[Expo] Nox | ft. Lorenzo

Ta respiration se fait vaguement entendre dans le néant sonore qui trône. Parfois, tes pas rejoignent les échos provoqués par ta canne et cela te fait sourire. Tu avais le lieu pour toi seul. Pas de cri, pas de paroles, pas de murmures. Tu étais seul, avec tes songes, tes pensées et tes réflexions. Tu pouvais enfin apprécier quelque chose sans avoir besoin de t'expliquer ou de justifier ta présence. Ce genre de plaisir, tu ne les autorises que rarement. Trop en faire tuerai la joie que tu en gagnes et attirerai des regards que tu préfères braqués ailleurs. Ce ne serait pas honteux pour toi que le monde apprennent tes lubies passées, tu n'as juste pas envie qu'on essaie d'acheter ta sympathie par ce biais.

Tu es seul dans cette salle, si l'on oublie l'un de tes garde du corps te suivant en silence. Tu ne le calcules pas vraiment. A force, il est devenu une extension de ton corps. Tu oublierai presque qu'il existe si tu ne sentais pas sa présence rassurante lorsque le stress monte. Mais là, le stress n'est pas là, alors tu souris et soupire par moment.
Privatiser un bâtiment pareil est loin de tailler dans ta fortune mais tu ne le fais finalement qu'assez rarement. La culpabilité prenant souvent le dessus. Tant et si bien qu'aujourd'hui, tu n'as demandé qu'à avoir accès au lieu que quelques heures avant la fermeture. Deux petites heures pour te permettre de, toi aussi, profiter de l'art.

Ta main enserre le pommeau de ta canne alors que tu t'approches du tableau devant toi. Tu le détailles des yeux et te penche au point de faire hurler le garde s'il était présent. Tu ne veux pas toucher la toile mais tu veux au moins en comprendre la teneur. La brume ne t'autorisant pas à voir tous les détails mais, clémente, t'offrant au moins la grâce de comprendre le coup de pinceau. Tu souris alors, satisfait et te recule légèrement avant de t'installer sur un banc faisant face à la toile.
Les lumières tamisées rendant la vision compliqué pour n'importe qui d'autre que toi. Pour tes yeux.. Tu n'abandonnes pas le soucis du détail puisqu'il n'aurait pas été présent de toute manière. Car, une fois la lumière frappante diminuée, tu vois enfin les nuances de couleurs sans en être agressé. Des nuances de gris principalement mais plus cet espèce d'amas blanchâtre où quelques couleurs arrivent encore à percer. Tu observes le tableau sans vraiment pouvoir le voir et souris. Une brève larme coulant sur ta joue que tu balais d'un doigt ganté. Tu ne veux pas être mélancolique, pas en public.

Après quelques minutes de contemplation, tu te relèves et t'apprêtes à recommencer ton manège, t'approchant d'un nouveau tableau et te penchant vers celui ci avec la lenteur de quelqu'un qui ne veut pas voir le temps passer.

Le son t'agresse et tu grimace. Ton dos cesse de se arquer et tu te redresse assez brutalement, ta canne venant heurter le sol sous ton sursaut. Tu grimaces et fronce les sourcils, la violence des paroles ayant éclaté une bulle dans laquelle tu avais pris plaisir à te prélasser. A l'ombre des regards et des jugements. Tu soupires sous la force des vociférations mais note qu'il accentue être chez lui. Un Cervantes très probablement. Tu grinces des dents. Tu n'as rien contre eux mais tu les sais si imbu d'eux même, presque autant que les tiens. Et ça t'exaspère d'avance.

Un bref soupir s'échappe de tes narines et tu ne daignes pas encore te retourner, pourquoi faire de toute manière. Les lumières tamisées t'empêchant même de voir sa silhouette à moins qu'il ne se tienne à moins d'un mètre de toi. Ta langue claque, agacé avant que ta voix douce ne fasse cesser momentanément le capharnaüm.

- Tu peux le laisser passer.. Tout va bien.

L'une de tes mains gantée se lève et fait signe au garde du corps de ne plus chercher à le bloquer. L'intimant sans plus parler à simplement observer. Être prêt à intervenir en cas de problème ou d'insulte un peu trop vicieuse.
Ta tête se penche légèrement sur le côte alors que tu continues d'observer le tableau, marquant un pas en arrière pour essayer de le voir dans son ensemble. Pas assez loin pour ne pas réduire encore plus l'espace te séparant de l'individu à la tenue tout aussi criante que sa voix.

- Je n'ai pas à me justifier mais, puisque vous semblez être l'un des mécènes de ces lieux.. Je ne touchais pas la peinture, j'étudiais simplement la peinture pour en comprendre le geste.

Sans plus prêter attention à lui, tu te réinstalles sur le banc derrière toi et observe l'amas de couleur devant toi avec les lèvres pincées. Tu n'apprécies pas avoir à faire ce que tu fais devant audience. Mais tu as dépensé de l'argent pour ce droit et tu ne comptes pas partir parce qu'un inconnu décide de revenir sur une promesse faite par un autre.

- J'ai payé pour pouvoir avoir accès à ce lieu à ma guise durant un certain laps de temps. La réservation à été faite en mon nom, Vasily Barinov, le virement déjà effectué. Je partirai quand je le souhaiterai. Vous êtes le bienvenu pour rester mais par pitié, cessez de vociférer.

Tournant légèrement ta tête dans sa direction, le regard arqué vers le sol à défaut de pouvoir s'accrocher ailleurs. Tu patientes quelques secondes, laissant tes yeux brumeux cligner à plusieurs reprise sur un néant que tu sais pourtant habité.

- A quel Cervantes ai-je l'honneur ?