Are we havin' fun yet ? - Bradley x Maeve

Are we havin' fun yet ?

Sous le soleil d'Eonia--  feat    @Maeve Vaga "

Il y avait de l'effervescence dans les hangars. Plusieurs Stalkers et Aurora étaient sur le départ, les Galéréis faisant les dernières vérifications d’usage tandis que les Vaga leur tournaient autour comme des requins qui auraient flairé du sang.

Les Théséisses de l’Exploration finissaient de se préparer en blaguant et supervisant l’embarquement des précieux exosquelettes dans les vaisseaux. Chacun d’entre eux savaient très bien ce qu’ils avaient à faire et savaient surtout que ce n'était pas la peine de déranger leur chef, le Hildr du moment.

Les mains dans le dos, Bradley se balançait gaiement d’avant en arrière, le regard fixé sur Eonia à travers la vitre avec un sourire en coin et un air serein. C’était une image assez rare pour que ses collègues le laissent à ses rêveries sans venir l’embêter avec des détails de préparation.  

Le Hildr aimait bien Eonia. C’était une planète silencieuse et peu accueillante, mais il ne lui en tenait pas rigueur. Après tout, il était également comme ça et on en faisait pas tout un fromage.

Accepter le poste de Hildr avait été sa pire et sa meilleure idée. La pire, car depuis qu’il avait eu l’occasion de sortir de ce putain de vaisseau, de parcourir Hemilon, de respirer un air qui n’était pas recyclé, rester sur Neo lui portait peine et le déprimait plus qu’il ne voulait l’admettre. D’autres part, ça avait été aussi la meilleure car, dans des occasions comme aujourd’hui, il pouvait s’échapper. Enfiler l'exosquelette comme on aurait mis ses chaussures de randonnée préférées. Marcher dans un lieu inconnu et voir l’horizon. On a pas idée à quel point voir un horizon peut être apaisant pour le cerveau humain. Et il savourait chacune des occasions qui se présentaient, persuadé qu’il était de ne jamais voir Borée. Persuadé qu’il était que personne ne le verrait jamais.

Bradley finit par se détourner de la fenêtre pour rejoindre ses collègues. Toujours sans mots dire, il vérifia certains sacs, resserra des sangles et jeta un œil désapprobateur à des chaussures mal lacées. Le jeune théseisses n'eut pas besoin de plus pour se dépêcher de les refaire. Saisissant son propre sac, il rejoignit le Stalker auquel il était affecté et s’annonça en donnant deux grands coups de poings sur la carlingue. Sa propriétaire pincerait sûrement un peu les lèvres, mais c’était là une grande partie du charme.

- Maeve. Devine avec qui tu voles aujourd’hui ?

Est-ce qu’il avait un peu manigancé pour voler avec l’Épée ? Il n’y avait aucune preuve. Et même s’il y en avait, il était Hildr, s’il ne pouvait pas faire des petits caprices de temps à temps à quoi bon. Brad lança son sac à l’intérieur de l’appareil avant de vérifier que son vieux modèle d’Explorateur était bien arrimé. Son exosquelette de service était un ancien modèle, peut-être un des premiers découverts par les Kymal. S’il savait qu’il lui faudrait bientôt en changer, il était à l’aise dans celui-ci, chaque éraflure racontant son histoire comme autant de cicatrices et il rechignait donc à en demander un nouveau.

Une fois rassuré sur le sort de son compagnon de métal, il se tourna de nouveau vers les hangars. Un sifflement attira l’attention de son équipe et un mouvement de tête les mis en branle pour qu’ils commencent à embarquer. A quoi bon utiliser de la salive quand il pouvait faire comprendre “Dépêchez-vous les enfants, je veux être rentré pour le dîner” sans utiliser un seul mot ?
Pour finir d’appuyer son propos (et malgré l’âge du bonhomme), il sauta souplement dans le petit vaisseau et s’installa sur le siège comme s’il était chez lui. Il aura bien posé un de ses rangers noirs sur le tableau de bord, mais Maeve lui ferait rejoindre Eonia à pied s’il s’y aventurait, donc il se ravisa.

- Nous plante pas, perdre deux bons éléments comme nous, ça serait un drame.

Avec Maeve il pouvait se permettre d’être plus cynique, voire morbide et, contre toute attente, ça ajoutait à sa bonne humeur.

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An 42, juillet du calendrier Terre -- eonia --  feat. @Bradley Shadwell

L’ambiance d’un départ était, aux yeux de Maeve, quelque chose d’inégalable dans tout ce qui lui avait été donné de voir. Certes, quand la planète était encore inconnue, la tension y était encore plus palpable et l’adrénaline montait d’un cran à chaque fois qu’un vaisseau était fin prêt à partir. Mais même après avoir foulé plusieurs fois le sol d’Eonia, il y avait toujours ce petit quelque chose, ce sentiment d’excitation à l’idée de retourner dans l’espace et de quitter le cocon rassurant du Neo. Chaque sortie était comme un shot de vie pure.

D’un œil critique, la fille du leader des Vaga traversait le hangar et jaugeait l’avancée des préparatifs des membres de sa maison enrôlés pour l’expédition, laissant aux Théséisses le soin de gérer leurs propres préparatifs non sans passer à travers eux avec un brin de curiosité. La confiance n'excluait pas le contrôle après tout.
Puis, une fois assurée que tout était prêt et de son habituel pas déterminé, elle avait quitté les groupes pour rejoindre le Stalker avec lequel elle rejoindrait Eonia aujourd’hui.

Quand le métal résonna à ses oreilles, Maeve pinça les lèvres et fronça les sourcils mais en se redressant pour constater qui était le petit malin un peu trop bruyant, son visage se détendit légèrement.
Mains sur les hanches, sa réponse fusa presque immédiatement.

- J’en étais sûre. C’est mon père qui t'a demandé de me surveiller.

L’oeil courroucé, car elle savait bien qu’elle avait raison, Maeve le regarda s'installer en croisant les bras sur sa poitrine. Trop fière d’avoir réussi à convaincre son père de ne pas venir avec eux et de rester s’occuper de leur Maison sur le vaisseau, elle en avait oublié que Bradley pouvait aisément lui servir d’yeux et d’oreilles durant leur mission.
Elle était d’ailleurs uniquement contrariée à ce propos, car les missions avec le Hildr étaient toujours ses préférées. C’était un homme bien, et un partenaire efficace. Alors, se contentant d’un soupir, elle termina les derniers préparatifs et profita du sifflement très efficace de Bradley pour indiquer à son escouade d’imiter les Théséisses d’un simple geste, profitant que toutes l’attention soit sur eux.

