Control your poison, babe (Ft Octarine)

Son regard se promène d’écran en écran. Lui offrant un magnifique aperçu de son empire. De tout ce casino grouillant de vie. Lieu privilégié des habitants du vaisseau. Qu’ils en aient conscience ou non. Qu’ils veuillent bien l’admettent ou non. C’était l’une des rares occupations disponibles dans cette carcasse métallique. Si ce n’est la seule qui vaille la peine d’être prise en considération. Mais on dira d’elle qu’elle n’est pas objective. Pourtant, elle vous mettrait bien au défi d’en citer trois autres. Déjà qu’une serait une tâche ardue.

En ce jour où la monotonie était sur le point de gagner le corps tout entier de la jeune femme. Assommé par cette routine lassante et bien trop soporifique à son goût. Elle constata une étrange activité dans le secteur des jeux de cartes. A force d’observer la situation. Elle avait vite compris qu’elle était le problème. Une jeune femme était accusée de tricherie. Ce qui n’était pas dans une première dans ce casino. Ils étaient nombreux ceux qui s’y étaient osés auparavant. En visionnant à nouveau les images d’archives, elle remarqua que les accusations n’étaient pas infondées. Bien au contraire même. Elle était douée, il fallait l’admettre, les cartes qu’elle échangeait de façon astucieuse ne se voyaient presque pas à l’écran. Mais le regard du diamant Kramer, gérante de casino depuis plusieurs années, s’étaient habitués à ce genre de passe-passe.

Toutefois, le point à retenir de toute cette altercation, n’était pas l’acte en lui-même. Non, bien trop banal à son goût. La personne à l’origine de cet acte en revanche. Ne manqua pas d’arracher un sourire à la femme bicolore. Voici que l’une des têtes pensantes des Galéréïs n’avait rien trouver de mieux que venir tricher dans son casino pour tromper l’ennui. Elle ne la blâmait pas dans le fond. Elle aussi était en proie à cette maladie. Surtout dernièrement. Sûrement qu’elle ne lui en voudra pas de vouloir tuer le temps à sa façon dans ce cas. Tout le monde avait sa propre conception de l’amusement après tout.

D’une pression rapide sur son Axiom, elle contacta la sécurité de son casino.

Emmenez-la dans mon bureau.

Ni bonjour ni merci. Elle ne les payait pas pour être sympathique avec eux. Simplement pour qu’ils fassent leur travail. Bien de préférence. Quoi que non. C’était non négociable en réalité. Un travail fait à moitié n’était pas digne d’être payé à ses yeux.

Elle se leva de son fauteuil, préparant la scène le temps qu’elle arrive à elle. Allant chercher sa théière. Versant son contenue dans deux tasses. Elle sifflotait presque, amusée à l’idée de titiller la jeune Mercure. Avant de regagner son bureau. Disposant les tasses l’une en face de l’autre. A leur image. Tandis qu’elle regagnait sa juste place. Dans son énorme fauteuil, trônant dans cette pièce bien trop grande pour elles.

Mais voilà qu’on frappe à la porte, l’heure n’était plus aux divagations, mais à l’action. Les acteurs étaient en places, il ne restait plus qu’à faire jouer la scène.

Oui. Laissez-nous.

Elle l’accueille avec un grand sourire, disposant des gorilles qui l’accompagnent d’un mouvement sec de la main. Ne laissant place à aucune négociation possible.

Vous m’accompagnerez pour un peu de thé ?

Tout était presque trop beau. La mise en scène, la disposition des tasses et des chaises, la mine qu’affichait Reyna. Tout était fait pour qu’elle comprenne que cette pièce était sur le point de démarrer, avec ou sans son accord d’ailleurs. Ceci, n’était qu’un point de détail, qu’elle s’était empressée de dissiper. Ses questions étaient fermées, et jusqu’à présent. Personne n’avait pris la peine de demander son avis. Que voulez-vous. Octarine s’est amusée à tricher. C’était à son tour de s’amuser maintenant.

Alors ? Comment se déroule vos parties de cartes ? La chance vous sourit ?

Reyna, elle, lui souriait à pleines dents.

