Don't Go Insane ⚛︎ ft Octarine

C’était peut-être une illusion de l’esprit, mais Sambre trouvait qu’il faisait particulièrement frais dans les salles de cryogénisation. Même si le froid était censé être contenu à l’intérieur des caissons, l’impression de fraîcheur semblait s’étendre dans toutes ces vastes pièces de stockage humain. Peut-être que cette impression était également due à l’ambiance morne des lieux et de tous ces corps en sommeil qui, à peu de chose prêt, donnaient l’impression d’être dans une morgue.

Dans tous les cas c’était quand même, à première vue, un très mauvais endroit pour se retrouver, à moins qu’on ne soit deux machinistes chargés de la surveillance des capsules cryogéniques. Ce que Sambre et Octarine n’étaient pas. Quoi que, Octarine un peu plus que Sambre, ce qui leur donnerait une excuse valable si on leur demandait ce que, par Borée, ils foutaient là tous les deux.

Plusieurs raisons faisaient que le choix de Sambre était discutable mais malgré tout très personnel : sa propre personnalité, qui expliquait ce choix en grande partie à elle toute seule, et le fait qu’il soit surtout en recherche de tranquillité pure et dure avant tout autre détail tel que l’ambiance, la vue, le cadre, le côté pratique. Des choses, sommes toutes, essentielles mais desquelles il ne s'encombrait jamais.
Car quand Sambre avait réellement besoin de calme, c’était une véritable nécessité. A l’heure actuelle, les discussions politisées des Azaraï lors de la dernière réunion du Conseil des Fleurs avaient aspirées toute son énergie, et aux vues de celle dont il était doté, c’était un indice conséquent sur leur pénibilité et l’attention qu’il avait fallu déployer pour ne pas envoyer tout ce petit monde sur les roses.

Pour tout dire, c’était même visible.
Sambre n’avait pas pris le temps de se changer avant de se rendre sur le lieu de rendez-vous. Ses cheveux blonds toujours bien tirés en arrière et son ensemble de travail bien trop propre sur lui le prouvaient.
Et, à la lueur de certains caissons encore occupés un peu plus loin, de certains écrans encore éclairés malgré leur cellule vide, les yeux rivés sur le haut plafond presque imperceptible dans la pénombre, il s’était installé sur une cellule déjà ouverte depuis bien longtemps. Vide de tout liquide de conservation, elle faisait alors office de banc extrêmement inconfortable. Et dire qu’ils avaient dormi là-dedans.

Le bruit de pas familiers et attendus qui lui vinrent finalement à l’oreille le tira de cette bulle méditative qu’il essayait d’obtenir, en vain.

- Et te voilà. Une fois n’est pas coutume, je suis le premier arrivé. Et j’ai initié l’invitation. J’espère que tu constates les progrès.

Des progrès qui allaient et venaient comme le vent changeait de sens brusquement sur Eonia. D’après ceux qui y avaient mis les pieds. Comme s’il se souciait vraiment de faire des progrès.

- Installe toi, je t’en prie. C’est inconfortable mais j’ai vu sur quoi tu t’asseyais au QG Galéréis, et on est à peu près sur le même degré de “mauvais pour le dos et le positionnement au travail”.

En écho, la douce voix empoisonnée d’Octarine s'éleva des caissons de cryogénisation, répondant à la petite pique de Sambre par un ton légèrement acerbe. Et il n’avait pourtant encore rien dit de follement exaspérant ce qui lui laissa penser que la journée avait dû être rude pour la Galéréis. Un énième point commun qui leur donnerait probablement l’occasion de se plaindre en cœur. Et pour seule réponse, Sambre laissa échapper un petit rire moqueur.

Comme lui, elle n’avait pas pris le temps de se changer, ce qui confortait l’Azaraï sur la longue journée qu’Octarine avait dû passer. Malgré la pénombre, ses mauvaises ondes émanaient d’elle comme un champ magnétique avant même qu’on ne puisse apercevoir ses sourcils froncés et son visage crispé. En réalité, plus que des ondes, c’était sa démarche qui était plutôt instructive sur ce point.

En somme, tout l’inverse du large sourire avec lequel l’accueillait Sambre, mais qu’il perdit dans elle s’approcha de lui.
Pas que sa présence était désagréable bien au contraire, mais pas ce qu’il savait que ce n’était pas que pour embrasser sa joue qu’elle avait envahi un espace que peu de gens étaient autorisés à franchir.