- Vu le tas de ferraille que tu trimballes encore en exploration au lieu de te trouver un exosquelette neuf, c’est sûrement pas moi qui risque le plus de faire perdre des bons éléments au Neo.

Sa voix était sèche mais un sourire en coin s’était glissé sur les lèvres de la Vaga alors que le hangar vibrait déjà du vrombissement des moteurs à mesure que chaque vaisseau se mettait en marche. Et puis, d’une voix dans laquelle son sourire ne transparaît pas, elle annonça dans toutes les radios les règles du trajet.
Départ imminent, vol en hyperespace une fois que tout le monde aura passé le champ de force et un rendez-vous au dernier point d’extraction.  
Et après un regard confiant lancé à Bradley, le Stalker s’engouffra à la suite des vaisseaux Théséisses en direction d’Eonia.


Maeve se laisserait toujours impressionner par les vols en hyperespace, même après autant d’heures de vol à son compteur. Aussi proche d’Eonia, le trajet semblait aussi rapide et fluide que le battement d’aile d’un papillon, celui qu’elle avait vu dans un film récemment.
Et quand elle amorce un atterrissage sans trop d’accrocs, elle accompagne l'extinction du moteur par un petit coup de coude à Bradley, plutôt fière d’elle.

- Je retiens que tu n’as pas confiance en moi en tout cas, merci Bradley.

Dehors, le soleil commençait à peine à se lever et à réchauffer la surface de la planète désertique. L’heure était stratégique pour permettre à tout le monde d'atterrir sans encombre, de décharger le matériel et de se préparer sans être d’ores et déjà écrasé par la chaleur d’Eonia.
L’effervescence avait repris dans la poussière et les cailloux, alors que Maeve et Bradley descendaient à peine de leur appareil.

- On va continuer les recherches vers la chaîne de montagnes là-bas, après le cratère. Une partie de l’équipe restera ici avec le matériel et sera chargée de venir récupérer tout le monde s’il y a un problème. C'est bon pour toi ?  

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Bradley eut un de ses rares rires qui ressemblait plutôt à un aboiement.

- Comme si ton père avait besoin de te surveiller.

Maeve était trop âgée pour avoir un babysitter. Et c'est exactement ce qu'il avait répondu au père Vaga quand ce dernier lui avait demandé de garder un œil sur sa fille pendant la mission.

La jeune Vaga n'était plus une enfant, mais une pilote accomplie et d'un sérieux presque inquiétant pour quelqu'un de son âge. C'était quelque chose que Bradley respectait et il faisait une confiance aveugle à celle qui avait un jour été son élève. Si bien qu'il se permit même de fermer les yeux le temps du trajet et de se détendre un peu. De toute manière il n'aurait rien fait de plus les yeux ouverts, il n'avait aucune idée de comment manœuvrer ces bestioles volantes.

L’hyperespace était une sensation grisante pour certains, mais elle ne laissait au Théseisses qu’une drôle d’impression vaguement désagréable, une sorte de démangeaison qu’on ne pouvait pas gratter. Il était toujours bien content quand ça finissait.

Aussi, les moteurs n'avaient pas fini de tourner qu'il était déjà debout, pour s'équiper. Il retira sa veste pour rester avec la tenue adaptée aux armures, des vêtements entièrement noirs et couvrant. Oui, ça tenait particulièrement chaud, surtout sur une planète comme Eonia mais c'était préférable au contact du métal sur la peau nue.

- Arrête ton cirque, tu sais que je te fais confiance. Sinon je ne serais pas dans ce jouet que tu appelles un vaisseau. Mais bien joué quand même.

Au contact de son Axiom, son armure s’ouvrit dans un chuintement de vérins et Bradley s’en équipa avec une décontraction qui trahissait son habitude. Pied droit, pied gauche. Bras droit, bras gauche, épaules, tête. Écouter le bruit rassurant et satisfaisant de l'exosquelette qui se refermait le long de sa colonne vertébrale. Bondir hors du vaisseau et frimer un peu en le faisant.

Il continua sa petite routine : mouvement d'épaules, coup droit, coup gauche. Savourer le fait que l'armure soulageait le poids des années sur ses épaules, comme s’il lui avait confié un sac à dos un peu lourd.

Bradley sautilla sur lui-même quelques fois, soulevant des nuages de poussières rouges qui allèrent lécher les bottes immaculées de son binôme.

- Pas si mal pour un tas de ferrailles, non ?

Bradley cessa rapidement toute fanfaronnade pour écouter le briefing de l'Épée en charge de cette expédition. Il lui répondit d’un simple hochement de tête et se tourna vers le reste du convoi. Toujours sans utiliser un mot de plus que nécessaire, il houspilla les retardataires, communiqua les instructions de Maeve et désigna ceux qui restaient proches des appareils et ceux qui accompagnaient le groupe d’intervention.

Il finit de s’équiper, prenant ses armes, tout en sachant qu’elles étaient particulièrement inutiles sur Eonia. Il n’y avait que des lézards sur ce tas de poussières. Mais il était Hildr, c’était son job d’être armé en exploration et il n’allait pas commencer à pinailler maintenant.

- Je passe devant.

Même s’il n’y avait hypothétiquement rien à craindre sur cette planète stérile, Bradley comptait quand même faire son job et protéger le groupe. De plus, même s’il avait refusé de faire un rapport au Père Vaga, il lui avait quand même promis de ramener sa fille. Bien entendu, Maeve pouvait largement se défendre seule et n’avait certainement pas besoin de leurs élans paternalistes. Mais on pouvait laisser deux vieux hommes rêver.

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Si Maeve pouvait confier aveuglément sa vie à Bradley, il y avait bien un point sur lequel elle ne lui faisait pas du tout confiance : les promesses qu’il faisait dans son dos au leader de Vaga. Cela dit, elle ne blâmait ni l’un ni l’autre car elle était la première à menacer froidement ceux qui étaient chargés de la protection de sa famille. Et évidemment, il était hors de question qu’elle l’admette devant le Théséisse.

Elle observait d’ailleurs ce dernier, dans sa combinaison de protection, s’afférer aux derniers préparatifs avant d'enfiler son exosquelette semblable à une véritable armure de combat. Un bref instant, elle se demanda pourquoi de tels engins avaient été stockés sur le vaisseau si Borée était censée être accueillante, puis elle oublia cette pensée pour se rencontrer sur leur mission du jour.

