Power is Power (Feat Aquila/Reagan)

Sa majesté, le diamant des Kramer, avait tout juste invité le diplomate des Torres en sa demeure. Elle aurait apprécié visiter le bureau des Torres. Mais elle ne souhaitait nullement s’inviter chez eux. Non pas par considération envers le vieux Torres, elle se moquait éperdument de ce qu’il pouvait penser d’elle. Pas plus qu’elle n’avait peur de le blesser. Au pire elle mettait enfin fin à la vie de ce vieillard en sursis.  Pourtant, elle n’était pas stupide pour autant. Méprisante, hautaine et parfois trop franche. Pas dénué de raison. Elle n’avait aucune raison de se froisser ouvertement avec les Torres. Bien au contraire. Maintenant plus que jamais, il était important de nouer des alliances entre maisons. Maintenant que le vote du sénat allait bientôt déterminer la direction non pas simplement du vaisseau, mais de toute la politique entreprise à l’intérieur de ce dernier. Elle avait besoin d’allier dans la chambre immense et vide du Sénat. Et quoi de mieux que de s’allier à la maison la plus politique et fière de ce vaisseau. Une occasion qu’elle n’avait nullement laissé passer. Pas plus qu’elle ne pouvait se le permettre.

Pour le moment, elle n’avait guère le luxe de choisir ses alliés. Surtout lorsqu’elle voyait les autres maisons autour d’elle. Les Cervantes sont risibles. Les Kymal ne sont pas fiables. Les Théséisses sont des idiots. Les Vaga sont naïfs. Il ne reste que les Azaraï et les Galéréïs. Mais les premiers sont aussi hautains que les Kramer et le seconds ne comprennent rien à la politique. Par élimination, il ne restait que les Torres. Elle aurait très bien pu se rapprocher du Rey directement, en qualité de leader de maison. Elle préférait néanmoins être plus proche de ses subordonnés, qu’elle meilleure façon de convaincre le patriarche en ayant déjà la confiance de ceux qui le suivent aveuglément.

Reyna avait donc préparé les bureaux Kramer pour l’occasion. Bien plus Corporate et épuré que d’ordinaire. Elle s’était même permise de rajouter une touche de luxe en tâche de fond. Affichant fièrement certaines œuvres taillées à même des pierres précieuses. Tout était mis en place pour faire ressortir la grandeur de sa famille et de sa maison. La pièce tout entière transpirait la réussite, elle se permettait même de s’étaler au visage du premier visiteur venu.

Le Diamant Kramer n’avait jamais fait dans la dentelle, et ce n’était pas en ce jour qu’elle allait apprendre l’humilité et la retenue. Bien au contraire. Elle était même qualifiée à juste titre d’excès. Il n’y a pas de suite. Simplement d’excès à l’état pure, à l’état le plus brut que vous trouverez en ce vaisseau. Elle aurait agi de la même manière avec une autre maison, pas de la même façon cependant. Mettant l’accent sur les goûts et les couleurs de chacun. Se parant de sa plus belle parure d’hypocrisie. Tout pour gagner le cœur de ses interlocuteurs. Avant même que la conversation ne débute. Tout n’était que jeu, et elle jouait pour gagner.

On avait vanté le physique disgracieux de cet étrange bonhomme. Hélas, aucun témoignage ne pouvait rendre justice à une telle dégaine. Ils étaient bien loin du compte en somme. C’était pire que ce qu’ils pouvaient laisser paraître. Et elle n’avait pas de mot assez fort pour décrire ce qu’elle ressentait en ce moment. Malgré tout, elle ne laissait rien transparaître sur son visage. L’accueillant avec le sourire le plus chaleureux qu’elle était capable d’afficher. Elle n’avait pas besoin de l’aimer pour s’allier avec sa maison, pas plus qu’elle n’avait besoin de le voir.

Monsieur d’Alacryon. C’est un plaisir de recevoir la visite de l’Hidalgo en personne dans mon humble bureau. Je suis heureuse que vous ayez pris la peine d’accepter mon invitation.

