Cause we're only going Up (Yue Feng)

Son regard se perd sur son Axiom, alors qu'elle observe nonchalamment son emploi du temps. Un soupir las s'échappe de ses lèvres. Encore et toujours des rendez-vous. Ce qui, dans le fond n'était pas un problème à ses yeux. Certains, elle les appréciait. Quoique. Apprécier est un grand mot. Disons que certains font partis de ses obligations. Qu'elle ne connaissait aussi que le travail. Bercé à cette simple idéal depuis son enfance. Mais cette fois, les rendez-vous n'avaient rien d'obligatoire. Pas à ses yeux en tout cas. Un garde du corps. Evidemment l'argent attisait les jalousies. Elle ne pouvait pas les blâmer. Elle était jalouse d'elle-même. Elle n'était qu'envie.

C'est donc sans grande conviction qu'elle lit le nom du prochain candidat. Les derniers n'avaient même pas arrachés un sentiment d'utilité en elle. C'est dire le niveau. Elle avait tout eu. Le kymal qui s'improvise garde du corps alors qu'il n'a jamais posé un pied dans la salle de sport. Le bon toutou Théséisses qui est un peu trop curieux pour son propre bien. Le Vaga rêveur qui a les capacités de concentration d'un criquet. Et encore, elle se trouve dure avec le criquet. Mais bon, le prochain était un Vaga. Peut-être que lui n'était pas aussi incapable. Elle n'y croyait pas vraiment. De toute façon, si elle devait être totalement honnête. Elle s'en moquait éperdument. Elle avait fait son deuil de sa journée depuis bien longtemps déjà.

Elle ne demandait pourtant pas la lune. Juste quelqu'un de compétent. Mais il faut croire que c'est déjà trop demandé aux habitants de ce vaisseau. Nouveau rale d'agonie qui s'échappe de ses lèvres. Celui-ci était bien trop fort. Heureusement qu'elle était seule. Un mélange entre un condamné à mort et une personne prête à tomber dans les pommes d'ennui.

Fort heureusement, son Axiom vibre et la sécurité la prévient de l'arrivée de son prochain rendez-vous d'une voix rapide et concise. Eux, ils étaient compétents. Ils faisaient ce qu'on leur demandait sans se poser de questions. Avec juste ce qu'il faut d'initiative pour ne pas déranger le patron. Reagan et elle savait s'entourer de personnel compétent. Elle ne pouvait en dire autant des autres maisons.

Asseyez-vous je vous en prie.

Dit-elle en pointant du doigt un fauteuil face à son bureau. Sa voix était neutre, quoique elle trahissait presque un léger agacement. L'impression d'avoir perdu sa journée qu'elle ne pouvait cacher.

je vais être franche. Je cherche quelqu'un avec trois qualités. Si vous ne les avez pas. Vous pouvez partir. On gagnera du temps comme ça.

Plus le temps passait, plus elle adoptait une approche directe et franche. Peut être même un peu trop directe et franche.

Primo, je voudrais quelqu'un de compétent. Mais vous êtes Dague chez les Vaga si je ne me trompe? N'est-ce pas? Deuxio. Je recherche quelqu'un qui ne pose pas de questions. Aucune. Vous pouvez partir quand vous le souhaitez si vous avez des obligations. Mais j'attend de vous la plus grande diligence lorsque vous êtes avec moi. Et tercio. Je préfère quand vous ne parlez pas.

Penche sa tête sur le côté, jaugeant son interlocuteur sans même chercher à le dissimuler. Voir si l'une de ses remarques suffisaient à le déranger. Sur le plan physique il n'avait pas l'air d'un clown du moins. Lui il ne s'était pas perdu en décidant de postuler pour ce poste.

Elle se sentait d'humeur généreuse. Un bon point pour le garçon Vaga.