- Merci Bradley, ta confiance m'honore, et ce n’est pas de l’ironie.

Elle préférait préciser.
Et avant qu’elle n’ait eu le temps de glisser que, dans cette armure cliquetante et chuintante, elle arriverait à développer une probable claustrophobie, le Hildr était déjà dehors, lui arrachant un soupire.

Patiente, elle se tenait finalement  là, à côté d’une boîte de conserve sautillante qui s’étirait comme un athlète avant sa performance. Elle n’avait pas d’équipement aussi complexe, mais une combinaison technique légère et renforcée pour protéger le corps du chaud et du froid tout en gardant de l’aisance dans les mouvements. Dans les pires des conditions, les explorateurs avaient également un masque pour se protéger les yeux et filtrer les particules de l’air pour le rendre respirable.
Et après un bref coup d'œil à ses bottes rougies par Eonia, elle tapota le métal recouvrant le bras du Hildr, maintenant nettement plus grand qu’elle.

- Très impressionnant. Tu ne perds pas la forme en tout cas.

Son rictus trahissait malgré tout de la sincérité. Elle était heureuse de le voir dehors. Ça avait l’air de lui faire du bien. Tout comme à elle.
L’air allait rapidement devenir lourd et irrespirable, mais elle profita tout de même du début de journée sur Eonia pour inspirer les parfums de la roche maltraitée par le froid de la nuit et qui commençait déjà à se réchauffer doucement, alors que les équipes se mettaient en route.

Bradley en tête, Maeve sur ses talons, elle était contrainte de marcher à un certain rythme si elle voulait rester à son niveau. Elle était d’ailleurs la seule à le suivre de près, le reste de leur petite troupe marchait un peu plus loin derrière eux.

- Tu sais que certains Azaraï sont sûrs de trouver une ancienne forme de vie sur cette planète ? Des traces ? Franchement ça ne serait pas impossible. Si on compte sur des millénaires.

Portant son bras droit devant elle, Maeve afficha au-dessus de son Axiom, la projection d’Eonia et sa cartographie incomplète. C’était aussi ça, leur mission. Reconstituer le système Aurora, en apprendre un maximum.

- Enfin, pour l’instant on va se contenter de finir de la cartographie hein… C’est déjà un sacré boulot.

Sur ces quelques mots, elle prit un peu d’avance, pour grimper sur une petite crête rocheuse et prendre de la hauteur. Son rôle n’était pas de ramener une multitude d’images, les archivistes, photographes et cartographes de l’équipe le feraient bien mieux qu’elle.
Mais ça ne l’empêchait pas de profiter du paysage.

- T’as l’air content d’être dehors en tout cas Brad.

Il y avait quelque chose de satisfaisant à l’avoir vu faire le zouave dans son matériel vieillissant. Hors des murs du Neo, Bradley semblait réellement bénéficier d’un second souffle. La jeune femme n’avait encore jamais osé aborder le sujet, mais c’était les raisons qui la poussait à militer pour que l’exploration hors du vaisseau continue.

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Bradley avait pris un peu d’avance, facilité qu’il était par l’exosquelette. En se retournant pour observer le groupe, il ne fut pas du tout surpris de voir une tête blonde qui lui collait aux basques.
Bien entendu, Maeve restait en tête. Même si ça impliquait pour elle de faire de grands pas et d’avoir un rythme plus soutenu malgré la chaleur qui commençait déjà à se poser sur leurs épaules. L’héritière Vaga n’était pas là pour rigoler. Elle ne rigolait d’ailleurs pas beaucoup.

Il ralentit quand même un peu l’allure, ne serait-ce que pour mieux entendre la jeune femme. Elle pouvait largement tenir le rythme,  si ce n'était pas grâce à son entraînement, ce serait grâce à son vilain caractère et le fait qu'elle soit têtue comme un cochon. Mais ce pas la peine de lui imposer un pas de charge.
Il haussa un sourcil à sa remarque et, quand elle ne répondit pas, il se rendit compte que la jeune femme ne pouvait pas le voir derrière son masque de fer. (Un gros problème des exosquelette ça, il devait utiliser des mots pour se faire comprendre.)

- Non, je ne savais pas. Ça doit les mettre dans tous leurs états.

Bradley se pencha dans un chuintement métallique pour mieux observer la carte qu'elle projetait pour eux.
Le fait que des gusses vivaient sur cette planète il y a des millénaires… Bon clairement il ne voyait pas ce qu'il y avait d'intéressant. Mais il connaissait assez les Azarai pour savoir que la plupart devaient en rêver la nuit, le genre de rêves dont les draps se souviennent. Dans le monde du Theseisses, cependant, Eonia restait une planète pas viable. Du moins qui ne l'était plus. Il eut un rire sans joie, mais plein de cynisme.

- Tu crois qu'eux aussi ils se sont barrés quand ça a commencé à chauffer ? Tu vas voir qu'avec notre chance, ils vont les retrouver sur Borée. Ah !

Cartographier une planète dont ils allaient bientôt s’éloigner lui semblait aussi incongru, mais le père Vaga avait souvent des raisons que la raison ignore. Et la fille prenait le même chemin, il ne comptait donc pas le dire à voix haute.

Bradley la regarda prendre de la hauteur et profita d’avoir caché dans son armure pour avoir un léger sourire. La petite fille qu’il avait connue était loin. L’adolescente qu’il avait envoyée voler contre les murs de leurs salles d’entrainement l’était tout autant. Tâche de neige dans le désert, elle dominait le paysage comme s’il lui appartenait.
Le vieil homme regrettait de savoir qu’il ne la verrait jamais sur Borée. La voir conquérir de nouvelles terres, laisser vraiment s’épanouir l’aventurière en elle… Quelle image ça aurait été.

Perdu dans ses pensées douces et amères, il ne répond pas de suite. S’ébrouant pour revenir au temps présent (pas perdu dans des souvenirs lointains ou des regrets futurs), il la rejoint sur la crête mais pour mieux surveiller le groupe derrière eux, vieux loup qui observe la meute.

- Ca se voit tant que ça ? Tu sais, je suis un vieux cabot, il faut me sortir de temps en temps. C’est bon pour mon poil.

Il laissa ses yeux se perdre sur l’horizon qui ondulait déjà à cause de la chaleur avant de reprendre.

- On se crève de chaud, mais je suis toujours mieux que là haut, dans les mêmes couloirs avec les mêmes gueules. C’est pas à toi que je vais expliquer ça.

