call back from reality (tiago)

Le nom s’est glissé dans une conversation qu’elle a entendu au détour d’un couloir, peu intéressée par les procès en cours et pourtant souhaitant détenir le plus d’informations possibles sur ceux-ci. Tiago Davila. Elle s’est arrêtée dans ses pas pour se retourner, franchissant la porte laissée ouverte en toquant doucement sur celle-ci pour signifier sa présence. Quelques mots échangés avec l’avocat lui signifiant qu’il devait se rendre jusqu’à la station de police pour récupérer quelques informations supplémentaires auprès du chef de la police interne et voilà qu’elle-même était en direction de la station de police après l’avoir rassuré qu’elle pouvait s’en occuper pour lui.

Après tout, l’héritière se doit de mettre la main à la pâte.
Tout comme elle se doit d’apprendre tout ce qu’elle peut apprendre sur la justice et son exécution.

La vérité ? La vérité est bien moins altruiste que ça, alors qu’il n’y a qu’un désir égoïste de recroiser la route de l’homme qui l’amène à vouloir aller à sa rencontre. Parce qu’elle y repense encore parfois, à cette première rencontre, dans l’une des salles d’interrogatoires de la station de police. Parce qu’elle y repense encore, à l’état misérable dans lequel elle se trouvait, prête à tout foutre en l’air pour une dose de plus, pour pouvoir oublier quelques heures de plus.

Parce qu’elle n’aime pas qu’il l’ait vu dans cet état. Ne supporte pas que quiconque ait pu être témoin de cette détresse qu’elle s’était efforcée depuis des années à garder bien cachée sous un masque aux traits parfaits. Parce que ça la dérange, finalement, qu’il ait été témoin de tant de vulnérabilité et qu’elle… Elle ne sache rien de lui.

Rien de plus que ce qu’elle peut lire à son sujet.

Elle fait tourner quelques têtes sur son passage lorsqu’elle passe les portes de la station de police, ses talons frappant le sol au rythme de ses pas. La démarche altière, le dos droit et la tête haute, il est impossible de se méprendre quant à l’importance qu’elle s’accorde à elle-même. Une tenue qui dénonce le milieu duquel elle provient, une robe sobre, bien qu’aux tissus luxueux, tombant sur ses cuisses en s’arrêtant à quelques centimètres au-dessus de ses genoux. De belles bottes sombres aux talons respectables lui offrant quelques centimètres supplémentaires pour lui donner l’impression d’être plus grande encore que ce qu’elle est. Ses boucles sombres sont ramenées vers l’arrière, tombant gracieusement sur ses épaules tout en encadrant ce visage aux traits légèrement maquillés, de la ligne de pinceau noire sur la paupière au bordeaux colorant ses lèvres.

Quelques bijoux qui tintent, suivant le mouvement de ses bras, une main aux ongles longs, peints d’or et d’émeraude refermée sur un sac contenant quelques dossiers importants qu’elle a pris la peine d’amener avec elle, jusqu’ici. Quelques dossiers concernant ce procès pour lequel l’avocat avait besoin d’aide. La raison officielle de sa présence ici, lorsqu’elle se présente à qui de droit et que cette même personne l’amène un peu plus loin dans le bâtiment. Jusqu’à une porte sur lequel se trouve son nom, qui s’ouvre après que celle l’ayant accompagnée jusqu’ici se soit annoncée.

Elle la remercie poliment, un doux sourire sur les lèvres, avant de faire à son tour un pas dans la pièce, puis un second. Bonjour, monsieur Davila. Je suis désolée d’être venue jusqu’ici sans m’annoncer au préalable, mais auriez-vous quelques instants à m’accorder ? La voix douce, un miel évident qui lui offre généralement tout ce qu’elle veut.

Loin de celle qui laissait traîner ses mots, l’esprit brouillé par le manque.
Loin de la pathétique héritière qu’il a eu sur sa route.

Le trouver dans son bureau, c'est un jeu de pile ou face.

Souvent, il est en salle de réunion avec ses officiers pour coordonner les actions de la police interne à grande échelle. Souvent, il est sur le terrain, à gérer les cas et les enquêtes les plus importants. Tout en gardant un œil sur son Axiom pour en même temps pouvoir répondre à toute autre urgence.

En somme, souvent, il n'est pas dans son bureau.

