Kiddo Barbie (Ft Sybilline Cervantes)

Elle avait pris la décision d’offrir une petite visite imprévue à Sybilline, La Musa des Cervantes. Une petite fille qui rêve d’être une princesse dans le royaume des bouffons. L’occasion idéale de découvrir le fameux royaume en question. Elle n’avait encore jamais posé les pieds chez les Cervantes. Dans leur QG. A quoi bon ? Les Cervantes n’avaient jamais réellement éveillé quoi que ce soit chez elle. Si ce n’est une profonde indifférence. Elle avait connaissance de leur existence, ils étaient bien trop excentriques pour avoir le luxe de les ignorer. Voir des les oublier comme les Galéréïs. Ils faisaient offices d’adolescents éternels pris dans la stase pour toujours.

Aujourd’hui était un jour spécial. Elle avait une curiosité nouvelle à leur égard. Pas inintéressé, le vote du Sénat allait avoir bientôt lieu, elle avait besoin de recueillir les avis et les positions de chacun. Même ceux des maisons les plus insignifiantes comme la leur. Même un vote pouvait tout changer. Pour une fois, elle avait décidé d’inverser les rôles, elle viendrait à elle. Alors que d’habitude, c’était toujours à la petite Sybilline de venir quémander dans les bureaux Kramer. L’occasion de découvrir de quoi était fait le salon dont ils parlaient tant.

Une fois arrivé sur les lieux, elle ne parvint pas à contenir un air de mépris flagrant. Jugeant ouvertement la décoration et les « goûts » exposés. Si le mot goût pouvait bien être utilisé pour en justifier la totale absence. Elle déambula à travers le salon, vers le grand fauteuil en cuir, relique terrienne il parait, dans lequel elle prit position. Elle ne manqua pas de regarder de haut en bas chacune des pièces qu’elle traversa, de même que chaque pauvres passants qui eu le malheur de croiser son regard.

Elle dénotait par sa simple présence dans la pièce. Que ce soit ses vêtements de tailleur fait sur mesure, à sa posture droite et rigide. Elle dénotait par sa grandeur et le prestige naturel qui se dégageait d’elle. Elle en avait bien conscience. Bien loin d’adoucir les différences qu’il existait entre eux. Elle les affirmait encore davantage. Les mettant bien en avant. Qu’ils comprennent à quel point. Eux. Et elle, étaient bien différents. Comme le grain de poussière éclairé par la lumière de la lune. Comme deux entités opposées, l’une envers l’autre, séparé d’un gouffre insurmontable.

Elle fit appeler immédiatement Sybilline, non désireuse de perdre davantage son temps parmi les originaux du coin. Elle se savait attendu, cette dernière lui avait envoyé un message sur son Axiom, qu’elle avait très simplement lu. Sans donner de réponse. Après tout, sa réponse était directe et elle se tenait là, devant elle. A quoi bon perdre du temps, alors que le temps équivaut à de l’argent à ses yeux. Cet adage n’avait jamais été aussi juste que pour les Kramer.

Elle ne manqua pas de la voir débouler. Elle et sa floppé de paillette sur patte. Eclat rosée qui agresse ses sens et principalement sa vue. Elle ne prit pas la peine de le cacher, la jugeant également tout entière, de haut en bas, descendant doucement les yeux sur elle. Une enfant, coincé pour toujours dans une époque qui aurait due être révolue depuis bien trop longtemps déjà. Hélas, elle n’en avait eu ni la chance ni le courage.

Vous vouliez me voir ? Me voilà.

Elle attaque dès les premiers mots, bien désireuse de mener la discussion comme elle l’entend. Lui rappelant qu’elle avait besoin d’elle. Et non l’inverse. Si elle avait pour habitude de s’enfermer dans ses rêves et s’y perdre la gamine, elle allait vite retomber dans la réalité grâce à Reyna, de façon douce ou non. Qu’importe. Seule comptait le résultat.

Je vous écoute. Ne perdons pas de temps. Mon agenda n’est pas aussi vide que le vôtre.