Il savait que la louve toute blanche à côté de lui avait des motivations similaires, des envies et des besoins semblables. Il espérait juste que, contrairement à lui, ça ne finirait pas par la dévorer. Ne voulant pas gâcher leur escapade avec ses grises pensées, il fit même l’effort, de mettre des mots sur ses émotions.

- Donc oui. Je suis content.

Pour appuyer son propos et peut-être aussi pour dissiper la gêne d’avoir parlé si librement, Bradley la poussa du pied, laissant une empreinte rouge de chaussures sur sa cuisse.

- Allez, Vaga on bouge.

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- Certains Vaga aussi croient à cette théorie, rapport au fait que l’oxygène et l'atmosphère soient accueillants si on met à part la chaleur écrasante qu’il fera dans quelques heures…

Son ton ne permettait pas de discerner ce qu’elle-même pouvait penser de tout ça. A vrai dire, elle évitait de trop y réfléchir et ne se penchait sur la question que lorsque quelque chose attirait son œil ou son attention alors qu’elle était entrain de fouler le sol de cette planète.
Elle disait que cette méthode permettait d’éviter de voir ce que l’on voulait voir, d’imaginer ce que notre cerveau avait trop fantasmé, pour rester focaliser uniquement sur ce qui était vraiment devant notre nez.

- Si j’étais eux, j’aurai essayé de déguerpir avant que l’eau ne disparaisse totalement, en tout cas. On a pas trouvé une seule trace d’humidité à par la sueur de notre équipe.

Perchée sur sa dune rocheuse, elle contemplait le paysage aride avec un air circonspect. Un Cervantes aurait sûrement pu très facilement imaginer ce qu’aurait pu être la vie sur une telle planète. Certains canyons abritaient peut-être des rivières ou des lacs bien avant que les habitants du Neo Century ne foulent son sol. Mais Maeve avait bien du mal à imaginer qu’un jour, cette planète ait pu contenir de la vie. Seuls les petites traces d’animaux dans le sol sablonneux lui rappelait que ça avait peut-être été le cas.
Et de toute façon, elle n’avait jamais qu’à travers des écrans et des projections, ce à quoi avait pu ressembler une planète accueillante comme la Terre.

Bradley la tirant de ses réflexions, elle arriva même à gratifier l’armure d’un sourire léger, pas tant sensible au trait d’humour et de dérision de son aîné, mais plutôt touchée qu’il lui révèle des sentiments qu’elle partageait avec lui, sur toute la ligne.
Et s’ils auraient pu en profiter pour extérioriser ensemble tout le mal-être qu’il était possible de ressentir à être enfermés, aucun d’eux ne semblaient très habiles pour le faire. Sauf avec une trace rouge sur sa combinaison blanche.

- Tu parles de maturité pour un Hildr !

Bradley repartait déjà, et Maeve lui emboitait le pas sans insister et sans râler plus que ça pour la tâche de roche et de sable rouge.

- Tu as raison, on est dehors, inutile de parler de ce qui nous attend au retour, autant profiter de ce qu’on voit une fois en bas.

Elle ajouta l’air de rien.

- N’empêche, n’hésite pas à toujours te porter volontaire pour nos missions de sorties. Elles sont plus sympa quand elles sont gérées par un vieux cabot au poil soyeux heureux de sortir.

Un rictus quelque peu moqueur glissa sur ses lèvres mais elle n’était pas persuadé que Bradley ait le temps de le voir.

- C’est pas idiot ce que tu as dit tout à l’heure tu sais ? Sur le fait de retrouver d’autres personnes sur Borée… Et ça mérite de se mettre ça dans un coin de la tête avant d’arriver là-bas…

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Comme ça faisait déjà un moment qu’il ne l’avait pas fait et, pour ne pas perdre l’habitude, il grogna de dégoût à l'évocation de la sueur de l'équipe.

- Franchement, je préfère mijoté à l’étouffé là-dedans plutôt que de lécher l’aisselle de quiconque ici. Tu le mettras sur mon épitaphe. “Ci-cuit un grand couillon”.

Il reprit sa route, se laissant glisser dans la pente rocheuse, gardant l’équilibre malgré son équipement. Pris d’un énième élan protecteur, il se retourna pour offrir son bras à la jeune femme. Juste au cas où. Ce n’est pas parce qu’elle n’en avait pas besoin, que lui n’en avait pas envie.

- Tu le sais, je me porte toujours volontaire. Surtout si t’es là, Vaga. Je te fais confiance pour repérer si j’ai toujours la truffe humide et me ramener à la niche si besoin.

Comme pour compléter l’allégorie, il eut un de ses rires semblables à un aboiement.
Une fois encore, il bottait en touche, se cachant derrière un humour de darron pour ne pas dire complètement ce qu’il pensait. “Je te fais une confiance aveugle.” “T’es ma pilote préférée.”, “Je suis bien content que tu veuilles encore de moi en sortie”. “T’es ma collègue favorite.” “Et tu es ma famille.”

Mais ni l’un ni l’autre ne communiquaient de cette manière. Les grands élans sentimentaux  glissaient sur Maeve comme une luge sur la neige, tandis que les émotions étaient trop lourdes pour un homme en armure. Heureusement pour eux, ils se comprenaient différemment et faisaient donc un bon duo malgré la différence d’âge.

Marchant proche de l’Épée, il se retournait régulièrement pour observer le troupeau derrière eux et ce qu’il vit l’agaça. Il finit par céder et alluma la communication pour joindre le reste de son équipe. A croire que c’était compliqué de mettre un pied devant l’autre.

- Vous avez prévu de cuire ici ? Bougez-vous.

Non mais sans blague.
Il était tellement occupé à les fixer d’un regard mauvais malgré la distance, qu’il ne réalisa pas de suite ce que lui disait Maeve.

- Mh ? Tout ce chemin pour trouver d’autres pelés déjà sur place, ça me ferait mal ! Enfin ça me ferait mal…. Pas comme si j'allais le voir de mon vivant, vous vous débrouillerez avec eux.