Aujourd'hui, le hasard fait bien les choses. Il lit des rapports, isolé, et il réfléchit, sans l'appui de ses gens de confiance, sans personne. Parmi les documents qu'il consulte, certains que personne d'autre ne doit voir, idéalement. Pourquoi ? Parce que dans le jeu éternel de la course aux informations, il n'a pas toujours le luxe de rester sur le chemin de la légalité, s'il veut progresser.

Gagner un coup d'avance.
Saisir une opportunité.

Alors il y a les trouvailles de ces agents en civil, qui ont trouvé des choses dans des endroits où ils n'avaient pas de mandat. Il y a ces aveux obtenus à la dure, après des interrogatoires musclés. Parfois justifiés, parfois…
La question pourrait se poser.

Il y a ça, il y a une montagne d'autres choses. Et il y a son esprit qui réfléchit. Qui agence. Qui bout.

Parfois, la Loi est le plus grand obstacle en travers du chemin de la justice.

On toque à sa portée, et alors il ferme les nombreux documents à son écran. Il lève le regard vers l'entrée, un vague agacement sur ses traits.

- Je crois me rappeler avoir demandé à ne pas être dérangé.
- Pardonnez moi, Olrun. C'est mademoiselle Leliana Torres qui demande à vous voir.

Une pause, une surprise sur ses traits. Cela fait un moment qu'il n'a pas entendu ce nom… aussi directement, tout du moins. Il a suivi de loin les on-dit et les rumeurs à son propos. Il a entendu le récit d'une jeune femme l'air plus vive, plus resplendissante. Plus… elle-même. Alors certes, il avait demandé à ne pas être dérangé. Mais il y a un fond de curiosité.

Faites la entrer.

Il se redresse sur son siège, s'y installe plus confortablement. Une chemise blanche sur un col entrouvert, les manches retroussées. Ni bracelet, ni collier, ni rien de superflu. Ses cheveux sont légèrement plus longs qu'à leur dernière rencontre, bien que toujours rasé de près sûr les côtés. Sa barbe est toujours entretenue religieusement, et son regard abysse à toujours cette profondeur scrutatrice, alors qu'il l'observe entrer dans le bureau.

Il doit bien constater que là où lui n'a que peu changé depuis leur première et dernière rencontre, elle, c'est le jour et la nuit.

Il n'y a plus les signes du manque, de la décadence. Il n'y a plus cette posture mal assurée, maladroite. Elle se tient droit, fière, elle est belle, et sa voix parle avec une assurance qu'il n'a jusqu'ici pas entendu. Sur les traits de l’Olrun, un très léger, presque imperceptible sourire.

Bonjour, Mademoiselle Torres. Vous avez meilleure mine qu'à notre dernière rencontre. Qu'il lui dit simplement. D'un geste il l'invite à s'asseoir.  Que puis-je faire pour vous ?

Il est curieux.

Il ne voulait pas être dérangé. Tant pis, qu’elle a envie de dire, parce qu’elle, elle avait besoin de le déranger et, heureusement pour elle, très peu de personnes osent dire non à l’héritière du Rey, et ce, même auprès des autres maisons. Elle se dit tout de même qu’elle a de la chance de s’être elle-même déplacée, qu’il est évident que l’avocat n’en aurait pas eu autant et serait tout simplement rentré bredouille, avec peut-être un rendez-vous donné dans les jours qui suivent.

Elle a donc son éternel sourire sur les lèvres. Un sourire poli, avenant. Un sourire d’apparence qu’elle ne laisse pas se briser, parce qu’il est important. Parce qu’elle ne doit pas, ne peut pas se permettre, de lui montrer davantage de faiblesse. De se montrer vulnérable à lui. Alors qu’il y a pourtant ce geste léger, terriblement discret, si facile à rater.

Cette mâchoire qui se serre, lorsqu’il évoque leur première rencontre.
Il n’a pas oublié.

Merci. Qu’elle répond simplement, après tout ne s’agit-il pas d’un compliment ? Elle a effectivement meilleure mine. Elle se rapproche un peu plus, jusqu’à se trouver derrière la chaise faisant face à l’Olrun, ne s’y asseyant pas tant qu’elle n’est pas invitée à le faire.

L’un des avocats de ma maison avait besoin de quelques informations et preuves supplémentaires pour un procès imminent. Elle ouvre son sac pour en sortir un dossier, confidentiel certes mais pouvant être partagé à l’homme se trouvant devant elle. Elle lui tend alors, qu’il puisse lui-même prendre connaissance, rapidement, de l’affaire. Et il a mentionné devoir venir obtenir tout ça auprès de vous. Tout simplement. Elle ne précise cependant pas l’évident, n’ajoute rien sur le sujet, qu’un simple sourire dessiné sur ses lèvres maquillées.