La vérité était presque aussi douloureuse à avaler que la réalité avec Reyna. Surtout lorsqu’elle ne se privait pas de rappeler l’une et l’autre. Sans prendre de pincettes. Avec son tact absent et sa franchise bien trop présente, elle.

Si jamais on lui demander ce qu’elle n’appréciait pas franchement c’est les Cervantes, en dehors des raisons habituelles que bon nombre d’habitants de ce vaisseau partagent. Elle ne saurait dire précisément ce qui l’agace avec eux. Si ce n’est un profond rejet de leurs idéaux naïfs et idéalistes auxquels elle n’avait jamais adhéré. Il faut dire que son éducation c’est bien éloigné de toutes ces choses. Elle n’a guère eu le temps ni l’opportunité d’avoir des loisirs autres que ceux qu’on lui a imposé jadis. Ironiquement, elle n’a jamais ressenti ce manque. Comment regretter ce qui n’a jamais été connu ?

Maintenant, si on venait à lui demander une réponse franche et sincère de son avis sur les Cervantes, en dehors de toutes ces considérations. Elle se contenterait de répondre avec un sourire amusé, qu’il n’y avait rien de personnel dans son mépris. Qu’il ne s’agissait là que d’un simple constat. Rien de plus. Les Kramer aimaient les chiffres, les statistiques et les calculs bien ficelés. Autant de choses en contradiction avec l’esprit de la maison Cervantes. Investissement et retour sur investissement étaient indissociés dans leur esprit. A son grand damne.

Il n’est pas bon de trop juger sur la forme. A force de s’y attarder, on finit par devenir une carcasse vide de tout bon sens. Incapable de voir au-delà des apparences. Mais je ne vous apprends rien.

Qu’elle l’apprenne avec elle ou qu’elle le sache déjà importait peu. Elle espérait simplement que le message avait été suffisamment clair pour la petite fille se tenant face à elle. Qu’elle n’était pas la seule à savoir manier le sarcasme. Mais surtout, qu’à force de jouer avec le feu elle finira par se brûler plus que les ailes.

Elle n’avait pas attendu son invitation pour prendre place sur ce fauteuil à la couleur suffisamment vive pour lui agresser la rétine. Les couleurs dans le bureau Kramer était bien plus sobre, bien moins douloureuse à soutenir. Elle ne comprenait vraiment pas cet attrait pour l’unique et l’original. Il n’y avait pas que du bon dans les différences. La preuve se trouvait d’ailleurs sous ses yeux en cet instant précis.

Je vous arrête tout de suite miss. Pour parler de collaboration il faut être capable de s’apporter mutuellement des bénéfices. Aux dernières nouvelles, les apports de votre maison demeurent des dettes et des crédits aussi longs que votre coiffure.

Même si son visage affichait un sourire ravissant, ses mots n’avaient pas le mérite d’être aussi doux. Elle n’avait pas l’intention de la ménager, pas plus que de tomber dans l’hypocrisie. Les faux discours étaient quelques choses qu’elle avaient en horreur et qu’elle n’était pas en mesure de tenir bien longtemps. Elle pouvait avoir beaucoup de défauts aux yeux de la plèbe, mais elle avait le mérite d’être plus honnête que les simplets qui la jugent.

Vous êtes très mignonne petite. Non sincèrement. J’apprécie beaucoup votre point de vue optimiste sur la situation. Et je ne peux que souligner les bonnes volontés que vous avez là. C’est quelque chose que toute la mauvaise foi du monde ne pourra vous retirer. Vous êtes déterminée. Votre idéalisme à du bon et je ne saurai vous en tenir rigueur. Cependant. Mon devoir est de vous rappeler à la réalité. Je conçois que nos ancêtres avaient trouvé chez les vôtres une certaine utilité et même un commerce très fructueux. Hélas pour nous, les temps changent. Nous sommes bien loin de notre destination et de notre objectif. Ce que les habitants de ce vaisseau veulent par-dessus tout, ce sont des réponses, des avancés et des promesses concrètes.