- Tu viens de niquer ma blouse avec tes mains pleines de … de quoi déjà ? Non ne réponds pas, je préfère ne pas savoir.

Sa grimace était aussi authentique que le beau sourire qui avait finalement gagné les yeux et tout le visage de la jeune femme. Qu’est ce qu’il ne fallait pas faire pour faire rentrer le monstre dans sa cage avant qu’il ne se fasse les dents sur un caisson ou sur son propre bras.
Comment ça il n’avait rien fait ?

- Un canapé neutre et chaleureux ce n’est pas un canapé rose et doré des Cervantes, je persiste. Et puis la prochaine fois, j’éviterai de te demander ton avis si c’est pour entendre encore parler des jours durant.

Cette fois-ci, ce fut ses sourcils à lui, qui se froncèrent un bref instant. Mais son expression ne resta pas figée longtemps, alors qu’il laissait Octarine prendre un peu plus ses aises sur son épaule et qu’il restait immobile pour qu’elle soit confortablement installé, du moins autant que possible.

- C’est, étrangement, l’endroit le plus calme qu’on peut trouver sur Neo en ce moment, je me demande bien pourquoi.

Un sourire narquois glissa sur ses lèvres, rejoignant le ton ironique de sa partenaire de crime avec beaucoup moins de tendresse mais un amusement certain.

- Et vu ton état, il semble que j’ai fait le bon choix. Tu trouvais le docteur Auverlot trop carré, et bien voilà, des capsules arrondies rien que pour toi.

Et il ajouta sur un ton qui ne cachait pas son ennui.

- Et si romantique veut dire que j’avais besoin de ne plus entendre le moindre petit bruit agaçant, et du calme d’un sommeil cryogénique, alors je suis extrêmement romantique.

La question d’Octarine fait mouche et Sambre choisit délibérément de ne répondre que par un haussement d’épaules peu clair et particulièrement nébuleux. Elle avait raison, ce n’était pas foncièrement le meilleur choix si on avait besoin de calme. La formulation exacte était, vraisemblablement, qu’elle aurait été encore la seule qu’il supporte sur ce vaisseau en ce jour. Mais il était bien trop épuisé physiquement et mentalement pour faire de tels aveux.

S’il avait vraiment eu l’envie d’être l’abruti fini qu’il se plaisait à être très souvent, il aurait peut-être sifflé une vacherie à la place. Notamment lorsque, encore une fois, Octarine envahit son espace et prit sa main dans les siennes.
Ce qu’il ne fit pas, étonnement. Parce qu’Octarine aussi agitée qu’elle était, savait s’adapter à ses humeurs et lui offrait le confort de sa compréhension. Ou, en tout cas, d’une sorte d’harmonie étrange qui se brisait et se réparait sans raison aucune.
Et quand le moment ne pouvait être autre chose que chaotique et dévastateur, alors c’était ainsi. C’était comme ça que fonctionnait cette harmonie dissonante.

D’ailleurs, il aurait mentit s’il avait osé prétendre que le moment et l’attention n’était pas tout ce qu’il avait attendu aujourd’hui. La chaleur de ses doigts sur sa main froide et les gestes précis, mécaniques et réguliers qui les apaisaient tous les deux.

Un rictus vint cependant gratter la surface de cette petite bulle de réconfort alors qu’Octarine continuait son manège.

- Ils devaient pas lire grand chose s’ils essuyaient des doigts aussi sales que les tiens sur les fameuses lignes qu’ils devaient lire… Hm ?

Petite vengeance personnelle pour les deux tâches de sa pauvre blouse originairement blanche, murmurée avec une moquerie suave.

- Elle est irrattrapable je suis sûre, je vais devoir la recycler en chiffon. Bravo l’économie des ressources, Galéréis.

Son sourire en coin ne le quittait plus, mais il avait profité qu’elle se redresse pour retirer la fameuse blouse et l’abandonner sur le rebord de la capsule. Et comme elle chuchotait, il l’imita. La bulle se formait alors à nouveau.

- C’est un bon résumé des choses. Sans ces audacieux êtres vivants mes projets n’avancent pas et s’ils n’avancent pas je m’ennuie. Mais aujourd’hui, ce n’était pas le jour.