Il haussa les épaules, fataliste
Le ton égal,  le discours pessimiste.
Et encore, vu qu'il n'était vraiment pas persuadé que les petits enfants de Maeve verraient un jour la terre promise... Et bien disons, que ce n’était pas sa version la plus défaitiste. Comme quoi, ça lui donnait vraiment du baume au cœur d’être dehors…

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Maeve était resté silencieuse devant la déclaration maladroite et pourtant pleine de sens de l’Hildr qui marchait à ses côtés. Elle s’était contentée d’un regard et d’un hochement de tête. Celui qui évoque sans même avoir besoin de le dire, que les sentiments étaient partagés. Elle accepta même de prendre appui sur son bras en armure lorsque le terrain farceur commença à faire rouler sous ses pieds le sable et la roche.
Si elle était constamment contre son propre père, comme si elle avait été désignée pour être la seule garante de sa sécurité, elle ne niait pas que pouvoir se reposer sur Brad avait quelque chose de rassurant et de réconfortant. Et pourtant, elle ne se reposait jamais sur personne, habituellement. Avec lui, elle pouvait se permettre d’un peu moins sur ses gardes, parce qu’elle savait qu’il assurait ses arrières constamment. Et ce n’est pas parce qu’elle ne se permettait jamais ce relâchement qu’elle n’avait pas confiance en lui, bien au contraire.
C’est surtout qu’elle estimait devoir lui rendre exactement la même confiance qu’elle lui portait.

Et c’est parce que l’un et l’autre savaient qu’ils étaient définitivement plus à l’aise avec les actes qu’avec les mots, que Maeve laissa échapper un petit rire moqueur quand Bradley rappela son équipe à l’ordre à travers leur outil. Encore une preuve que le Théseisse avait besoin de mettre fin à l’émotion du moment pour se sentir plus à l’aise. Et elle le comprenait.

- Ah, et voilà le retour du chef grognon. Tu as raison, ils devaient te trouver bien trop calme là-bas derrière.

Moqueuse, elle renchérit à sa propre taquinerie.

- Je crois que c’est pour ça qu’ils m’aiment bien, les Théséisses, parce que je t’occupe.

Elle marmonna également à la suite.

- Et revoilà le chef défaitiste aussi… Lui aussi ça faisait longtemps que je ne l’avais pas entendu !

Elle ne pouvait pas lui reprocher, comme à son propre père, de voir les années défiler et aucune planète promise sur leurs radars et leurs écrans de contrôle. Et s’il y avait bien une génération à qui elle pardonnait le pessimisme, c’était bien celle de cet homme en exosquelette qui parcourait une planète inhabitable pour éviter de tourner en rond.
Maeve n’était pas non plus une grande rêveuse. Elle ne se projetait pas sur Borée. Mais au fond d’elle, elle savait qu’elle aimerait beaucoup pouvoir promettre à Bradley une vie loin du vaisseau très prochainement.

- Tu ne devrais pas dire ça. Je sais que je préfère les personnes réalistes aux grands rêveurs qui pensent que tout a bien un sens et que Borée est proche mais tu sais, on fait des découvertes chaque jour et rien ne nous permet d’affirmer que d’ici quelques années, nous trouverons quelque chose de concluant.

Elle se retint de donner un coup de coude à Bradley, pour préserver son articulation.

- Tu n’es pas encore un vieux croulant, tu en es même loin, regarde le Rey des Torres. En tout cas, tu as encore beaucoup de choses à voir avant de prendre ta retraite. Et personnellement je ne compte pas te laisser tranquille. Et puis on sait tous que c'est l'exosquelette qui fait tout.

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Le soleil cognait déjà fort sur eux. Malheureusement ils ne pourraient pas rester beaucoup plus longtemps, pas s’ils voulaient éviter des malaises, des insolations ou des déshydratations. C’était bien pour ça qu’il commençait à ronchonner et à secouer tout le monde.
Bradley grogna :

- Je suis pas grognon.

Bon, si, peut-être un peu. Surtout avec son équipe qui le laissait bougonner et soupirer sans lui en tenir rigueur. Certains avaient même développé des compétences de traduction. Ce qui était bien pratique mais n’aidait pas du tout le Hildr à s’améliorer en communication.

- Je suis pas défaitiste non plus.

Bon, là, même lui savait que c’était un mensonge éhonté.
Il avait passé sa vie avec un concept simple :  “tout va bien se passer”. Bradley le répétait encore très souvent aux plus jeunes, à toutes les âmes boiteuses qu’il collectionnait ou à qui voulait bien l’entendre d’ailleurs. Une forme de mantra qui remettait un peu de baume au cœur de tout le monde. Coup du sort, c’était souvent vrai, surtout quand il était dans les parages, ca lui avait même valu la réputation de Chat Blanc chez les Théseisses. Tout se passait bien.

Si ça marchait pour une mission, une journée, un problème épineux… Bradley ne croyait pas du tout que “tout allait bien se passer”. Ou n’avait plus envie d’y mettre l’énergie pour que ça arrive. Il crèverait soit dans leur boite de conserve, soit (si Borée, où qu’elle soit, était clémente) sur une planète inconnue loin de celle qui l’avait vu naître et encore plus loin de l’autre. A quoi bon.

Mais il appréciait l’effort de Maeve pour lui remonter le moral, tenter de lui insuffler un peu d’espoir, comme on tenterait de regonfler un pneu crevé. Elle était jeune et ambitieuse, elle n’avait pas besoin de son avis sur la question. Surtout qu’elle était assez terre à terre pour savoir à quel point ses paroles tenaient plus du réconfort que d’une vraie conviction.
Mais bon. “Tout va bien se passer", n'est ce pas ?

- Tu me parles déjà de retraite ? Sympa. Avec des amis pareils, pas besoin d’avoir d’ennemis.

Bradley se stoppa net dans sa marche à la dernière pique de l’héritière Vaga. Il la fixa un moment, un silence particulièrement bruyant dont il avait le secret, même enfermé dans l’armure.
Il y eut un bruit de métal, un cliquetis et Bradley retira le casque de l’armure et lui tendit, le visage le plus sérieux du monde.

- Beh tiens, puisque t’es si maligne.

Elle avait du bol qu’il soit encore un peu professionnel, sinon il l’aurait retirée en entier juste pour la regarder galérer dans le sable.

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Maeve s’était contentée de ricaner aux odieux mensonges proférés par le Hildr de sa voix ronchon et métallique. Il était inutile de le regarder dans le blanc des yeux pour savoir qu’il était parfaitement conscient de ces états de faits mais qu’il préférait avant tout les nier. Pas toujours pour les bonnes raisons d’ailleurs mais il était bien libre de prendre la vie dans le sens qu’il voulait. Après tout, il avait vu des choses, et vécus des choses, que la moitié des gens qui foulaient Eonia aujourd’hui ne pourrait imaginer.
Et la jeune femme ne lui en voulait pas. Ils se connaissaient depuis longtemps maintenant et elle avait, comme beaucoup de membres de l’escouade de Bradley, un diplôme imaginaire en traduction de Théséisses de mauvaise humeur. Qui plus est, elle prenait rarement les choses personnellement.