Elle ne semblait pas déstabilisée. Ou du moins, elle ne le laissait pas paraître. Bien. Tant mieux même. La dame Kramer espérait un amusement digne de ce nom. Une façon ludique et amusante de tuer le temps. Quoi de mieux qu’une discussion sous les auspices du passif agressif ? Elle n’en connaissait d’autre. Des moyens susceptibles de l’occuper.

Reyna était certes foncièrement mauvaise, mais pas dénuée de savoir vivre. Elle lui laisse l’occasion de boire une gorgée de la tasse posée astucieusement face à son interlocutrice. Tout en lui laissant le loisir de se défendre. A sa façon. Le déni. Pas inattendu, pas dénué d’intelligence. C’était une méthode comme une autre. Qu’elle ne se permettrait pas de juger. Pas sur ce point en tout cas. Le déni était une justification commune tout à fait plausible. Quoiqu’un tant soi peu trop utilisé à son goût. Mais je m’égare, nous ne somme pas là pour aborder ce sujet.

Chanceuse aux cartes, malheureuse dans la vie il faut croire ?

Petit sourire amusé, suivi d’un rire tout aussi joyeux. Se retrouver convier dans le bureau du Diamant Kramer était pour beaucoup une chance. Sauf dans le rare cas où l’accusé se retrouve être le coupable. Dans ces rares occasions. L’invitation n’avait rien d’une chance. Elles le saisissaient autant l’une que l’autre. La seule différence entre elles, c’est qu’elles ne l’abordaient pas de la même façon.

Vous n’avez pas idée. En tout cas, mon travail m’occupe plus que le votre visiblement. Et moi qui croyais que la lourde tâche de diriger notre vaisseau ENTIER était quelque chose à prendre très au sérieux. Nous en apprenons tous les jours ! C’est merveilleux vous ne trouvez pas ?

Les voilà, les petites incisives qui refont surface petit à petit. Prête à dévorer sa proie. Ou à défaut, la personne qui se tenait là devant elle. Elle prit sur elle toutefois d’enrober la fin de ses mots sur le ton de l’humour. Laissant échapper un rire faussement amusé. Elle faisait de son mieux pour la rassurer. Si le jeu s’arrêtait aussi vite qu’il n’avait débuté. Il n’y aurait aucun plaisir à y jouer.

Pardon je m’égare. Où en étions-nous ? Oui ! Les jeux de carte. Fascinant. Une occupation que j’affectionne tout particulièrement. Quoique, ça tombe sous le sens, après tout j’ai ouvert un casino.

S’avance doucement vers elle, réduisant la distance qui les séparait sur ce bureau. Les mains croisées, avec la tête posée juste au-dessus, la dévisageant pleinement. Plongeant presque son regard à travers le sien. Si elle pouvait la transpercer de ses yeux nul doute qu’elle le ferait presque instinctivement.

Dites m’en plus sur vos techniques. Il n’y a pas que la chance j’en suis sûr. Vous avez sûrement un talent tout particulier pour ça. Ne vous en faites pas, je m’interdis de jouer à mon propre casino, votre secret sera donc bien gardé. Et vous ne m’aurez pas comme adversaire.

Pas sur ce point-là. Pour le reste, elle ne pouvait rien promettre.

]Dites-moi tout, je veux tout savoir ma chérie !

Elle se surprend à sourire malgré elle face à la situation. Qui aurait pu penser que tourmenter ainsi leur navigatrice pouvait être aussi amusant. Qui pouvez penser que les Galéréïs étaient capables de distraire un autre être vivant. Autant de surprises pour une femme qui ne l’était pas souvent. Ou qui avait perdu l’occasion de l’être depuis son enfance chaotique. Qui avait laissé très peu de place à la surprise il faut avouer. La surprise n’allait pas de pair avec les expectatives de ses parents et les projets sur le long terme qu’ils avaient pour leur jumeau.

C’est vrai. Et vous êtes conscientes. C’est déjà ça. Certaines n’ont pas eu votre chance et sont toujours plongés dans un sommeil artificiel. Qui sait jusqu’à quand ? Vous avez raison. Vous êtes très chanceuse. Après tout, vous êtes en entretien avec le diamant Kramer. Peu ont eu cette chance. Décidément, je pourrais presque comprendre votre talent pour les jeux de carte. Avec une telle chance.