Pourquoi est-elle celle à avoir fait le déplacement ?
Pourquoi ne pas avoir laissé l’avocat venir jusqu’ici ?

Pensez-vous pouvoir nous aider à ce sujet ? Elle espère que oui. Espère qu’elle pourra rester dans ce bureau plus que cette poignée de minutes et d’à peine quelques paroles échangées. Parce qu’elle est curieuse, elle aussi. Parce qu’elle a des questions qu’elle ne posera jamais directement mais qui l’intéresse.

Des réponses qu’elle ne peut obtenir que si elle reste un peu plus longtemps.
Et encore, elle devra la jouer finement.

Il l'avise du regard, circonspect. Il écoute, il tend le bras pour récupérer le dossier. Il lit, rapidement.

Je ne gère pas ce genre de procédure personnellement. Votre avocat aurait dû faire une demande auprès de l'agent affilié à l'affaire.

Qu'il répond platement, sans quitter le dossier des yeux, avant de finalement le lui rendre. De finalement revenir porter son attention sur elle.

Mais puisque vous êtes déjà ici, j'imagine que je peux faire une exception.

En temps normal, il ne l'aurait pas fait. Mais il n'est pas dupe. Elle n'est pas venue ici juste pour ça. Et il est toujours curieux. Alors il lui laisse l'espace pour qu'elle puisse répondre à sa curiosité.
Il se laisse prendre au jeu.

Il cherche les documents sur l'écran devant ses yeux. C'est l'affaire de quelques dizaines de secondes, dans un silence perturbé que par les bruits de couloirs derrière la porte. Puis, les papiers sortent de l'imprimante. De son long bras, il s'empare des documents sans même se lever, puis il les lui tend.

Y avait-il autre chose ?

Il se laisse prendre au jeu…
Mais il ne va pas non plus lui faciliter la vie.

Elle ne s’est pas posée plus de questions que ça, lorsqu’elle a entendu son nom dans la conversation. Elle ne s’est même pas vraiment intéressée aux raisons qui amenaient l’avocat jusqu’ici, le nécessaire pour avoir un prétexte de se retrouver dans cette pièce, c’est tout ce dont elle a eu besoin. Or, face à l’homme, alors qu’elle est attentive à chacune de ses paroles, elle réalise l’erreur de jugement dont elle a fait preuve, la précipitation l’ayant amené à passer outre quelques détails qui se seraient avérés importants.

Tch. Elle ne peut qu’en vouloir à elle-même.
Puis, pourquoi tenait-elle tant à venir jusqu’ici ?

Assez pour ne pas s’attarder à ce qui lui apparaît désormais comme évident.

Veuillez m’en excuser. Elle a un sourire poli, inclinant doucement la tête, quelques mèches sombres glissant contre son visage. Lorsque l’avocat a mentionné devoir venir parler avec vous de cette histoire, j’ai assumé, à tort, qu’il s’était déjà occupé de toutes ces procédures. Elle s’excuse platement, sourire contrit tandis qu’elle n’a toujours pas bougé de derrière la chaise, quand bien même aurait-elle aimé s’y asseoir. Car elle comprend assez vite qu’elle n’aura pas à s’attarder ici, qu’il lui suffit d’imprimer quelques documents pour qu’elle soit rapidement sur son départ. Exactement ce qu’elle voulait, en apparence, selon les quelques paroles échangées, alors que la vérité est autre.

Elle aurait aimé pouvoir lui parler. Un peu. Sans vraiment savoir de quoi exactement, simplement ouvrir la discussion. Pour en savoir plus sur lui ? Peut-être bien. Savoir si elle doit se méfier. Si elle doit le craindre. Car s’il l’a déjà vendu à son père, il détient toujours les informations, scandale étouffé qui repose toujours entre ses mains. Une situation déplaisante pour celle qui ne peut pas se permettre ce scandale, celle qui, depuis, essaie tant bien que mal de redresser sa vie, ne serait-ce que pour ne plus donner l’impression de s’effondrer à la moindre bourrasque.

Je vous remercie de votre temps et d’avoir accepté d’être dérangé pour quelque chose d’aussi trivial, finalement. Elle prend les documents qu’il lui tend, les glisse avec les autres dans son sac avant de lui adresser un signe de tête. Je vous souhaite une bonne journée. Rapide. Efficace. Elle tourne les talons, se dirige vers la porte, la main sur la poignée avant de s’arrêter, ses pensées défilant rapidement dans son esprit alors qu’elle n’a pas envie de franchir cette porte.