- Ça va, ça ne me dérange pas que tu râles sous ton casque. Je me demanderai quelle espèce extraterrestre aurait pu t'enlever si tu ne le faisais plus.

Et puis, si on était parfaitement honnête, Maeve n’était pas la plus talentueuse pour remonter le moral. Quelque chose fonctionnait avec Brad, peut-être parce qu’ils n’étaient pas de grands rêveurs tous les deux, mais ce n’était clairement pas son point fort.

Le simple fait que le Hildr réponde à ses taquineries était déjà une petite victoire en soit et elle ne creuserait jamais vraiment plus loin.

Quand celui-ci s’arrêta pour retirer son casque, elle darda ses yeux glacés dans ceux, enfin visible, du Théséisses chargé de sa protection. De leur protection à tous.
Derrière eux, on entendait le bruit des machines d'analyse et de calcul, les échanges entre les membres de deux maisons qui travaillaient en coopération plutôt fluide.

- Hors de question que je mette ça sur ma tête. Et remets le avant de cuir au soleil. T’as raison t’es pas proche de la retraite, t’es un gamin.

Du bout des doigts, elle avait repoussé la proposition du Hildr avec une moue peu ravie. S’il y avait bien une chose qui ne la faisait pas rêver dans la condition de Brad, c’était cet exosquelette, certes pratique, mais dans lequel le simple fait de s’imaginer lui provoquait une profonde sensation d’enfermement.

- Aller, remets ça, tu vas attraper une insolation.

Et comme pour éviter qu’il ne lui colle le casque sur la tête de force pour l’embêter, elle s’éloigna de quelques pas dans le sable.

- J’ai l’impression que nos machines ne détectent rien de concluant… S’il y a eu de la vie ici, elle a disparu depuis longtemps et les traces de son passage avec. Heureusement qu’on peut encore se servir de la roche et du sable comme éléments de fabrication, sinon on aurait plus aucune raison de venir ici…

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- De suite, des extraterrestres… Tu  ne crois pas à la version où j’ai fait un travail sur moi et que je vois la vie du bon côté ? Je suis déçu.

Sur le même ton de la plaisanterie, il aurait bien ajouté que, puisque c’était sans espoir, il allait arrêter ces séances avec son psychologue. Mais même avec Maeve, il n’avait pas spécialement envie d’en parler. Déjà parce que ça ne regardait que lui et surtout parce que ce n’était même pas de vraies séances. L’iris se permettait juste de lui donner son avis enrobé dans un joli papier de cynisme à chaque fois qu’ils se croisaient.
Même pas de vraies séances et il ne pouvait pas en parler librement. Alors imaginez si c’était officiel, ça lui resterait sûrement coincé dans la gorge.

Quand Maeve repoussa son casque du bout des doigts, d’un air presque dégoûté, il ricana. C’était facile de se moquer que c’était l’armure qui faisait tout, mais bizarrement, il n’y avait plus grand monde pour se mettre de bon cœur à l’intérieur de cette grande boîte de conserve.

- Ouais un vrai gamin. Pardon maman, promis je garde ma casquette.

Toujours ricanant, il remit le fameux casque et les écrans devant ses yeux s’allumèrent devant ses yeux, lui donnant les informations de son environnement. Il regarda la température prendre encore un degré et se rapprocher dangereusement de la zone rouge.
Arrêtant ses gamineries, il fit un tour lent sur lui-même pour observer l’horizon ocre, reprenant son rôle de protecteur.
Mais il ne voyait toujours rien, la seule activité qu’avait vu cette planète depuis des millénaires, voire depuis toujours, c’était la leur.

- Un peu de matière première ça sert toujours. Il parait qu’on peut faire du verre avec du sable, tu le savais ?

Distraitement, il traça une ligne dans le sable de la pointe du pied, se demandant bien par quelle magie ces petits bouts de planète deviendrait des verres à pied pour les Torres, des lentilles de microscopes pour les Azarai ou bien de simples lunettes pour toute la population. Il devait bien avoir un documentaire à ce sujet.

Une partie de lui, la cynique, avait envie de dire que prendre des ressources pour le petit confort de l’humanité, ils avaient déjà testé et que ça s’était mal passé. La seconde partie, la réaliste, lui rappelait que c’était peut-être de ça dont dépendait leur survie à long terme. Et que ça n’allait manquer à personne ici, les petites bestioles qui vivaient sur Eonia, ne leur en tiendraient pas rigueur.

De l’agitation lui fait relever le nez vers le reste du troupeau un peu plus loin. Un nuage de poussière rouge montait en même temps que de nombreuses exclamations. Allons bon…

- Par Borée, qu’est ce qu’ils sont allés nous inventer ?

Bradley dépassa Maeve pour rejoindre le plus gros du groupe d'exploration. Il n'eut pas besoin de demander qu'un Théseisses lui expliquait déjà qu'une des blouses blanches avait glissé dans le cratère. En effet, alors que Brad se penchait doucement pour observer le cratère en contre bas, il aperçoit une jeune femme, consciente mais qui se tenait une jambe.
Se tournant de nouveau vers sa binôme, il lui fit un rapide état des lieux.

- On a une Azarai plantée. Consciente, très probablement blessée, il y a environ cinq mètres de dénivelé, elle pourra pas remonter seule. Je peux t'assurer si tu le sens.
Elle n'a pas vraiment le temps de répondre, qu'il aboie déjà :

- Secouez-vous, j'ai besoin de deux baudriers, atèle et une corde, si on a tout ça. On se bouge, ça va bientôt entre un four ici.

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Alors que Bradley enfilait à nouveau son casque pour redevenir cette sorte de grand robot humanoïde chargé de leur protection, Maeve s’était perdue dans sa contemplation du paysage.
Le Hildr n’avait pas tort, quant à la matière première qu’ils trouvaient ici, sur Eonia. C’est d’ailleurs pour ça que des équipes continuaient à venir fouler cette planète. Si les Vaga et les Théséisses continuaient à chercher quelque chose, une partie du groupe, composée essentiellement d’Azaraï et de Galéréis, était envoyée là pour récupérer des ressources pouvant bénéficier à la vie sur le vaisseau.
D’un vague hochement de tête, elle avait indiqué à Bradley qu’elle était au courant pour le verre, et qu’elle était d’accord. Comme lorsqu’ils étaient sur Henillon, l’expédition servait quand même toujours à quelque chose. Ce n’était pas inutile.