Elle ignora le valet venu apporter des boissons et se contenta de poursuivre son long discours sans y prêter attention, elle répondra lorsqu’elle aura terminé, pas avant. L’inconnu et la princesse attendront jusque-là. Qu’ils le veuillent ou non. Elle n’avait jamais courbé l’échine devant quiconque, ce n’est pas aujourd’hui qu’elle allait s’essayer à ce genre d’activité.

Vous voyez où je veux en venir. Les habitants du vaisseau aiment bien une petite occupation, un instant de répit et de détente de temps en temps. Pourquoi pas devant un film ou un spectacle burlesque. Je suis sûr que certains savent apprécier ces plaisirs. Pourtant, à la fin de la journée, là où ils mettront toute leur énergie et leur économie, ce sera dans des nouvelles technologies, des biens personnels et matérialistes. Vos loisirs, vos petits manèges, ne représentent qu’une très faible part du marché présentement. Vous voulez trouver une activité lucrative pour votre maison ? Débrouillez-vous pour attirer davantage de clients, d’avantages de personnes autour de vous. Faites en sorte que les gens se ruent à vos évènements. Non mieux, faites en sorte qu’ils ne puissent plus se passer de vous. Et là, nous pourrons avoir une discussion entre adultes.

Elle prit une posture plus détendue, se laissant légèrement tomber dans le fauteuil, affichant un nouveau sourire entendu, presque compatissant. Autant que Reyna Kramer pouvait l’être. Autant qu’elle comprenait ce mot.

Sincèrement, je suis de tout cœur avec vous. Je n’en ai pas l’air mais, la charité n’est pas dans ma vocation. J’aimerai aussi pouvoir vous voir être des partenaires commerciaux plutôt que des quémandeurs invétérés. J’ai bon espoir que cette perspective changera dans un avenir proche.

Elle ne prit pas la peine de réfléchir à la question de la boisson que sa réponse s’enchaîna dans la discussion avec bien trop d’aisance. Passant d’un sujet à l’autre, comme si elle n’avait jamais pris la peine de s’arrêter de parler.

Acidulé. Je préfère les boisons acides.

Comme moi.

Elle était agacée. Visiblement agacé. Ne prenant pas la peine de camoufler ou d’atténuer tout le ressentiment qu’elle développait à l’égard de cette petite pimbêche. L’ignorer était une chose, ne pas l’écouter également. Se moquer d’elle en était une tout autre. Un voile de mépris s’empare de son regard alors qu’il se dépose sur son interlocutrice. Pourtant, dans toute cette animosité qui commençait à l’animer en cet instant. Elle n’éprouva à aucun moment de la colère.

Il serait injuste de s’énerver contre une enfant. Visiblement, c’était à quoi elle faisait face. Une enfant qui n’avait jamais pris la peine de grandir. A force de leur donner trop de libertés, trop d’idéaux, de les bercer de rêves. Ils se complaisent dans leur monde fantasmagorique et idyllique. De peur de découvrir que la réalité était loin d’être telle qu’ils l’imaginaient. Elle ne pouvait pas rendre grâce à ses parents pour beaucoup de choses, mais sur ce point, elle pouvait les remercier. De lui avoir épargné une enfance mielleuse, la condamnant à errer dans les âtres de la gaminerie pour l’éternité.

C’était là toute la différence entre ces deux femmes. L’une se voyait comme une princesse, rayonnant et symbole d’espoir. Eclairant sur son passage les égarés et les laissé pour comptes. Offrant une aube nouvelle à ceux qui croisent son sourire. L’autre était une reine, conquérante, impitoyable. Le seul espoir qu’elle offrait aux siens, c’était une promesse. Promesse de conquête et de réussite. Elle serait le navire qui les conduira au sommet de cet univers. Elle serait leur guide et leur roc. Immuable et indomptable.

Taisez-vous. Je ne suis pas votre amie. Et je ne vous aime pas. Pas plus que vous ne devez m’aimer. Alors ne me faites pas croire que vous avez l’hypocrisie de vouloir parler cheveux avec moi.