Pas maintenant.
Pas comme ça.

Et sinon, dites-moi, s’il vous plaît. Lentement, sa main quitte la poignée et elle se retourne. Autant profiter de ce déplacement… Qu’elle ne soit pas venue pour rien et qu’il n’ait pas été dérangé sans raison. Y aurait-il des situations qui demanderaient qu’on s’y intéresse davantage ? On, les Torres. Quant aux situations… Elle ne sait pas trop. Des procès compliqués ? Des moments où la justice peine à être appliquée, faute d’une administration bancale ? Quelques fauteurs de troubles récidivistes ? Peu importe, finalement, parce qu’elle demande sans vraiment s’y intéresser.

Elle ne fait qu’ouvrir la discussion.
Essaie, du moins.

Ce n'est rien.

Tiago est sérieux, strict et rigoureux, mais ça n'est pas quelqu'un qui va sortir de son chemin pour être désagréable à la moindre erreur. Pas dans ce contexte, tout du moins - pas pour si peu. Alors il hausse simplement les épaules, et il s'acquitte d'une tâche qui aurait dû être confiée à un simple agent de terrain. Ça n'est finalement l'affaire que de quelques cliques.

Quelques clics, quelques secondes, quelques excuses. Il Hoche la tête, sans la quitter du regard.

C'est naturel. Bonne journée, mademoiselle Torres.

Il la regarde tourner des talons avec une certaine circonspection… est-ce que ça n'était donc que ça ? Peut-être que son instinct l'a trompé. Il a du mal à croire qu'après leur rencontre d'il y a maintenant deux ans, elle se contente de revenir ici, jusque dans son bureau, pour simplement “rendre service” sans arrière pensée… alors il est surpris, oui. Mais soit.

Il n'a pas l'intention de la retenir.

Sauf, bien sûr, si elle se retient toute seule.
Il la fixe. L'écoute. Penche la tête sur le côté. Avez vous une idée spécifique en tête ? Sa question est ouverte, trop à son goût. Il lui lance ces quelques mots, comme une occasion de préciser. De se dévoiler, peut-être. Je gage que vous n'ignorez pas ma campagne intensive contre le réseau de contrebande qui sévit sur le vaisseau.

Il répond néanmoins à sa question. Ça ne doit pas être un Secret pour n'importe quel Torres s'intéressant un tant soit peu aux actions et demandes administratives de la police interne depuis quelques années : Tiago a fait de cette problématique une de ses priorités dès son investiture.

Elle est bien placée pour le savoir.

Elle se retourne, parle doucement avec une question qu’elle a vaguement cherché dans son esprit, qui ne l’intéresse guère si ce n’est qu’elle lui achète quelques précieuses minutes pour prolonger sa présence ici. Pour trouver une meilleure raison de rester ici. Elle s’intéresse donc aux situations qui pourraient demander plus d’attention de la part des Torres, n’importe quoi qui puisse nécessité qu’elle y porte un regard plus attentif. Surtout qu’au final, elle n’est pas contre d’en apprendre un peu plus sur ce que font les Théséisses.

Le contrôle vient avec le pouvoir.
Et le pouvoir vient avec l’information.

Il lui demande de préciser sa question et elle reste impassible, bien que légèrement agacée sous ce masque qu’elle ne retire plus depuis plusieurs mois maintenant. Un simple sourire, l’air de réfléchir quelques secondes, peu satisfaite de ne pas l’avoir amené à lui raconter peu importe ce qu’il aurait bien voulu partager, dans l’espoir de peut-être y entendre quelque chose d’intéressant.

Après tout, elle ne peut pas simplement dire ne pas avoir d’idée plus précise. Spécifique.

En effet. Elle hoche doucement de la tête. Nous savons bien pour cette initiative de votre part. Elle parle d’eux, pour ne pas dire elle, détacher le personnel de cette histoire évoquée à travers ses quelques mots. L’a-t-il fait exprès ? Sans doute.

Lui rappeler qu’il sait, au final, de la même façon qu’il a eu quelques mots sur leur toute première rencontre, quelques instants plus tôt. Il n’y a cependant peu de choses que nous pouvons faire à notre niveau. Les lois existent et si les gens décident de l’ignorer… Et bien, il s’agit-là de votre rôle. Elle parle de ces gens qui ne sont pas elle, ceux qui sont jugés là où son histoire a été balayée sous le tapis. Sauf s’il y a des coupables que vous considérez avoir mal été jugés par notre cour ? Elle refait un pas vers lui, son déplacement gracieux, ses pas légers, seulement marqués des talons qui reviennent contre le sol.