Cette fois-ci, c’est lui qui se pencha un peu au dessus de la jeune femme, pour remettre en place une mèche de cheveux rebelle.

- Et toi alors, tu essaies de me faire croire que dans ton sas de navigatrice ou dans ton vieil atelier plein de camboui, tu vois passer du monde ? Je croyais que c’était des jobs planqués moi.

Comme s’il ignorait qu’il jouait avec le feu, Sambre avait affiché une mine triste comme si le sort de sa chemise lui importait réellement, alors qu’elle gisait près d’eux comme un vieux chiffon. Même sa voix se teintait d’une tristesse feinte qui ne collait pas beaucoup avec son humeur précédente. Il jouait ce reflet qu’elle ne supportait pas, exprès.

- Tout le monde dit qu’elle me va très bien cette blouse. Ça a un côté rassurant tu sais, ce blanc, cette propreté. Et puis ça met en confiance aussi.

L’instant d’après, son visage se fendait d’un sourire un peu trop satisfait.
Que serait une journée décevante si, durant la soirée qui lui servirait à remonter la pente, il ne pouvait pas jouer avec le petit monstre qui vivait à l’intérieur de la Galéréis.

Mais à nouveau, il oubliait de continuer à gratter la couche de patience qui semblait se former sur la jeune femme à chaque fois qu’ils étaient tous les deux, comme par magie. Pour recommencer un peu plus tard, et s’apaiser à nouveau. Un ou une autre qu’Octarine n’aurait pas autant cette sorte de … résilience qu’elle avait.

- Ne t’excuses pas des choses sur lesquelles tu n’as pas le contrôle.

Il ne riait pas, et affichait un sourire un peu trop sérieux qu’elle allait détester, il en était persuadé. Peut-être même était-il entrain d’alimenter leur prochaine dispute, où elle lui cracherait au visage qu’il était constamment “condescendant”.
Et ce sourire, il continua de l’afficher alors qu’elle répondait à sa petite provocation. Était-elle réellement touchée ? Il en doutait. Quoi que la réflexion sur un éventuel cadeau pouvait prouver le contraire.

- Je vois des gens, je les guide, je les conseille. Je ne fais pas que parler à Dogma et aux machines. Cela dit oui, j’aime quand tu arrives à convaincre mon radiateur de fonctionner, tu es très efficace.

Fronçant les sourcils alors qu’elle s’éloignait, il se lit à rire, cette fois-ci, de son petit manège dramatique.

- Oh allez, ne te vexes pas pour deux trois mots soufflés sur le ton de la plaisanterie. n’est-ce pas que tu n’es pas vraiment vexée ? Ton travail est important, évidemment.

Haussant un sourcil, il la regarde faire son manège, dubitatif.

- C’est pour jouer au pendu que tu me fais tout ce cinéma ? Tu sais que tu dois me laisser poser des questions avant de dessiner le bonhomme ? Et dessiner la potence en premier ?

D’apparence nonchalante, il s’installa un peu plus confortablement, du moins autant qu’il le pouvait dans cette fichue machine cryogénique à l’abandon, mais son pied, qui tapotait maintenant le sol à interval régulier, indiquait qu’il perdait patience.

- Tu parlais d’un cadeau ?

Sambre resta mué, pour une fois, quand Octarine lui affirma ne pas être vexée. Il la croyait, pour sûr, car elle avait raison. Ils s’étaient déjà balancé bien pire à la figure, et se taquiner sur leur profession respective était presque devenu un simple petit échauffement, comme un jeu innocent.
Pour toute réponse, il avait souri plus largement en hochant lentement la tête. Pas contre l’idée de la clé à molette cela dit, mais ça, il n’y avait qu’elle qui devait le savoir. Qui pouvait le savoir aussi, d’ailleurs. Sans qu’il ait besoin de le dire.

Il se permit cependant de tendre le doigt vers le pauvre petit bonhomme mis à mort par la jeune femme, très fière de sa bêtise, un sourire tout aussi carnassier que le sien sur les lèvres.

- C’est peut-être à toi que je vais commencer à demander de respirer et de me parler de ta relation avec ton père… Et avec les gens en général… Et l’art aussi. Ce dessin est affreux.

Sans un mouvement hormis ses battements de cils, Sambre regardait Octarine bouger pour deux dans l’endroit froid et calme qu’ils avaient choisi pour ce rendez-vous des plus étranges. En tant normal il aurait été épuisé par tant d’agitation après une journée pareille mais son seuil de tolérance était étrangement plus élevé lorsqu’il s’agissait de la jeune femme.