Son ton était sec, son expression froide. Il n’y avait plus aucune compassion dans sa voix, qu’un mépris pur à peine dissimulé par un visage neutre. N’affichant rien de plus qu’un profond jugement envers Sybilline.

Elle voyait bien qu’elle cherchait à éviter les sujets sur lesquels elle n’avait aucun contrôle. Des sujets qui la pousserait à se faire prendre de haut. La seule chose pour laquelle elle ne pouvait lui en vouloir dans cette conversation. Elle ne peut reprocher à la petite fille d’agir instinctivement. Evitant l’affrontement autant que faire ce peu. Hélas pour elle, il n’y avait pas assez de bonté et d’empathie chez le diamant Kramer pour qu’elle puisse partager son point de vue, encore moins pour qu’elle le tolère.

Chercher à l’éviter équivalait à une condamnation aux yeux du serpent. Qui n’avait plus qu’une seule idée en tête à présent. Se resserrer autour de sa proie. Lui couper tout espoir de fuite. Jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de sa fin proche.

Rien de plus simple. J’adore tout particulièrement ce genre de discussion. Oui, ça va vous surprendre mais j’aime en savoir plus sur les personnes qui me font face, en analysant leur discours et leur comportement. Rien de plus amusant à mes yeux que de jouer avec eux. Les voir se débattre dans une étreinte qui les échappe, les voir essayer de fuir une cage qu’ils ne comprennent pas. Incapable de la voir à temps. C’est ça, que je trouve particulièrement excitant petite fille.

Plonge son regard dans celui de Sybilline, tout en croisant les jambes. Elle cherche les pupilles de la jeune femme, chercher à percer jusque ses rétines en soutenant fermement ses yeux. Qu’elle sente le poids de ce regard insistant au plus profond de son être. Elle voulait graver ce regard inquisiteur en elle, qu’elle ne puisse voir que ça, où qu’elle regarde, même en détournant le regard. Qu’elle soit absorbée, hypnotisé, obnubilé par ce regard.

Je sais que j’ai à faire à une enfant qui n’a jamais pris la peine de quitter son enfance. Bien trop logé confortablement dans ses niaiseries idéalistes. Persuadé qu’avec de l’espoir et des bonnes intentions elle pourra sauver les siens. Une poupée fragile qui a peur de comprendre à quel point elle se trompe. Qui a peur de faire face à sa propre fragilité. De peur de se briser pour de bon. De peur de décevoir tous ceux qui croient encore en elle. Une petite créature qui porte bien trop lourd sur ses petites épaules. Qui manque de vaciller à chaque pas. Mais qui a le mérite de continuer d’avancer tout de même. N’est-ce pas ? Bien que j’aie conscience qu’elle refusera d’écouter mon long discours. De peur de trop le comprendre.

Reprend son sourire, sans jamais la quitter des yeux, pas à un seul moment. Comme si elle était incapable de cligner des yeux. La fixant éternellement à présent.

Mais je m’égare. Et vous ? Qu’est-ce qui vous relaxe ? Comment vous détendez-vous. Je suis moi-même curieuse de le savoir.

Cette Muse des Cervantes avait un don. Elle ne pouvait pas le nier. Bien qu’elle aurait adoré. Elle ne pouvait nier cette capacité qu’elle avait à se montrer insupportable. Difficile à vivre et à tolérer dans la même pièce. A ses yeux, le fait qu’elle se permette de respirer l’air qui se veut aussi rare dans l’espace. Etait tout bonnement intolérable. Mais si elle voulait se montrer en adulte, surtout face à celle qu’elle qualifiait d’enfant. Elle ne pouvait se résoudre à perdre son calme. Pas aussi tôt dans cette discussion. Ce n’était pas l’envie qui manquait. Mais elle devait se montrer plus mature que cette barbie sur patte.

Elle prend un moment pour souffler intérieurement. Reprendre son calme. Agissant comme si de rien était. Comme si elle ne s’était pas du tout emportée. Comme si rien de tout cela n’avait eu lieu en premier lieu.