Elle est tirée de leur bref moment de contemplation silencieuse par la voix du Théséisses et les exclamations qu’elle couvre brièvement.
Il est plus réactif qu’elle, mais la jeune femme lui emboita rapidement le pas pour rejoindre la poussière rouge et le plus gros du groupe.
A mesure que l’Hildr obtient des explications, Maeve s’était approché de la crevasse qu’elle était sûre de ne pas avoir remarquée à leur passage. Le sable semblait s’être lentement déversé à l’intérieur sous les pas plus nombreux et plus lourds des membres de l’expédition.

- Cette faille n’était pas là quand on est passé avant eux. Je vais descendre, que personne d’autre n’approche hormis pour s’assurer que ton armure reste bien ancrée dans le sol.

Des yeux, elle cherche à voir d’où arrive le matériel demandé pour être tout aussi réactive que son partenaire. Sa voix s’accorde au ton du Hildr pour s’adresser au reste de l’équipe.

- Finissez vos prélèvements et votre extraction. Le sable et la roche ont bougé, faites attention où vous mettez les pieds, restez groupés. Qu’on évite tout autre glissement de terrain.

Le baudrier dans les mains, Maeve a rapidement fait de l’enfiler et de l’ajuster. Ce n’est pas l’équipement qu’elle maîtrisait le mieux, mais le relief rocheux d’Eonia lui avait déjà permis de s’essayer à la descente en rappel et à l’escalade.

- Prêt ?

Elle s’était adressée à Brad, arrachant presque le sac de secours des mains d’un membre de l’équipe pour le balancer sur son épaule. C’était tout aussi bien pour s’assurer qu’il soit prêt que pour vérifier que leur outil de communication fonctionne bien.

- Je croyais que tu portais chance à tes équipes toi !

Et d’un coup d’oeil entendu et assuré pour le Hildr, la jeune femme entama sa lente et prudente descente. Sous ses pieds, le sable s’écoulait, dévoilant une roche rugueuse, presque volcanique, alors qu’elle commentait sa descente pour son partenaire.

- Brad, tu m’entends toujours ? C’est vraiment dingue. On dirait que la crevasse s’est vidée de son sable, comme un syphon. Si j’étais du genre rêveuse, je te dirais que ça ressemble à une galerie.

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Bradley avait les mains qui le démangeaient de vouloir aider Maeve et vérifier son équipement. Mais il se rappela à temps que ce n'était pas une petite fille, qu'elle avait de la glace dans le ventre et dans la tête. Ce dont avait besoin Maeve c'était d'un binôme, pas d'une mère poule. Il savait qu’il pouvait lui faire une confiance aveugle.

Il était impossible de bloquer l’exosquelette dans tout ce sable, les pieux prévus à cet effet ne feraient que glisser. Donc, pour se rajouter une sécurité, il arrima l’armure et lui avec au vaisseau le plus proche et fit signe à une fille de son équipe, harnachée comme lui, de se tenir prête. C’était une bonne recrue et elle ricana à la remarque de Maeve sur sa chance. Super, voilà qu’elles étaient deux à n’avoir pas du tout peur de lui.

- J'imagine qu'il faut bien des exceptions. Ou alors j'ai perdu ma bonne étoile.

Il n'espérait vraiment pas l'avoir perdue. Bradley était particulièrement fier de sa réputation de chat blanc et il était particulièrement conscient que c'était stupide.  Mais un peu de superstition ne faisait de mal à personne, si ?

Bradley regarda l’épée se glisser dans les profondeurs avec une aisance surprenante pour quelqu’un qui ne faisait pas ça toute la sainte journée. C’était encore une similitude entre les deux. Que ce soit pour le travail ou dans la vie, peu importe ce qui a doit être fait pour protéger les siens. Ce sera fait et ce sera bien fait.

- Oui je t'entends haut et clair. Tout va bien en bas ?

Malheureusement, il n’y voyait rien, planté comme un piquet au milieu du désert, la corde d’escalade glissant lentement entre ses doigts. Il ronchonna en l'entendant parler des galeries, il manquait que ça à leur journée, tiens.

- Alors on a de la chance que tu le sois pas ! Maeve, par tous les diables, ne dis pas ça trop fort ou tu vas agiter tous les Azarai. Ils vont tellement mouiller leur pantalon que ça va réhydrater cet enfer.

Et pas que, il se doutait que des cartographes Vaga adoreraient voir ça. Mais ils manquaient de temps. Le Hildr jeta un coup d'œil au soleil d’Aurora au-dessus de leur tête, qui commençait à drôlement chauffer et à envoyer des reflets menaçants sur les appareils, les vaisseaux, les exosquelettes…

- Et je compte être rentré pour déjeuner ! Comment va la blouse blanche ?

Il espérait qu’elle n’était pas trop blessée et que Maeve pourrait gérer seule la situation. Le moins de personne on envoyait là dedans, le mieux c’était.

- Elle pourra remonter avec le baudrier sans trop de dégats ? Sinon on cherche pas, je t’envoie un Stalker avec une civière.

Malgré la situation, il se permit un petit trait d’humour, sous le regard abasourdi de sa subordonnée à ses côtés.

- J’ai juste été un peu couillon d’envoyer la meilleure pilote au fond de ce gouffre. Dépêche, tu me manques déjà.

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Maeve n’était pas superstitieuse. Elle estimait que les choses arrivaient parce qu’elles arrivaient ou parce que quelqu’un n’avait pas fait attention. Il y avait rarement de juste milieu avec elle à ce sujet. Aussi, elle ne croyait pas que Bradley et elle avaient pu porter la poisse à l’équipe en ne cessant de répéter que tout était trop calme et qu’il était temps d’aller explorer autre chose.
Mais un peu de taquinerie pour dédramatiser ne faisait pas de mal avant de descendre.

- Tout va bien, ne t’inquiètes pas. Je sais que tu aimerais avoir des yeux toujours collés derrière ma tête mais je t’assure que ça va.

Il devait ronchonner en silence, que de ne pas pouvoir voir ce qu’elle voyait, lui qui avait presque autant besoin de contrôle qu’elle en mission. Ce n’était pas pour rien qu’il était Hildr. Cependant, on ne pouvait pas tout avoir, et elle était déjà bien gentille de lui décrire ce qu’elle voyait.

- Eh, on est pas là pour explorer ? Je te dis ce que je vois. Si je ne le faisais pas, tu me reprocherais de ne pas te décrire tout ce qui se passe loin de tes yeux.