Depuis qu’il avait pénétré dans ce bureau. Elle n’avait eu de cesse de le dévisager. Sans même faire semblant. De haut en bas. Elle observait chacun de ses mouvements, chacune de ses postures. Le jugeant sans détour, sans prendre de gants. Elle l’observait, le jaugeait, vouloir voir s’il était digne de partager son temps. Son espace. Rares sont ceux capables d’obtenir un privilège de la sorte du Diamant Kramer. Il était donc normal d’être intransigeant, d’autant plus si c’est pour son garde du corps. De toute façon, elle savait déjà qu’il devra se faire à la double validation des gémeaux. Reagan aura également son mot à dire, autant qu’ils se partagent leur garde du corps.

Un bon point pour lui déjà, il ne parlait pas plus que nécessaire. Une qualité qu’elle, elle savait apprécier. Elle n’avait que faire d’un garçon de compagnie qui comblerait les blancs dans une conversation avec des sujets aussi inintéressants que dispensables. Elle cherchait un garde, pas un bouffon.

Pas mal. L’expérience et la capacité d’être concis et d’aller droit au but.

Elle le dit enfin à voix haute, exprimant son ressenti pour la première fois. Tout en mesurant ses propos. Il n’était pas né celui qui viendrait arracher des compliments à la matriarche Kramer. Et il n’était pas près de venir au monde. C’était là son maximum dans le jargon des éloges. Ce qui n’était déjà pas si mal avec du recul. Enfin, pour elle.

Depuis combien de temps vous exercez ce genre de travail ? Garde du corps j’entends.

Pencha la tête sur le côté, sans le quitter des yeux, affichant presque un petit rictus alors qu’elle était sur le point de lui révéler une annonce cruciale, aux allures de menace. Quoique, ce n’était pas elle dont il devrait se méfier. Pas tout de suite du moins.

Je préfère vous prévenir. Le travail de garde du corps me concerne moi et mon frère. Vous aurez à passer un entretien avec lui également.

Reste à savoir comment Reagan l’accueillera. Notre cher « ami » Vaga.

Sa tête commence à se balancer sur le côté, au rythme d’une mélodie silencieuse et invisible, que seule elle pouvait voir. Alors qu’il était en train d’exposer sa vie et son expérience, elle dessinait dans sa tête un portrait de ce jeune garçon. Il avait l’expérience et il était assez malins pour ne répondre qu’aux questions qu’elle lui posait. Rien de plus. Suffisamment intelligent pour ne pas prendre des initiatives qu’elle n’avait nullement envie de devoir gérer en cet instant.

Vraiment pas trop mal. Elle s’étonnait à le penser une seconde fois. C’est qu’il pourrait presque faire l’affaire. Ou alors c’était son ennui et sa fatigue des rendez-vous d’embauches qui parle. Quoi qu’il en soit. C’était le seul qui avait su éveiller son attention dans toute cette liste de bons à rien. Ce qui ironiquement, n’était pas rien justement.

Je vois. Vous avez de l’expérience, et vous êtes malins. Deux des qualités que je recherche.

Mais voilà qu’elle se prend de curiosité pour cet individu. Curiosité mêlée à un dernier test. Elle voulait voir à quel point il était en mesure de garder cette façade silencieuse. A quel point il pouvait se terrer dans son mutisme sans se laisser emporter. Quoi de mieux que des questions pièges pour tester son futur garde du corps.

Des passions dans la vie ? Des occupations en dehors de votre travail de garde à vos heures perdues ?

Il avait bien pris la nouvelle de son frère, que ce dernier viendrait le juger, autant qu’elle. Si ce n’est plus d’ailleurs. Connaissant ce dernier, il se fera un malin plaisir de se montrer encore plus dur et intransigeant avec lui. Surtout s’il devait garder un œil sur elle. Chose qu’elle ne comprenait que trop bien. Puisqu’elle aurait réagi de la même façon si leur rôle était inversé.

Passons déjà celui-là voulez-vous.

Affiche un sourire factice, qui se veut compatissant, simplement là pour le faire baisser davantage sa garde.

Si vous avez des questions à propos de ce travail. N’hésitez surtout pas. Je ne mords pas.