- Tout m’intéresse, tu le sais non ? En particulier quand ça m’est destiné.

Ce n’était pas tout à fait vrai. Sambre était sélectif dans ce qui l’atteignait émotionnellement ou psychologiquement. La phrase la plus exacte aurait été “Tout m’intéresse lorsqu’il s’agit de toi.”, et même formulée de la sorte, il arrivait à Sambre d’être dans un état de détachement désagréable, forcé ou non, ça personne n’aurait su le dire.

C’était à la fois une bonne et une mauvaise chose pour Octarine qui pouvait alors se faufiler sans peine dans l’espace vital du psychiatre, mais c’était aussi la raison pour laquelle leur dispute prenait des dimensions insensées.

L’éclat du titane se met à briller lorsqu’un léger faisceau de lumière le balaye, éclairant un sourire bien plus doux sur le visage de Sambre.

- Tu sais toujours comment me faire plaisir. La discrétion sera appréciée pour le nouvel Iris que je suis.

Du coup des doigts, il avait attrapé le casse tête pour le triturer quelques instants. Il le résoudrait plus tard, mais prenait toujours un malin plaisir à toucher ce genre de petits objets.
Refermant son poing sur l’objet brillant, puis ses bras sur Octarine dans une étreinte qui la surprendrait sûrement, il prend un instant pour profiter de sa chaleur qui contrastait terriblement avec l’ambiance de morgue du lieu.

- J’ai une surprise pour toi moi aussi.

La fin de son murmure devient la fin de l’étreinte alors que Sambre fait doucement rouler Octarine dans la capsule inconfortable pour pouvoir se lever et faire quelques pas vers une capsule encore branchée. De derrière un bloc probablement chargé du refroidissement aux vues de sa température, Sambre extirpa deux verres et une bouteille.

- Offerte par un Kramer, ou un Torres, je ne sais plus. Quelqu’un de généreux, donc je dirais plutôt un Torres. Un patient en tout cas.

Posant les verres à côté de la jeune femme, Sambre lui tendit la bouteille glaciale pour qu’elle constate qu’il ne se moquait pas d’elle non plus, en terme de surprise.

- Je me suis dis que l’occasion était assez spéciale pour l’ouvrir.

Un nouveau rictus s’était dessiné sur les lèvres de Sambre. Il aimait cette Octarine là : avec son rire de hyène, ses remarques qui auraient fait bafouiller un natif du vaisseau pensant avoir été maladroit avec cette histoire de père, son ronronnement dragueur pour lui faire comprendre qu’il était un mauvais garçon.
Alors que c’était parfaitement faux, qu’on se le dise.

- Je ne vois aucun mauvais garçon dans le coin, je ne vois absolument pas de quoi tu parles. Mais l’absence de père peut se traduire par ce genre d'attirance, c'est vrai. Ce que je trouve être un mécanisme stupide : une absence devrait créer un manque et donc une recherche de protection, de paternalisme, enfin bref…

Il ne s’était pas plongé dans une totale réflexion, d’abord parce qu’il savait qu’Octarine allait lui faire manger sa blouse s’il ramenait du travail dans leur capsule, et ensuite parce qu’il n’était pas franchement entrain de se poser la question. Il n’était pas là non plus pour disserter sur des mécaniques complexes du cerveau humain.
Pas ici, pas maintenant. Qui plus est, l’intervention du casse-tête avait eu son petit effet. Jusqu’à ce qu’il faille fêter tout ça en tout cas.

Et comme par magie, encore une fois, l’expression d’Octarine changea du tout au tout en voyant la bouteille. Elle le connaissait bien, mais il la connaissait tout autant. Et elle n’était pas la seule capable de petites attentions. Sambre n’était pas le plus fiable à ce jeu là, mais de toute évidence, il était tout de même capable de faire des surprises.

- Je vois beaucoup trop de monde pour me rappeler d’eux en dehors de mon bureau. Du moins, je n’ai pas envie de faire l’effort de m’en rappeler. L’essentiel, c’est que la bouteille soit là.

Evidemment, il lui avait laissé la bouteille. Elle n’aurait pas laissé le psychiatre l’ouvrir de toute façon.

