flashback • you ruined everything (morgan)

Avril 39.

Il y a une certaine fatigue, dans sa démarche. Discrète, car elle essaie toujours autant de faire bonne figure, refuse que quiconque puisse entrevoir ne serait-ce qu’une fraction de faiblesse chez l’héritière Torres, et pourtant, pour quiconque porterait assez attention, pour quiconque la connaît un minimum… Il y a cette fatigue, dans la façon dont ses pieds se posent sur le sol, le bruit de ses talons rythmant ses pas un peu plus léger, moins assuré. Presque comme si elle ne voulait pas être remarquée, elle qui d’ordinaire aime être le centre de l’attention.

Le poids se fait lourd, sur ses frêles épaules. Celui des responsabilités. Des attentes. Ce poids qui a brisé sa soeur et qui aujourd’hui menace de l’écraser. La broyer. Elle étouffe, Leliana, étouffe sous cette pression constante qui la prend par la gorge et écrase sa trachée. Elle étouffe, peine à respirer, plus encore à avancer, et pourtant, elle n’a pas le choix. N’a pas d’autres choix que de supporter.

Car elle ne peut pas être comme elle.
Elle n’aurait plus de raison de la détester si elle devait faire comme elle.

Elle s’arrête devant une porte qu’elle reconnaît sans peine, qu’elle connaît très bien, depuis le temps. Quelques coups qui n’obtiennent aucune réponse, un soupir qui s’échappe de ses lèvres. Un connard qui est envoyé au travers l’axiom, parce qu’elle est égoïste, la Leliana, et si elle n’a pas prévenu de sa visite surprise, elle s’attend tout de même à ce qu’il soit là pour elle. Parce qu’elle n’en attend pas moins du peu de personnes qu’elle pourrait presque considérer comme des amis.

Parce qu’elle ne veut pas être seule en ce moment.
Pas avec cette cacophonie qui fait rage dans son esprit.

La peur de l’échec. De ne pas être assez bien. De ne pas pouvoir l’être. Constamment comparée, encore aujourd’hui, à celle qui avait la place avant elle, qui était si parfaite dans son rôle avant de décider de l’abandonner. D’abandonner ses responsabilités. Et, avec elles, d’y abandonner sa cadette, lui poussant la tête sous l’eau avant de la laisser seule.

Oh ! Elle peste, attrape la poignée et, à sa surprise, la porte s’ouvre. Il ne l’a pas verrouillé ? Elle laisse entendre un rire, fait un pas, puis un second, dans le domicile. Morgan. Le ton est presque sèche, avec pourtant ce quelque chose qui l’écoeure lorsqu’elle l’entend d’elle-même.

Une certaine détresse qu’elle ne parvient pas à cacher. À faire taire.

T’es là ? Et même s’il ne l’est pas…
Elle n’a qu’à l’attendre ici.

Ce sera toujours mieux que chez elle.