Je vous en prie, laissez-moi savoir si vous avez des idées quant à l’implication que nous pourrions avoir. Le ton se veut sincère, la voix doucement mielleuse, l’expression envieuse.

Donnant l’impression de vouloir aider.

Tseh. Tu ne manques pas de toupet, princesse Torres.

Ça le fait doucement sourire, ce petit jeu où elle fait semblant qu'il s'agit ici de leur première rencontre. Elle parle du problème d'un air détaché, comme si elle n'était pas concernée, comme si elle ne l'avait jamais été.

Comme s'il ne se rappelait pas de ses supplications, dans la salle d'interrogatoire, quand elle a compris que sa famille allait savoir.

Mais… en bien. Ça l'amuse presque plus qu'autre chose. Alors il ne dit rien de plus, et il considère sérieusement sa question.

Peut-être qu'il y a quelque chose que vous pourriez faire. Il la fixe plus longuement. L'administration se met parfois sur le chemin de la justice. Pour ne pas dire “la loi est parfois un obstacle que je préfère contourner”. Les délais de traitement, les demandes de mandat…

Il hausse les épaules.

Parfois, le temps entre la demande et l'autorisation, c'est le temps qu'il faut à un suspect pour quitter les lieux et nettoyer derrière lui.

Parfois, c'est trop tard. Et ça, faute au protocole.

Si vous voyez à l'avenir des solutions pour fluidifier ces démarches, n'hésitez pas à me laisser savoir.

Après tout, elle est destinée à devenir une femme très influente.

Elle demande, s’intéresse, s’approche à nouveau du grand bureau qui les sépare jusqu’à s’arrêter devant lui, semblant avoir décider qu’elle ne quitterait pas ce bureau de si tôt. Il a ouvert une porte, a amené un sujet qu’ils peuvent exploiter, duquel elle peut parler avec cette distance nécessaire pour ne pas revenir aux fautes passées, à une histoire qu’elle préfère aujourd’hui enterrer. Après tout, avec tout ce qu’elle a consommé, ce n’est pas comme si elle avait plus que quelques souvenirs flous de cette sombre époque.

Elle incline la tête lorsqu’il parle qu’il y a bien quelque chose qu’elle, qu’ils, pourrait faire. Curieuse, elle le laisse poursuivre, ses prunelles émeraudes éclairés de cette douce lueur qui l’avait quitté, lors de leur précédente rencontre, celui d’une intelligence vive cherchant à trouver faille et ouverture dans ses paroles pour essayer de percer l’homme derrière l’Olrun.

Car là est son réel intérêt.
Il a vu derrière le masque.

Et elle n’est pas assez naïve pour croire qu’il n’en porte pas un.

Fluidifier les démarches ou emprunter un raccourci ? La question a le mérite de se poser, en cachant une autre. Souhaite-t-il s’assurer que toutes les démarches aient un temps de réponse plus… Approprié, selon lui, ou cherche-t-il personnellement à quitter le chemin officiel ?

Considère-t-il sa cause plus importante que les autres ?

Car si les demandes prennent autant de temps, plus souvent qu’autrement c’est qu’elles sont nombreuses. Les siennes. Celles de d’autres Théséisses. Mandats, demandes, les recherches et les besoins d’avis juridiques, tout n’est au final qu’administration à laquelle nul ne peut vraiment échapper… Sauf en demandant aux bonnes personnes. À celles qui peuvent personnellement s’assurer que certaines demandes soient traitées plus rapidement que les autres. Celles qui peuvent s’assurer que ces mêmes demandes soient approuvées. Ces bonnes personnes qui ont de l’influence. Un certain contrôle.

Et donc, par conséquent, un certain pouvoir.

Vous pourriez toujours nous demander de considérer certains secteurs comme plus urgents, ou plus prioritaires, pour que l’on puisse évaluer la situation et ainsi standardiser autrement le processus. Une suggestion polie, protocolaire, alors qu’à quelque part, elle se dit que ce n’est sans doute pas ce qu’il a voulu dire. L’administration se met sur le chemin de la justice, qu’il a dit.

Un obstacle sur son chemin.

Il souffle du nez.

Voyons. Loin de moi l'idée de sortir des sentiers battus.