Il n’y avait rien de pire que la fausse modestie. C’est justement pour cette raison précise qu’elle n’arrêtait pas d’en abuser.

Elle attendit patiemment qu’il s’installe avant de lui tendre une tasse chaleureuse.

Installez-vous je vous en prie. Vous souhaitez boire quelque chose ? Du thé ? Du vin peut-être ? J’ai une cave d’origine terrienne qui ferait pâlir de jalousie votre Rey en personne j’en suis sûr.

Chacun de ses mots étaient accompagnés d’un sourire aussi doux que le miel de ses paroles. Aussi perçant que le fiel de ses envies. Comme si chaque proposition qu’elle faisait à cet instant n’était qu’un service offert. Pas encore rendu.

Elle pencha la tête sur le côté, une mine faussement curieuse et intriguée. Volontairement inquiète. Presque trop.

Comment se porte votre Rey ? J’espère que son âge ne pèse pas trop sur ses épaules.

Encore un jeu qu’elle appréciait tout particulièrement.

Maintenant que nous sommes entre amis. Que pensez-vous de l’état actuel du sénat Monsieur d’Alacryon.

Chasser le naturel et il reviendra au galop. C’est une vérité bien trop réelle dans le cas de cette jeune femme. Voilà qu’elle recommence à être directe. La conversation à peine entamer. C’était plus fort qu’elle. C’était gravé dans son âme, au plus profond de son essence. Une façon de montrer à tous, qu’il n’était pas né celui qui sera en mesure de changer le diamant Kramer.

Alors ? Comment se déroulent vos parties de cartes ? De bons gains en perspectives?

Depuis que son fier et gras interlocuteur avait pris position en face d’elle, le sourire neutre qu’elle arborait sur le visage n’avait pas changé d’un pouce, pas une commissure ne s’était retroussée, pas un frisson l’avait parcouru. Rien. Elle était une parfaite sculpture figée dans le marbre, faisant abstraction de tout ce que son invité pouvait lui procurer comme sensation en ce moment même.

Principalement du dégoût. Plus elle posait les yeux sur lui, plus elle n’avait que du mépris pour lui. L’hypocrisie dont elle s’était parée pour cette entrevue n’avait jamais aussi bien choisi que pour ce moment précis. Rien n’aurait pu mieux la satisfaire qu’être hypocrite. Parfois, elle savait mettre de côté sa franchise de côté. A son grand damne.

Il était la parfaite représentation d’une époque révolue, d’un monde dont personne ne voulait plus. Vestige de leur ancienne planète, dont il ne restait peut-être même plus que le nom. Richesse et pouvoir de personnes parvenues au pouvoir, qui n’ont rien eu à faire pour le préserver sinon d’exister, à travers les privilèges des siens. Ceux-là, ne sauront jamais ce que les Kramer comme eux ont dû faire, le nombre de sacrifices et de travails qu’ils ont dû traverser.

Et en plus, il parlait fort. Comme si ne le voir ne suffisait plus à impacter son bonheur, ses oreilles aussi devaient en souffrir maintenant.

Du succès oui. Vous savez, ça n’a pas été facile d’en arriver là. La richesse n’est pas une affaire à prendre à la légère. Pas plus que les marchés et les business mis en place. Mais je ne suis pas là pour vous apprendre la recette de la réussite. Ce sont des choses que les vôtres ne comprendront jamais.

Oops. Elle avait glissé. Plus elle essaye de chasser sa partie naturelle, plus elle lui revient à la figure au moment le moins opportun.

L’âge et l’expérience sont aussi gages de sénilités et d’incapacité à prendre des décisions. Mais vous avez raison sur un point. Votre Rey a bien de la chance de vous avoir.

Tant pis pour la subtilité dans ce cas. Autant rentrer dans le vif du sujet une bonne fois pour toute. Au point où elle en était. Peut-être l’honnêteté avait plus à lui apporter que l’hypocrisie. Il y avait du bon à être franc disait-on. Il était l’heure de tester ces vieux adages de leurs ancêtres.