Insistant bien sur toute l’ironie de la situation. Ironie qu’elle ne pouvait saisir d’ailleurs. Elle qui n’avait jamais été originaire de leur planète. Elle qui avait vu le jour sur un vaisseau en dérive au beau milieu de l’espace. Elle qui était bien loin de toutes ces préoccupations et tracas que partagent ses ancêtres et les reliques qu’ils avaient à leur bord.

Pour être tout à fait honnête, elle n’avait pas écouté la réponse de la jeune femme sur son travail, non pas que ce point ne l’intéressait pas. Ce qui était totalement le cas soit dit en passant. Mais bien plus que son désintérêt. Elle s’était focalisée sur sa posture, sur sa tentative d’approche. Quelque chose à laquelle elle ne s’attendait pas. Une nouvelle surprise. Une proie en danger se rapproche rarement du serpent sur le point de mordre. Soit elle était dénué d’instinct de survie, soit elle fonctionnait uniquement au culot. La réponse se trouvait entre les deux, à n’en point douter.

Vous avez raison. Certains rôles n’ont d’utiles que le nom. Entre nous, je suis d’accord avec vous. Je ne vous ferai pas l’affront de les nommer. Je pense que quelqu’un d’aussi intelligent partage ma vision de la chose. Marque une pause face à sa prochaine remarque. A vous de me le dire. Que feriez-vous sans argent Miss ? Je suis curieuse de le savoir voyez-vous. Pourriez-vous vivre dans une pauvreté totale ? Sans aucun bien ? Sans aucun attrait pour ce qui est matériel ? Si c’est le cas félicitation, vous valez plus que toute la population de ce vaisseau j’en ai bien peur.

Et voilà qu’elle ose encore. Une nouvelle tentative culotée, comme elle savait si bien faire. Le diamant Kramer l’avait bien compris à présent. C’était là le caractère de la jeune femme qui se tenait en face d’elle, et qui l’amusait tout particulièrement. Elle se para de son plus beau rire et de son plus chaleureux sourire amusé avant de lui répondre d’un ton tout aussi enjoué.

Bravo. Vous m’avez surprises. Excellent choix de carte si je puis me permettre. Et je me permets. Vous avez bien raison, les tours de magie doivent garder une part de mystère, au risque de ne plus être de la magie.

Elle tapota frénétiquement sur son Axiom, sans rompre le contact visuel avec Octarine, comme si tout était déjà prévu. Elle n’avait pas besoin de voir ce qu’elle s’apprêtait à faire.

Mais un doute persiste. Je pense que j’ai percé votre petit tour de magie et ça m’embête. J’aurai voulu garder cette part de mystère n’est-ce pas. C’est ce que nous venons de dire. Alors dites-moi, je me trompe peut-être, je n’ai sûrement pas bien compris le tour et ma vision me joue des tours.

Elle afficha au-dessus de son bureau une copie de la caméra de surveillance située au-dessus de la table de jeu où Octarine se trouvait au préalable, juste avant de tomber dans l’antre de Scylla. En prenant bien la peine de faire un Zoom sur la scène et sur les mouvements de la jeune femme capturée par le système de sécurité du vaisseau.

Peut-être que vous pouvez éclairer ma lanterne. Je me suis trompé ? Je n’ai pas percé à jour votre petit tour de passe-passe ?

Elle balançait de plus en plus la tête, à mesure que la discussion s’aventurait sur des eaux familières. Ce petit jeu du chat et de la souris qu’elle avait pratiqué avec toutes les personnes qu’elle avait rencontré au cours de sa vie. Ce n’était plus une passion, pas plus qu’elle n’y prenait un plaisir malsain. C’était simplement devenu un automatisme. Simple réaction à l’éducation particulière qu’elle avait reçue.  N’était-ce pas ainsi que les gens étaient supposés communiquer ? Echanger sur le temps et la météo ? A ses yeux la réponse était évidente, il n’y avait pas d’autre façon de faire. Ce n’était qu’une géante partie où chacun cherche à avoir l’ascendant sur l’autre.

