de long sur le caractère éthique de sa Maison. Je peux écouter, et promis, je ferais l'effort de la fermer pour tes beaux yeux. »

Sourire fugace, suivi d'un soupir mélancolique.

Les bras croisés, Yve s'appuie sur sa jambe valide. C'est peut-être à force de le côtoyer, c'est peut-être à force de toujours devoir analyser les autres pour saisir leurs émotions, c'est peut-être autre chose. Mais le changement, aussi léger soit-il, dans le ton ou dans les yeux de Morgan, Yve le perçoit. Il fronce les sourcils au rappel du nom et du titre. Que seraient les Théséïsses sans leur sens du devoir ? Sans cette arrogance chevaleresque ? Que serait Morgan sans le poids de ses responsabilités ? Et à travers Sibylline, que souhaite-t-il (re)devenir ? Il marche, Yve sait. Un jour, peut-être, le verra-t-il courir pour de bon.

Et c'est tout ce qu'il lui souhaite.

Son rôle n'est pas là. Ne reste qu'à celui de soutien, être une béquille, une main tendue. Sentir les articulations qui grincent, s'érodent, pressentir que Borée n'est qu'un fantasme. Apprendre à mentir pour alléger la peine. Il peut y arriver.

« Ce n'est pas une course, mais un marathon, répond Yve ; il valide les paroles de Morgan. Lui aussi peut user de métaphore pour l'approuver, démontrer qu'il sera là - pour combien de temps ? -, un grognement : moi qui pensais que tu attendais tout un discours d'encouragement en alexandrin. Il un rire, très discret, soufflé par le nez. Il boîte en sa direction de sa béquille pour l'attraper, et s'appuyer dessus. Il s'avance vers Morgan, il le détaille de ses yeux perçants. Yve a beau le dépasser de quelques centimètres, le reflet sur la vitre ne renvoie que sa fatigue. Morgan est sublime. Je n'ai pas faim, ne t'en fais pas. Il n'a jamais faim. Et sans parler de prothèse, je suis peut-être sur quelque chose. Une pensée furtive sur la régénération cellulaire via la nanotechnologie, le danger de créer un poison si on inverse le processus - que serait-il prêt à perdre pour donner à son ami un avenir ? -, une main sur l'épaule de Morgan. Elle est ferme, chaleureuse, suivie d'une tape. Pas besoin de longs discours. Ils savent. Très bien, futur Brynhildr, n'oublie pas que le cerveau est aussi un muscle. »

Un haussement de sourcil, puis le retour du travail.

KoalaVolant

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