Vous me parlez de respect et de discussion. Mais qu’en est-il de vous Miss Cervantes ? N’est-ce pas une forme de respect que d’aborder des sujets qui valent la peine d’être abordé ? Sauf votre respect (dieu qu’elle adore le sarcasme), je ne pense pas qu’aborder la routine de vos soins cheveux et vos petites activités et hobbies personnels soient à l’ordre du jour entre membre du sénat. Je pensais être venu aborder des sujets qui pourraient faire avancer les relations entre nos maisons, ou à défaut, être profitable à tous concernant la politique du vaisseau. Il semblerait cependant que nous ne partageons pas la même vision à ce sujet.

Se pare à nouveau de son sourire assassin et de son regard hautain pour poursuivre la conversation. Elle allait mieux à présent.

Vous avez raison. Je me suis emporté. Un autre verre me ferait le plus grand bien. Continuez donc de me parler de vos petites activités artistiques. Je suis sûr qu’elles permettront à tous sur ce vaisseau de se nourrir et de ne pas manquer d’oxygène. Quoique. Il serait plus agréable de décéder sur fond musical plutôt que dans un silence de mort. Pardonnez le mauvais jeu de mot. Vous avez totalement raison. C’est ce genre de sujet dont il faut parler. Je ne doute plus maintenant qu’ils soient primordiaux aux yeux de tous ici.

Elle prend la peine de terminer son verre d’une traite, profitant ainsi de l’arrivée du suivant.

Merci de m’avoir ouvert les yeux. Je vais de ce pas étudier les petites activités ludiques que vous pratiquez pour m’en faire un amusement aussi. Et occuper ainsi mes journées de façon plus productive. A quoi bon avoir une économie qui roule alors que je pourrais faire rouler mes vocalises.

Comme pour illustrer son propos. Elle laisse échapper un rire. Bien plus fort et faux qu’elle n’aurait souhaité. Mais toute cette ironie doublée de sarcasme lui faisait un bien fou. Un effet thérapeutique qu’elle ne saurait expliquer. Sûrement une façon d’évacuer toute cette frustration accumulée.

Vous m’avez percé à jour ! Je suis avant tout une grande philanthrope. J’adore me divertir et divertir les autres. C’est la seule raison qui m’a poussé à ouvrir un casino. Aucun autre motif n’aurait eu d’importance à mes yeux.

Plus elle regardait cette starlette. Plus elle se sentait à l’exact opposé de cette dernière. Il n’y avait pourtant rien de personnel. C’était tout simplement deux pôles qui se repoussent naturellement. Ironiquement, elles étaient assez similaires. Même si aucune n’en avait conscience, ou refusait de le comprendre. Elles partagent un égo propre, un égo qui les pousse à croire qu’elles sont au-dessus de l’une. Au-dessus des autres. Qu’elles ne sont pas comme les autres. Qu’elles sont à la fois Reyna Kramer, diamant du vaisseau. Et Sibylline Cervantes, Muse du vaisseau. Elles n’avaient rien à voir et tout à voir.

Ah ! Vous avez du culot je dois l’admettre ! J’arrive presque à vous apprécier c’est fou ! Avoir l’audace de se croire au-dessus des recherches Azaraï, de la maintenance des Galéréïs et bien au-delà de tout le reste ! Non vraiment je suis surprise. Sincèrement. Vous n’avez pas froid aux yeux Miss Cervantes. Je dois le reconnaître. J’admets volontiers que vos concerts ont leur effet sur la population à bord du Neo. Mais je ne vous pense pas capable de vous croire au-dessus de vos fans et de tout le reste. Vous n’êtes pas obligé d’aller aussi loin pour vous rapprocher de moi. Et si vous le pensez sincèrement alors… je m’excuse pour mes mots de tout à l’heure.