Dans son ton, il semble sincère, mais elle a personnellement assisté à sa façon de faire, alors elle peut se douter qu'il n'est pas un inconnu au hors piste. Leur premier entretien, elle n'avait pas d'avocat, il a ignoré plusieurs pratiques théoriquement nécessaires au bon déroulé des choses. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un interrogatoire, elle n'était pas destinée à faire face à un tribunal.

Il l'a donnée à son père, et l'affaire a été étouffée, ce seul état de fait permet de confirmer qu'il les connait mieux qu'il veut bien le prétendre, ces chemins de traverse hors des Sentiers battus. Mais , on ne l'entendra pas le dire de vive voix. Pas si facilement.

Certes. Les demandes sont nombreuses, car les délits le sont. Pour être tout à fait honnête, si ça ne tenait qu'à moi, la catégorisation de ce qui nécessite un mandat ou non serait beaucoup plus… leste.

Il ne dit pas tout, mais il est franc dans sa philosophie.
Il n'a jamais fait secret de sa façon de penser. Depuis qu'il a accédé au poste d’Olrun, la police s'est transformée pour correspondre à sa philosophie. Plus active, plus d’initiatives, plus agressive et plus disciplinée. Il a déjà maintes fois manifesté son agacement à l'endroit de la machinerie des choses du droit, de la loi. Il comprend leur nécessité. Sans tout ça, personne ne serait à l'abri d'interrogatoire et de perquisitions arbitraires d'une police aux quasi pleins pouvoirs.

Dès lors, justice devient tyrannie.

Il pense simplement qu'ils pourraient.. atteindre un compromis plus efficace.

Heureusement, ça ne tient pas qu'à moi. Un très fin sourire sur ses traits pour ponctuer ce semi aveu de faiblesse. Il se sait parfois extrême dans ses méthodes, Tiago. Sans l'avouer totalement, il est conscient d'avoir besoin de garde fous.

Mais pour en revenir au sujet principal…et si nous arrêtions deux minutes de parler de ce que “on”, les Torres, peuvent proposer comme solutions… son regard se fait plus perçant. Pour plutôt parler de ce que Leliana pourrait faire pour moi ?

Les “on”, les “si” et les “peut-être” ne l'intéressent guère.

Il est plus curieux de ce qu'elle pourrait amener sur la table.

Elle acquiesce, l’air de dire qu’elle n’en doutait pas, que l’Olrun se doit d’être un homme droit. Carré. Un homme respectable, sur qui les autres peuvent s’appuyer. Et donc, par conséquent, un homme qui emprunte les sentiers battus, qui suit à la lettre ces lois qu’il se doit de protéger. Et pourtant, malgré le hochement de tête, elle a toujours ce sentiment qu’il n’y a pas que ça, qu’il lui arrive parfois d’en sortir un peu, de ce chemin. Ne serait-ce que pour s’y retrouver plus loin, plus rapidement.

Faciliter sa vie.
Passer outre l’obstacle sans perdre de temps.

Ils sont nécessaires pour le bon fonctionnement de la communauté. Pour éviter que tous puissent faire comme ils l’entendent, s’il n’y avait pas ces mandats pour donner la permission. Après tout, il n’est sûrement pas sans ignorer les problèmes qu’ils ont connus, au cours des dernières années. Les salles visitées sans autorisation, celles trouvées sans que l’information ne soit partagée. Les secrets qui attisent la haine, la haine qui crée des problèmes. Alors qu’une permission, un mandat, avec à la suite un rapport de ce qui a été vu et fait… De la transparence, pour éviter les conflits, pour que tous puissent profiter de ce qui pourrait s’avérer nécessaire.

Un sourire, alors qu’elle hoche à nouveau de la tête. Heureusement que ce ne sont pas les Théséisses qui s’occupent des lois, de les décider, et que ce ne sont pas eux non plus qui accordent les mandats. Ils ne sont que la main qui exécute, finalement, pour appliquer des décisions que d’autres ont prises. Alors mieux vaut-il éviter qu’ils aient à réfléchir sur le sujet, autrement peut-être que certaines lois seraient compromises et, avec elles, le bon fonctionnement de la communauté.

Elle parle toujours qu’à demi-mot, sans vraiment s’impliquer, encore moins se compromettre, ce qui ne lui a pas échappé. Elle le comprend, lorsqu’il redirige la question vers elle, vers Leliana, plutôt que vers ce qu’elle représentait jusqu’ici, les Torres. Un court silence qu’elle laisse planer, avec de finalement tirer la chaise pour y prendre place, considérant que la question demande un peu de son temps.