- Quoi de mieux que le plus grand frigo du vaisseau pour maintenir cette merveille au frais, c’est vrai non ? Et puis ça se combinait avec mon envie de tranquillité, tu vois ?

Il s’était réinstallé, grimaçant du siège inconfortable qu’ils avaient improvisé. La bonne idée s’arrêtait de toute évidence là où le confort commençait.
Ses yeux observaient les mouvements précis de la galéréis et il se mit à rire quand la bouteille fit des siennes. Rapidement, il avait tendu les verres pour ne pas perdre plus que de raison le précieux liquide qu’Octarine avait déjà pu goûter.

- Une Galéréis créant un court circuit avec une bouteille, j’aurai beaucoup aimé voir la tête de nos leaders si c’était arrivé. Mais bien rattrapé.

Levant son verre, il vint entrechoquer le plastique des deux récipients entre eux. Le verre était dédié à des choses bien plus utiles sur le vaisseau.

- On pourrait fêter mon titre, par exemple, on en a pas encore eu l’occasion et même si je n’en voulais pas c’est toujours l’occasion de faire la fête tu ne crois pas ?

Il ajouta, l’air mutin.

- Et on pourrait fêter le fait de s’éloigner d’Eonia et de voguer vers de nouvel horizon ! Tu dois être heureuse de pouvoir enfin avancer.  

Sambre avait joint son rire à celui d’Octarine. L’idée même d’un scénario catastrophe sur la base d’une maladresse n’était pas un sujet sur lequel il fallait rire mais ils étaient intenables tous les deux.

- En prison ? Bien sûr ! Ils font des suivis psychologiques pour certains délinquants, je me serais porté volontaire évidemment.

Évidemment, il fallait qu’il soit sarcastique même dans une hypothétique situation qui n’arriverait jamais pour ne pas dire directement qu’il serait présent pour elle quoi qu’il advienne. Ce serait beaucoup trop simple de se parler sans détour.
C’était bien plus intéressant de faire venir la jeune femme à une heure tardive dans un endroit où aucune personne censée ne choisirait de se retrouver, pour boire un verre ramené de son habitation et se raconter leurs interminables journées.

Et rien ne valait le regard ravi d’Octarine sur ses bulles de champagne pour conforter Sambre dans le fait que son idée était excellente. Ce qui ne manqua pas de le faire sourire.
Il avait déjà analysé ça. Éprouver une profonde satisfaction lorsqu’elle était heureuse. En éprouver aussi lorsqu’elle était heureuse pour lui. Et c’était plutôt agréable.

- C’est moi qui te remercie, pour t’être débattu avec moi et pour me féliciter après que j’ai cessé de me battre. Je dois dire que rien que pour cette soirée, j’ai bien fait d’accepter le poste.  

Et comme Octarine n’en loupait jamais une, ce fut à lui, cette fois, de se prendre un retour de bâton qu’il n’avait pas volé aux vues de toutes les fois où il avait été incapable de garder son sérieux avec elle.

- Les félicitations n’ont pas duré à ce que je vois… Je vais reprendre mes bulles.

Mais il n’en fit rien, sirotant son verre avec sa nonchalance caractéristique, attendant qu’Octarine veuille bien se confier à lui loin de sa blouse blanche.
Quoi que les gens voient en elle, il savait pertinemment que s’il ne posait pas la question, la jeune femme continuerait de profiter de ses émotions en surface sans jamais aller creuser un peu plus loin. Octarine était un caméléon social véritable, elle supportait des personnes que Sambre serait incapable d’entendre ne serait-ce que respirer, mais qui connaissait vraiment ce qui se passait dans sa tête pleine d’oiseaux mécaniques et de casse-têtes faits main.

- Si tu veux mon avis, beaucoup, dont les Azaraï, seraient ravi de faire un détour pour des fraises.  

Sa main à lui était venu se loger sur la cuisse qui prenait, et avait le droit, d’envahir son espace vital.

- Mes patients n’ont étrangement pas beaucoup Borée en tête. Secret professionnel, mais tout est bien plus personnel j’ai l’impression. Un peu comme si ce n’était pas un sujet assez tangible. Alors finalement je ne sais pas si je vais en entendre parler.  

Il sourit.

- J’ai l’impression qu’il n’y a que toi qui t’en soucis. Et qui y croit avec autant de ferveur. Pas toi ?