Un rire s’empare de la jeune femme, elle imaginait la petite fille Cervantes comme une idéaliste qui se voyait obligé de chanter et de danser pour redonner le sourire aux pauvres dépressifs qui peuples nos couloirs. Reyna pensait d’elle qu’elle n’était qu’une enfant, une enfant rêvant d’un monde meilleur où chacun pouvait être libre d’exister dans la joie et la bonne humeur. Mais peut-être que cette vision était également trop naïve.

Peut-être que Sibylline Cervantes, à force de grandir dans cet environnement, avait finit par saisir et embrasser le cynisme et la fatalité de ces lieux. Peut-être que la petite fille qu’elle pensait avoir en face d’elle avait bien grandi entre temps.

Oh mais je comprends que vous ayez cette vision du vaisseau, c’est la raison d’être de votre maison après tout. Et pour être franche avec vous, que nous ayons plus de retour avec les investissements Azaraï ou les vôtres. Peu m’en chaut. Mais je veux un discours honnête et franc. Pas une connerie idéaliste à base de « je veux redonner le sourire et l’espoir à mes amis ». Soyez directe. Dites moi que votre musique est plus importante qu’une recherche sur la régénération des cellules. Dites-moi que votre musique est pour les vivants, pour tous à bord, qu’elle est plus utile à la majorité qu’aux deux miséreux sur un lit d’hôpital en phase terminale qui ne seront sûrement jamais sauvés. Après tout c’est ce que vous pensez également. Qu’il vaut mieux sauver une majorité qu’une hypothèse de sauver deux clampins.

Elle n’attendait rien d’autre d’ailleurs. Elle ne souhaitait que la vérité. La vérité crue. La seule qui vaille la peine d’être racontée. Qu’importe l’éthique et les apparences. Il vaut mieux parler sans détour. Dire tout haut ce que l’on pense tout bas.

Votre proposition m’intéresse. Je suis ouverte à cette idée. Pour tout vous dire. Comme nous parlons en toute franchise dans l’honnêteté la plus totale. Et pour ne rien vous cacher. J’avais pensé organiser des événements dans mon casino, pour proposer plus d’activités et faire en sorte d’attirer un panel plus vaste de clients. J’allais faire appel à des Cervantes dans un cadre privé mais si vous souhaitez vous engager vous-même et apporter la contribution entière de votre maison. Je suis d’autant plus intéressé. Dites-moi, ne m’en tenez pas rigueur, c’est naturel chez quelqu’un comme moi. Mais vous avez sûrement déjà une idée des pourcentages. Quel pourcentage pour les vôtres avez-vous en tête Miss Cervantes ?

Elle reprend place dans son fauteuil, se permettant une pause dans ses longs discours. Portant à ses lèvres la nouvelle coupe de cocktail qu’on venait de lui apporter. De quoi rafraîchir sa gorge sèche.

L’idée de Sibylline était bonne. Suffisamment pour attirer l’attention du jeune diamant Kramer. De quoi augmenter davantage la notoriété du Casino familial. Tout en permettant aux Cervantes d’avoir un petit plus dans leur trésorerie.

Je vous l’ai dit. Soyons franche entre nous. Pas la peine de me faire miroiter une bonne image de marque et la notoriété que j’en tirerai. Nous savons toutes les deux que l’investissement dans ce projet sera purement lucratif. Il permettra à votre maison de respirer un peu plus et il permettra à la mienne d’engranger davantage de profit. Pour ce qui est de la bonne entente entre nos maisons, tout dépend de ce dernier point. Si vous décidez d’être plus honnête avec moi je vous l’ai dit. Et le Diamant Kramer ne ment jamais. Je pourrais presque vous apprécier.

Elle continue d’aller droit à l’essentiel. Mais surtout, elle continue de soulever des interrogations intéressantes. Décidément, plus elles parlaient, plus les deux jeunes femmes parvenaient à trouver un terrain d’entente. Si Reyna avait su, elle aurait directement abordé ce genre de sujets avec la Muse des Cervantes. Une relation gâchée, encore une. Hélas. Bref.

Le Diamant Kramer n’allait pas s’attarder sur ce genre de détails. Elle n’avait aucune intention de devenir l’amie de la Cervantes. Elle n’avait plus de place dans son carnet d’adresse. Dommage. Ce sont des choses qui arrivent.