Un bref regard en bas dans un petit rire, alors que dans sa descente, Maeve se rapprochait de l’Azaraï blessée. Celle-ci l’attendait proche du bord, immobile en se tenant toujours la jambe.

- Le sable a l’air d’avoir amorti sa chute, mais je ne vois rien d’inquiétant. Tu vas l’avoir, ton déjeuner. Et ne soit pas si défaitiste. Tant que tu ne me lâches pas on est au top.

Mais elle plissa les yeux, à mesure que ces derniers s’habituaient à la luminosité moindre au fond de la crevasse. Le bruit semblable à un ruissellement, qu’elle entendait depuis qu’elle instant environ, révéla enfin sa source. Au centre de la faille, le sable s’écoulait encore comme de l’eau dans une pente, voilà pourquoi la blessée se tenait si proche du bord.

- Merde….

Un court silence reste en suspens.

- Préparez le baudrier supplémentaire pour m’aider à la remonter et envoyez le moi. Le sable continue de s’écouler dans la crevasse, je ne suis même pas sûre de pouvoir poser le pied là dessus. Mon poids et le sien risque de tout faire bouger encore plus vite… Une civière, n’en parlons pas.

Elle ajoute, rapidement, certaine que Bradley comprenait parfaitement la situation.

- Quand je te dis stop, tu arrêtes de me faire descendre, ok ?

Elle ne s’était pas trompée, à peine son pied effleura la surface du sable en mouvement, ce dernier sembla presque prendre vie, attiré comme de l’eau emporté par un syphon. Heureusement que Brad n’était pas descendu.

- Stop !

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- On explorera quand vous serez toutes les deux remontées.

Il ne répondit pas à la seconde partie. Certes, c’était vrai qu’il aurait tout autant râler si elle n’avait rien dit, mais ce n’était pas la peine d’être impertinente comme ça.

Bradley donnait ses instructions à la surface pour que les médics soient prêts à intervenir mais ne s’approchent pas plus du bord que nécessaire  (il n’avait pas spécialement envie de faire de la pêche aux canards toute l’après-midi ), quand il est coupé par l’exclamation de Maeve.
Son “merde” soufflé, ne lui disait rien qui vaille. C’était rare de l’entendre jurer et le fait que ce soit dans ces conditions n'était pas pour le rassurer le moins du monde.
Mais à quoi ça aurait servi de lui demander ce qu’il se passait, elle allait bien lui dire de toute manière.

Bradley fronça les sourcils en entendant la suite, pas que quiconque puisse le voir sous son casque, mais c’était plus un réflexe qu’autre chose. Il resserra sa prise sur le cordage et fit un signe à sa collègue pour qu’elle lance le second baudrier.

- Attention la tête.

Il n’aimait  vraiment pas ce qu’il entendait. Il n’aimait pas être coincé comme un piquet dans le sable pendant que Maeve était en bas. Mais il savait aussi que c’était la chose la plus logique et la plus sûre à faire. Il savait également que Maeve avait chacune des compétences et des capacités pour ce genre de situation : le sang froid d’une part, le fait qu’elle ne laisse personne derrière et le cerveau rapide pour évaluer une situation. Elle n’était pas Épée par hasard ou favoritisme.

Il faudrait qu’il pense à lui dire un jour.
Mais plus tard, là, il était trop concentré sur la corde entre ses mains, et sur les instructions de Maeve via leur système de communication. C’était elle qui avait les yeux là-dedans, il se devait de croire en son jugement. Si ça grattait Bradley d’avoir lancé son amie dans une crevasse, le Hildr Shadwell était bien content que ce soit la personne en qui il avait le plus confiance dans toute cette équipe de bras cassés.

A son instruction, il se figea complètement, quelques mouvements habitués et habiles bloquant l’exosquelette dans cette position. Bradley était bien content d’avoir enfilé l’armure pour une mission qui ressemblait pourtant plus à de la balade. Il faudrait maintenant une des vilaines tempêtes de sable d’Eonia pour le déloger de là.

- Maeve, j’ai menti. J’ai bien promis à ton père de te ramener, donc déconne pas.

Ca n’avait rien à voir avec le père Vaga, ils le savaient aussi bien l’un que l’autre.

- Tu t’en sors avec le second baudrier ?

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La corde s’était figée presque instantanément après que Maeve ait donné sa dernière indication. Encore une preuve qu’elle n’aurait souhaité travailler avec aucun autre membre du vaisseau à ce moment précis. D’aucun aurait demandé “pourquoi”, “comment”, “t’es sûr” ?
Mais la complicité et l’amour du travail bien fait qui reliaient le Hildr à l’Epée avaient permis de dépasser ce stade de prudence inutile.

En bas, tout était silencieux, hormis le bruit de respiration saccadée de la jeune Azaraï qui avait chuté, et le bruit du sable qui s’écoulait. Tout était étouffé en bas, les sons venus de l’agitation des équipes en haut près à prendre en charge la blessée et à les faire remonter. Rien, au fond de la crevasse, ne faisait ressentir une quelconque urgence si l’on oubliait l’affaissement constant du sable, qui libérait une galerie de roche dont la profondeur restait parfaitement inconnue.

Mais Maeve savait que Bradley ne la laisserait jamais traîner en bas plus que de raison. Du moins pas aujourd’hui.

- Les promesses, c’est bon pour les gens qui restent sur le vaisseau Brad.

Délicatement, elle avait pris appui sur la roche près de l’Azaraï, murmurant calmement les gestes que la blessée devait entreprendre pour enfiler le baudrier sans risquer de glisser dans le sable jusque dans l’ombre de la crevasse.

- Ça va, on s’en sort. Mais elle ne bouge pas son bras, j’ai peur qu’il soit cassé. Elle aura du mal à se hisser hors de la crevasse et j’ai rien pour le lui mettre en écharpe. Tenez vous prêt.

Ses petits claquements de langue trahissent pourtant une entreprise plus périlleuse qu’elle ne voulait l’admettre. Par moment, Bradley devait sentir un peu plus de poids sur la corde, quand Maeve faisait en sorte que la blessée prenne appui sur elle. La fiabilité du Hildr était la seule chose sur laquelle elle comptait pour ne pas avoir à toucher le sable, car à chaque frôlement, il s’en déversait davantage dans les profondeurs.

- C’est bon, remontez-la doucement. La jambe a pris un coup aussi, faites attention à l’arrivée.

Et quand elle peut entendre que Bradley a fini de transmettre ses ordres, elle soupire.

- J’imagine que tu ne me laisseras pas descendre un peu plus bas pour voir ? Je plaisante, je plaisante, remontes moi.

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