Elle se laisse porter par la conversation. Par son petit jeu. Par cette sensation familière. Amère et triste. Mais qui lui rappelait pourtant son enfance. Celle qu’elle avait passé au côté de son jumeau. Une façon de vivre un retour aux sources. Cette fois-ci un plaisir malsain et dérangeant. Qui la pousse à revivre un moment désagréable de leur vie qu’ils ont partagé ensemble. Peut-être une façon de voir tout ce qu’ils ont surmonté. Même elle ne saurait expliquer cette bizarre envie.

Rassurez-vous, je n’avais pas la prétention de vous prendre sur une sainte. J’ai bien peur que ceux qui peuvent prétendre à ce titre sont restés avec nos ancêtres. Et à l’heure actuelle il ne doit plus rester grand-chose de leur trace. Il n’y pas d’âme assez charitable sur ce vaisseau. Mais ce n’est pas plus mal. Nous n’avons pas besoin d’un petit groupe de bien-pensant qui se croient au-dessus des autres sous couverts de bonté, alors qu’ils ne sont en réalité qu’hypocrisie.

Voilà qu’elle reporte toute son attention sur la conversation, non sans déborder une nouvelle fois. Oubliant presque le sujet à la base. Se laissant porter comme à son habitude dans ses élucubrations et ses longs discours sur un thème ou un sujet particulier. Qui bien souvent, touche un phénomène d’une société. Celle-ci ou celles d’avant.

Elle ne pouvait s’empêcher de ne pas trop parler. De ne pas partir dans toutes ces considérations, même si plus personne n’allait prendre la peine de l’écouter. Elle. Elle s’écoutait parler. Et elle ne pouvait nier l’évidence même sous ses yeux. Elle adorait ça. S’entendre déblatérer. Sur quel que sujet cela soit. Elle aimait tout simplement écouter le ton de sa propre voix.

Mais voilà que sa partenaire de jeu (malgré elle), venait de tout rompre. De mettre une fin brutale sur cette activité qu’elle trouvait de plus en plus palpitante. Assez pour mouvementer son après-midi. Tandis qu’Octarine soupire de lassitude et se gratte le cou. Elle, le diamant, lâche un râle encore plus fatigué et las. Avant de rouler profondément des yeux et d’afficher une mine à la fois contrariée mais surtout déçu.

Oh non. Pas vous aussi. Alors que vous sembliez avoir tellement de potentiel. Ne commençait pas à tomber dans les travers des gens de ce vaisseau. Qui viennent rendre les armes et réclamer leur juste châtiment.

Laisse échapper un rictus presque amusé face à sa dernière remarque avant de reprendre de plus belle.

Ecoutez. Je ne sais pas comment le dire pour que les gens impriment ce que j’ai en tête. Alors laissez-moi parler de façon crue pour une fois. Peut-être que vous allez enfin ouvrir les yeux sur toute cette situation. Je me moque bien de ce que vous avez volé à vos camarades. Je m’en carre totalement de votre petite tricherie. Pas plus que j’en ai quelque chose à faire des conséquences de cet acte voyez-vous.

Affiche un nouveau sourire amusé. Comme si elle ne venait pas de lâcher un râle et de rouler les yeux il y à de cela quelques secondes à peine.

Je vous pensais intelligente ! Plus maligne que cela. Allons. Ne me décevez pas. Vous pensiez bien que si j’étais réellement contrarié je vous aurais fait mettre dehors de façon beaucoup plus brutale. Sans prendre la peine de vous faire venir dans mon bureau.

Croise les bras avec une moue contrariée.

Amusons-nous à nouveau. Essayez encore de nier. De me convaincre que vous êtes plus maligne. Battez-vous fièrement. Croc et ongle dehors ! Faites comme si vous étiez innocente. Jusqu’au bout. Inventez des excuses loufoques. Que sais-je ! Surprenez-moi ! Je vous en conjure ! Mais ne faites pas comme tous les autres. Ne soyez pas banale à en crevez.

Pointe la porte du doigt avant de pointer la chaise sur laquelle est assise Octarine.

Vous avez deux options donc. Choisissez d’être banale. Choisissez d’être inintéressante et soporifique à souhait. Et sortez du bureau immédiatement. Ou alors prenez la décision de ne pas être comme les autres. Restez assise sur cette chaise. Et surtout. Surprenez-moi. Je sais que vous en avez les capacités.