Bien sûr, je ne cherche pas à vous financez moi-même. Mais comme vous l’avez dit, ça n’en reste pas moins MON Casino. Alors excusez mon excès de zèle, c'est mon bébé. Et je suis curieuse, curieuse de vos plans à ce sujet. Et de ce que les Kramer ont à y gagner. J’ai une totale confiance en Reagan. Je sais qu’il saura négocier le contrat avec vous, à sa juste valeur, comme il l’a toujours fait. Ce que je veux savoir, ce sont vos plans vis-à-vis de mon bâtiment.

Elle termine son cocktail d’une traite. Il était temps de parler affaire, quelque chose qu’elle prenait très à cœur. Elle dégaine même son Axiom pour noter les propositions de sa partenaire de projet.

Un DJ fera l’affaire. Pas besoin d’un orchestre tout entier. De plus, si votre DJ est compétent, il pourra reproduire les sons de l’orchestre avec sa machine. Seulement nourriture au bar déjà présent, évitons de nous concurrencer dès à présent voulez-vous ? Je gère mes Kymal et vous gérez les vôtres, comme nous faisons d’habitude, vous vous occupez de leur fournir une prestation pour leur service. C’est vous qui les employez. Ils doivent simplement adopter la tenue du Casino, il faudra simplement trouver un signe distinctif. Une petite broche ou un bibelot, je suis sûre qu’une femme créative comme vous saura trouver mieux que moi. Pas de limites au nombre d'invités. Vous voulez faire du bénéfice non ? Le Casino peut accueillir un grand nombre de visiteurs, et dans le pire des cas il faudra prévoir un roulement. Mon service de sécurité privé s’en chargera.

Un sourire grimpe le long de ses joues.

En voilà des mots qui me parlent et qui me plaisent Miss Cervantes. Les places seront plus chères que d’habitude. Il faut travailler cet aspect là, ce caractère exclusif et rare. Le fait que ce genre d’évènements n’a pas lieu tous les jours. Ce qui poussera les gens à se sentir élus et nourrira leur égo fragile. Les Packaging exclusifs seront également de mise. Evidemment même ! Je propose de reprendre les systèmes du Casino pour les noms. Nous avons trois offres VIP : L’offre de base, L’ascendance. Qui permet déjà au bas du panier de se sentir inclus dans une gamme de luxe avancée. L’offre Immortelle. Qui permet l’accès à des ailes spéciales et privilégiées du casino. Et enfin l’offre Radiante. La plus haute possible, le summum du luxe. Elle offre l’intégralité du Roof Top du casino, la terrasse extérieure et la vue imprenable sur le quartier des affaires. Très lumineuse en tout temps.

Elle avait étudié sur tous les aspects ses offres premium. Un travail en commun avec la maison Kramer pour rentabiliser davantage le Casino et sa rentabilité. Le paroxysme de l’art Kramer réunit en un seul endroit. Que demander de plus ?

C’est drôle tout de même, qu’elle soit presque attachée à présent à cette petite Cervantes qu’elle méprisait l’instant d’avant. Comme quoi, Miss Sibylline était pleine de surprises.

Je vous remercie, j’aimerai en effet avoir un regard sur le thème et vos choix créatifs. D’ailleurs, si vous avez déjà des idées ou des hypothèses, je suis tout ouïe. Et je pourrais vous faire gagner du temps, vous aiguiller vers un aspect plus prometteur à mes yeux.

Sa dernière remarque lui arrache un haussement de sourcil. Une fois de plus, elle parvient à une nouvelle réaction positive de sa part.

Pour remercier votre honnêteté. Je me permet également. Nous devrions simplement aborder des points sur lesquels nous nous comprenons. Le casino ou des spectacles premium susceptibles d’engranger une certaine addiction et une dépendance à ces derniers, de quoi renflouer nos caisses respectives. Encore une fois, nous n’avons pas besoin d’être proche pour avoir une discussion agréable.