Vous m’en voyez fort contrits. J’espère que mes locaux sauront accueillir votre personne comme il se le doit ! Il est toujours bon d’avoir des cartes à jouer, ou une connaissance, même vague, sur les jeux de hasard.

Elle n’avait plus l’intention de le laisser prendre les devants, c’était à son tour d’attaquer, pour ça, le diamant ne se ferait pas priver. Elle était la reine des jeux, hors de question d’en perdre un, quel qu’il soit. Il en valait de sa fierté, et en dehors de cette fierté, elle avait bien peu de plaisir dans cette vie.

Cette conversation aurait pu lui échapper, ses émotions prenant parfois trop le dessus, fort heureusement pour elle. C’est à ce moment que Reagan décida de faire irruption dans la pièce. Pour son plus grand bonheur, qui s’afficha à travers un sourire plus que sobre. Elle lui adressa un signe de tête entendu, de ceux qui veulent dire qu’elle est heureuse de le savoir parmi eux. Même sans avoir à le formuler à travers des mots. Elle saura qu’il est en mesure de les comprendre. Ses signes à elle, leur signe à eux.

Elle laissa son jumeau s’occuper des boissons, sachant pertinemment qu’il s’y connaîtrait sûrement mieux qu’elle de toute façon. Même si elle avait peine à l’admettre au fond. Préférant revenir sur le sujet central de la conversation, le sénat. Un parfait moyen de changer de sujets tout en lui permettant de recentrer ses pensées.

Ecoutez, vous êtes quelqu’un d’intelligent. Personne dans cette pièce n’est dupe. Nous ne sommes pas obligés de nous apprécier pour nous entraider. Vous ne trouvez pa s ? Le sénat sous les Torres risque de voter encore un refus d’exploration. Non pas que l’idée de rester enfermer des mois de plus dans ce vaisseau me rebute. Vous et moi ne sortons pas d’ici de toute façon. Mais sans rencontrer d’autres espèces, sans rencontrer d’autres êtres vivants dans cet univers, notre commerce s’en retrouvera affecté sur le long terme. Sans compter que même une planète vide peut-être synonyme de richesse à vendre.

Lance un regard de temps en temps à son jumeau, sachant qu’il la comprendrait parfaitement, elle l’observait tout de même, voir si ce dernier avait des précisions ou un besoin d’ajouter un point à la conversation en cours. Une forme d’invitation de sa part, de ne pas se priver de leur avantage numérique. Qu’il comprenne et surtout qu’il soit témoin de l’unité Kramer.

Je vais être franche avec vous, je me moque éperdument des Vaga et des Théséisses, qu’ils deviennent fous à force de tourner en rond dans ce vaisseau est vraiment le cadet de mes soucis. Mais je ne laisserai pas ma maison sombrer dans la pauvreté parce qu’un homme trop vieux pour abdiquer à peur de l’inconnu et refuse de s’aventurer au-delà. Pour que toute entreprise fonctionne, il faut parfois prendre des risques.

Porte à ses lèvres le verre servi par Reagan, elle n’était pas friande de boisson terrienne, encore moins de vin rouge, non pas qu’elle n’aimait pas ça. Mais elle trouvait cette boisson bien trop appréciée pour ce qu’elle était. Simplement du raisin fermenté, pas de quoi en faire toute une lubie. Mais plus elle parlait, plus elle sentait sa gorge devenir sèche. Peu de chose était en mesure de la satisfaire, mais elle pouvait feindre de l’intérêt pour à peu près n’importe quoi, que ce soit de la nourriture ou des boissons. Une façon qu’elle a trouvé de paraître plus proche des autres.

Je précise également Monsieur d’Alacryon, que vous ne parlez pas à des ingrats, ma maison s’est se montrer très généreuse envers ceux susceptibles de lui apporter leur soutien.