Elle n’était pas comprise. Rarement, voir jamais. La seule personne capable de la connaître et de la comprendre sur ce vaisseau n’était autre que son jumeau. Reagan. Les autres avaient tendance à afficher le même regard interrogateur qu’Octarine en ce moment même. A s’inquiéter pour elle, sur ce qu’elle pouvait ou non ressentir. S’interroger même sur cette faculté qu’elle avait de ressentir quoi que ce soit. Si elle avait le mérite d’exister. Elle se moquait pourtant bien de leur regard et de leurs égards. Il ne la considérait pas comme normale ? Pas comme eux ? Grand bien leur fasse. Elle n’était que plus comblé face à cette nouvelle. Tout cela ne pouvait vouloir dire qu’une seule chose, qu’elle était bien au-dessus d’eux, qu’elle avait le mérite de ne pas être normal comme eux. Pas ennuyant, pas barbant.

Le diamant ignora volontairement sa question, lui laissant pleinement le temps de réfléchir à la sienne. A sa proposition. Voyant qu’elle en avait besoin. Du temps. Pour se décider sur ce petit dilemme. Choisir le confort et l’indifférence, au risque de retourner à un quotidien lassant. Ou essayer à nouveau d’embrasser cette folie à laquelle elle faisait face. Elle savait pertinemment que la mercure en avait les moyens, de ne pas la décevoir. Elle aussi, elle n’était pas comme les autres au fond, elle avait beau poser les mêmes questions. Dans sa façon d’être, dans ses réflexes et dans ses réactions, il n’y avait rien de commun là-dedans. Elle dénotait par sa simple présence.

La voir cependant jouer avec sa carte entre ses doigts, s’enfermant dans un silence qui aurait pu durer bien trop longtemps, avait quelque chose de plus amusant que le silence qui s’était installé entre elle. Elle faisait face à l’évidence mais une part d’elle-même avait visiblement peur de franchir le pas. Elle qui était d’habitude si sure d’elle, qui avait voulu jouer l’indifférence et l’innocence, qui semblait toujours avoir quelque chose à redire à chaque situation. Voilà que pour une fois, elle était réellement sans voix, sans savoir.

Déjà, la voir autant hésiter suffisait à lui donner la certitude qu’elle ne venait pas de perdre son temps. Même si elle décidait de se lever et quitter la pièce à cet instant, ce qui avait un arrière-goût décevant certes. Savoir qu’elle n’aura pas pris la décision directement était tout de même une petite victoire, assez savoureuse pour l’apprécier à sa juste valeur.

Elle se lève. Ah ! L’attente semblait s’achever en cet instant. Elle avait pris sa décision. Un peu dommage. Elle attendait plus d’Octarine il faut le dire. Mais soit, elle trouvera une autre occupation pour terminer la journée. Alors qu’elle était déjà résolue et sur le point de faire son deuil sur cette rencontre. Une surprise de plus vient bousculer à nouveau ses plans. Voilà qu’elle se rassoit, avec un petit air contrarié, sûrement qu’elle a conscience de ce qu’implique son geste au fond.

Le diamant Kramer se pare de son plus beau sourire, avant même qu’elle n’ait besoin de prendre la parole. Une victoire reste une victoire. Et celle-ci était assez chérissable pour mériter un sourire aussi carnassier sur le visage.

Un problème sur les caméras vous dites ! Quel malheur. Je me demande comment faire à présent. Qui pourrais-je blâmer pour ce matériel défectueux. Si seulement je connaissais les techniciens du vaisseau, ou quelqu’un qui leur est proche.

Elle feint la surprise et l’ignorance. Poursuit son petit jeu du chat et de la souris à l’envie. Jusqu’à en abuser à ce stade. Maintenant, les deux femmes jouaient à ce jeu d’actrice, où celle qui aura le plus d’innocence sur le visage le remportera.

J’ai confiance en vous ! Je sais que vous tiendrez parole. Vous n’êtes certainement pas de ces gens qui arnaquent les autres donc tout va bien. N’est-ce pas ?