Alors autant être confortable pour la suite de la discussion.

Elle s’appuie sur le dossier de la chaise, les jambes élégamment croisées, celle par-dessus se balançant doucement. Son sac est déposé à ses pieds et ses mains sont posées sur ses cuisses, les ongles pianotant distraitement sur sa peau. Pour pouvoir parler de ce que moi je pourrais faire pour vous, il faudrait m’expliciter les attentes à mon égard. Les attentes. Ils en ont tous, à son égard. Ils espèrent tous quelque chose d’elle. S’attendent tous à quelque chose de sa part. Et peut-être élaborer quant au pourquoi est-ce que vous préféreriez passer par moi, plutôt que par… Les sentiers battus.

Pourquoi elle, personnellement, plutôt que les Torres ?
Elle se pose la question.

S’intéresse à ce qu’il peut bien vouloir.

Bien sûr.

Le bien de la communauté
Il aurait beaucoup à dire là dessus, mais ce n'est ni le lieu ni le moment.

Alors plutôt, il parle et propose, il observe et écoute. Elle s'assied, et son regard descend un instant, lorsqu'elle croise les jambes. Il remonte chercher ses yeux, alors que la discussion va finalement vers quelque chose d'un peu plus concret.
Considérant cela…

Jouons donc cartes sur tables, si tu le veux bien. Il s'installe plus confortablement à son tour, le dos calé au fond de son fauteuil. Toi plutôt que quelqu'un d'autre pour une série de raisons très simples. C'est toi qui te tient devant moi en cet instant, c'est toi qui est venu ici avec une idée derrière la tête, et c'est sur toi que j'ai de la poussière à soulever si nécessaire.

Il énonce les faits sans ciller.

Si je dois faire affaire avec un Torres, autant que ça soit… celle avec qui j'ai un passif. Celle qui reste encore accrochée à mon hameçon. J'ai exposé mes problématiques. Notre temps est précieux, et nos enquêtes nous mènent là où l'accès est parfois proscrit.

Il la fixe.

Que peux tu me proposer pour remédier à ces désagréments ?

Les masques tombent, en quelque sorte. Il laisse tomber les politesses, les fausses banalités, pour rentrer dans le vif du sujet. Elle reste toujours aussi imperturbable, bien que son sourire se fasse plus discret, un peu plus réservé. Parce qu’elle réfléchit, ne s’arrête pas, penchée sur chacun de ses mots pour ne pas en laisser un dans l’oubli, qu’elle puisse avoir toutes les informations en main avant d’à son tour déposer son jeu sur la table.

Il l’a compris, qu’elle n’était pas ici sans raison.
Qu’il ne s’agissait pas d’une simple visite de courtoisie.

Il n’est pas idiot, qu’elle se note à l’esprit. Croyait-elle qu’il l’était ? Elle le pense souvent de la grande majorité des Théséisses. Parce qu’ils sont grands, imposants, et qu’ils aiment bien régler les choses par la force, alors, naturellement, ils doivent être plus limités mentalement. Or, il ne l’est pas, et c’est une information importante à avoir. Elle ne peut pas se permettre de le sous-estimer et si elle s’est montrée peut-être un peu trop cavalière aujourd’hui, elle va devoir se la jouer plus finement si elle souhaite obtenir quelque chose de sa part, à l’avenir. Plus discrète encore, sans prétexter de fausses raisons douteuses pour venir s’asseoir face à lui.

Tout comme elle ne peut pas sous-estimer l’emprise qu’il peut avoir sur elle, le pouvoir évident qu’il agite devant ses yeux, pour bien lui faire comprendre, plus clairement qu’avec ses insinuations, qu’il a en main de quoi lui faire du mal. Qu’au final, s’il lui demande à elle, c’est que… Peut-elle vraiment se permettre de refuser ? Ne s’est-elle pas simplement jetée dans la gueule du loup en venant ici aujourd’hui ? Offrir son cou pour qu’il l’attrape ?

Ce que je peux proposer… Le geste est nerveux, bien que subtile. Ses ongles qui piquent légèrement la peau de sa cuisse, viennent marquer de rouge là où ils attirent son attention. La douleur, pour recentrer son esprit, une habitude qu’elle n’a pas perdu, qu’elle présente simplement plus discrètement.

Je peux toujours voir à accélérer certaines demandes, voire m’occuper de moi-même de certaines des vôtres. Pour sa part, elle n’a pas laissé tomber le vouvoiement, distance nécessaire pour garder contenance et ne pas craindre cette menace qui gronde doucement. Si les demandes sont raisonnables. Elle ne se créera pas plus de problèmes pour éviter les premiers. Ou, du moins, elle va essayer de ne pas s’en créer plus, sans quoi ça ne serait que contre-productif. Est-ce la réponse à laquelle vous vous attendiez ?

Peut-elle se permettre une telle réponse ?

Je ne m'attends à rien. Une pause. Ce n'est pas un hasard si je t'ai demandé d'exposer toi-même ce que tu peux faire pour moi.

Il la laisse faire le pas en avant. Prendre le risque. Il jauge à quel point est-ce qu'elle est prête à s'impliquer… les barrières qu'elle est prête à franchir.

Mais les demandes sont toujours raisonnables.

Un fin sourire, indéchiffrable. Est-ce sa façon de dire qu'il sera vraiment raisonnable, ou sa façon de dire “tout devient raisonnable quand tu n'as pas le choix” ? L'avenir le dira.

Les conditions telles qu'elles sont posées ici me conviennent. Un regard à son poignet. Il lui transmet son contact via Axiom. Nous allons de toute évidence être amenés à travailler ensemble dans le futur.

Est-ce une bonne idée ? Trop tôt pour le dire. Mais c'est un pas en avant. Et il faut bien marcher pour progresser sur ce chemin tortueux qu'il s'est imposé.
Amener l'ordre sur le vaisseau, ça n'est pas une mince affaire.

J'ai à faire dans l'immédiat, mais l'on pourra convenir d'une prochaine rencontre à une date ultérieure pour poser plus concrètement les bases de ce… partenariat. Et commencer le travail dans la foulée.

Il se lève, l'invite à le suivre et lui ouvre la porte.

Pour ce que ça vaut, je suis heureux de voir que tu as remonté la pente.

Il lui dit ça, quand ils se croisent, avant qu'elle parte. Il semble sincère.

Voir quelqu'un sortir de cette spirale couleur piqûres, cachets et lignes blanches…

Ça lui donne du beaume au coeur, d'une certaine façon.

Voir si elle mettrait elle-même les pieds dans les plats ? Était-ce réellement là son intention ? Ça ne fait que confirmer ce qu’elle avait remarqué, que l’homme lui faisant face, de l’autre côté de ce bureau, ne peut pas être sous-estimé. Qu’il peut être dangereux, s’il joue les bonnes cartes et, malheureusement pour elle, il a déjà quelques bonnes cartes en mains. Car ce qu’il a compris, de cette proposition à demi-mot, celle qui ne va pas trop loin mais suggère qu’elle a un certain pouvoir de par son influence…

Il a compris qu’elle veut garder l’histoire sous silence.
Et qu’elle est prête à agir en ce sens.

Elle hoche de la tête, le geste un peu plus rapide que les fois précédentes, moins maîtrisé, dénonçant une touche d’agacement venant de celle qui est venue jusqu’ici trop rapidement, poussée par la curiosité, et qui a sous-estimé l’adversaire, ayant naïvement crue qu’elle n’avait pas vraiment besoin de prendre son temps, pas plus avait-elle besoin d’y réfléchir davantage.

Elle reçoit le contact, lui transmet les siens, retenant un soupir qu’elle préférerait il n’entende pas. Il me fait toujours plaisir d’aider la police et de m’assurer que votre travail soit fait de la façon la plus efficace qu’il soit.

Hypocrite, alors que les Torres n’ont pas hésité un seul instant à couvrir l’histoire, entravant d’une certaine façon leur travail. Leur crédibilité, surtout.

Chaque crime a un prix, tout simplement.

Je vous laisserai me contacter avec vos disponibilités. Je suis assez occupée mais je pense avoir un peu plus de flexibilité que vous. Elle apprend encore, Leliana. Travaille de concert avec d’autres hautes instances de sa maison, pour apprendre ce qu’ils font, dans l’idée d’être prête le jour où elle devrait à son tour prendre la place de Rey. Et donc, elle peut se permettre un peu de flexibilité, peut se permettre de se libérer quand elle le veut, car peu ose vraiment lui dire non.

Au plaisir de cette prochaine rencontre. Elle s’est levée pour le suivre, lui a tendu la main, prise délicate lorsqu’elle la sert. Et alors qu’elle traverse la porte, le croise, pour sortir… Elle s’arrête un vague instant, sur ses mots.

Puis décide de continuer son chemin, en ignorant les dernières paroles.
Laissant tout ça derrière elle.