Plisse les yeux, dans une moue presque tendre, presque sincère. Comme si elle croyait réellement à ce qu’elle venait de dire.

Heureusement que la mercure du vaisseau est dans mon bureau en ce moment même alors. C’est sûrement une coïncidence qui tombe à pic ! Je ne me pensais pas aussi chanceuse décidément. Je devrais sûrement jouer aux cartes moi aussi. Qu’en pensez-vous ?

Reyna Kramer aimait quelque chose plus qu’elle n’appréciait le jugement. C’était tester les autres. Ce qui se rapprochait le plus d’une passion dans sa vie. Plus que juger les autres, ce qui était bien loin de la satisfaire. Le jugement n’est qu’un premier jet. Une image sans aucun travail, sans trop de saveur, une simple ébauche. Alors que prendre le temps de tester l’autre. Voilà qui était bien plus complet. Presque une forme d’art. Ils n’étaient pas nombreux à se montrer suffisamment intéressant pour passer son test. Ils étaient d’autant plus rares ceux qui parvenaient à la surprendre pendant cette phase de test. De bonnes découvertes dont elle ne se lassait jamais. Ceux qui peuvent briller d’improvisation et d’adaptation. Voilà ce qu’elle recherchait, comme un miroir lointain de sa personnalité. Ceux qui sont capables de se démarquer, de ne pas être comme les autres. Ne pas suivre bêtement la masse. Elle n’avait certes pas autant d’accueil et d’empathie que les pégus. Tout simplement parce qu’elle n’était pas là pour les amadouer ou leur mentir. Elle n’était pas là pour leur offrir les phrases qu’ils attendent et les mots qui ne les bousculent pas. Bien au contraire. Elle était franche quitte à blesser, directe sans considération.

Elle était porteuse de message. Voix de la vérité. Aussi pure et douloureuse soit-elle. La vérité sans artifice, sans fioriture. La simple vérité. Ni pessimiste ni optimiste. Une. Seule. Vérité.

Elle parvient à regagner l’attention du diamant en levant la main, se tenant juste à côté d’elle, faisant son drôle de signe. Non pas que Reyna avait cessé de l’écouter. Elle s’était simplement perdue dans ses propres pensées.

Vous m’en voyez rassuré, et je suis fort aise que l’Etain lui-même du vaisseau accepte de me donner de son temps !

Drôle d’ironie de parler de vérité dans cette pièce théâtrale où chacune jouait son rôle. Mais même les comédies les plus loufoques et les plus risibles ont une part de vérité.

Ô mais j’ai une totale confiance en vous. Vous avez l’air d’être une personne digne de confiance à n’en point douter.

Après tout, elle pouvait très bien tricher aux cartes mais n’avoir qu’une parole. Elle ne pouvait pas lui en vouloir d’aimer gagner. Lui reprocher cela serait un mensonge éhonté, bien loin de toute la vérité qu’elle se targue de représenter. Mensonge doublé de mauvaise foi. Et elle avait certes beaucoup de défauts, menteuse et de mauvaise foi ne faisaient pas partie de la liste. Qu’elle soit longue ou non. Là n’était pas la question.

C’est pour ça que je suis directrice du casino, pas simple joueuse.

Elle se permet même de laisser échapper un éclat de rire fugace, vite arrivé vite passé. Observant ensuite en silence le petit manège de la Mercure. Jusqu’à la carte posée sur son torse. Sans pour autant sourciller, elle soutient son regard, plongeant ses pupilles froides et sans vie dans celles de la jeune femme.

Pourquoi pas à l’occasion. Si vous n’avez pas peur de vous brûler les ailes.

Affiche ensuite une mine enjouée, autant qu’une femme comme Reyna pouvait bien l’afficher. Si tant est qu’elle connaisse ce mot et cette expression. D'humeur joueuse, elle lui attrapa le visage du bout des doigts, lui tenant le bout du menton, avant de lui susurrer d'un air de défi au creux de l'oreille.

J’espère que vous n’êtes pas mauvaise joueuse. Et que vous n’avez pas peur de perdre.

Parce que Reyna. Oui.

Vous savez, pour gagner au casino. Il faut posséder le casino.

Elle lui adressa un léger clin d’œil amusé.