ça avait fait tiquer lorenzo. et ça démangeait son immense corps de vouloir se lever, laisser octarine en plan et courir à travers les couloirs.
pourquoi ?
ce n'est pas que le chien rapplique à l'ordre du maître.
c'est quelque chose de plus vicieux qui se terre au plus profond de ses entrailles. il l'ignore, lorenzo. depuis des semaines. à quoi bon ? mais ce soir en est la preuve irréfutable. lorenzo cartelli ne peut pas laisser reagan kreamer seul dans un moment de difficulté. ça serait agir contre ses propres sens, contre sa volonté pure et sauvage qui gronde sous sa peau.

est-ce la première fois que reagan utilise cet étrange code qu'ils ont mis en place ? peut-être. ou alors la deuxième fois — qu'importe. sa veste pend toujours contre le dossier de son fauteuil dans son bureau. il n'a pas le temps. quand bien même son visage semble calme, sa posture nonchalante, ses pas sont pressés à travers le vaisseau.

le Caos ne toque pas. ouvre la porte en délicatesse. le noir de la pièce semble être le parfait reflet des cauchemars du kramer recroquevillé sur le canapé qu'il semble percevoir. — c'est moi. que gronde sa voix claire pour ne pas effrayer l'homme qui se bat contre ses propres démons. il connait ce logement par cœur, lorenzo. ses doigts trouvent sans soucis le pied de la lampe de chevet qui s'allume à ce simple touché. s'abaisse alors pour ramasser les morceaux de l'axiom qu'il a commencé à écraser du bout du pied. il reste un très court instant accroupi, fixant les débris. il ne comprend que trop bien qu'il est en train de visualiser l'état émotionnel de reagan dans le creux de sa main.

— reagan, c'est moi. reste alors debout face au corps en boule. les sourcils se froncent. — reagan, regarde-moi. mais l'ordre n'y fait rien. reagan ne lui a jamais obéit, pourquoi cela commencerait-il maintenant ? il doux soupir s'échappe de lorenzo tandis qu'il se racle la gorge, abaisse le volume de sa voix. — j'vais poser mes mains sur toi. le prévient sans pour autant lui laisser le choix. s'exécute alors, ses grandes mains tatouées ; l'une contre le mollet du kramer et l'autre sur son avant-bras. de son pouce, il commence à caresser délicatement ce qui peut se trouver sous les couches de vêtements. — tu veux m'expliquer c'qui s'passe ? dans sa voix, il n'y a pas une seule once de pitié. aucune inquiétude non plus. le Caos est persuadé que si l'Amethyst a fait appel à lui, c'est parce qu'il a besoin de tout sauf de pitié et de douceur dégoulinante. la main sur le mollet l'abandonne. vient alors se poser contre le dos de celle de reagan contre son visage. se presse un peu contre elle avant de se glisser dans sa chevelure. les doigts se resserrent, tirent avec force mais délicatesse. — regarde-moi. articule chacune des syllabes sans pour autant être menaçant. et ses mains viennent finalement se caler sur la nuque du résidu qu'est reagan.

lorenzo pose son front sur celui du kramer. yeux vairons cherchent à capter ceux dorés qui sont cachés derrière les paupières closes. — reagan, faut qu'tu calmes ta respiration. j'suis là, ok ? respire en même temps qu'moi. et pour une fois, tu dois m'obéir. sa voix est un murmure. alors, doucement, lorenzo

inspire
expire
inspire
expire

le temps est différent ici, aujourd'hui. la respiration de l'Amethyst se calle petit à petit sur la sienne. ils retrouvent une certaine harmonie brûlante, celle qui apaise étrangement lorenzo lorsque, certaines nuits, il s'autorise à s'endormir contre reagan. il reste silencieux, continue de respirer lentement et bruyamment pour forcer le kramer à suivre la cadence. il a le cœur broyé dans un étrange étau alors que leurs yeux sont accrochés, ancrés. la faible lumière de la lampe dessine des ombres apaisantes sur les angles du visage de la pierre précieuse. — ouvre l- parole coupée. mots avalés.

le baiser n'a rien à voir avec tous ceux qu'ils se sont déjà donnés. à genoux devant lui, myocarde fait presque mal lorsque l'étreinte est imposée. il adore ça. les caresses étaient douces ; le baiser l'est d'autant plus. ses mains ont quitté leurs cibles principales pour venir agripper les hanches du responsable de ses battements de cœur trop forts.

lor n'est plus ronchon. il a oublié l'agacement du référendum. oublié la colère qui grondait en lui. anéanti, le manque. pas lorsque, enfin il peut respirer contre la bouche de l'Amethyst. alors il lui offre la totalité de son âme, sans pudeur, sans avarice aucune. il lui donne tout ce dont il a besoin, là, maintenant. et tant pis s'il en perd des bouts de lui. est-il à ça près ?

les respirations sont chaotiques mais toujours liées à cette étrange harmonie. le Caos, les yeux clos, profite en silence de ce moment calme. un de ces rares moments où ils ne cherchent pas totalement à se détruire.
j'ai embrassé mon ex.c'est étrange.
il n'est pas jaloux, lorenzo.
alors pourquoi est-ce qu'il a si mal ?
lentement, les paupières se rouvrent. prédateur blessé plante son regard vairon dans l'or face à lui. il s'est reculé, juste un peu. ses doigts se sont ancrés dans les hanches de reagan.
j'ai embrassé mon ex.refuse alors de comprendre ce qui hurle dans sa tête ; ce qui cogne contre sa cage thoracique.
il a tant, tant de questions.
c'est qui ? pourquoi ? est-ce que tu t'ennuies avec moi ? je n'ai été qu'un passe-temps ? tu t'es lassé de moi ? c'est là que la haine bascule définitivement entre nous ? c'est qui ? pourquoi. pourquoi. pourquoi j'ai mal ?main gauche quitte la hanche. s'envole jusqu'à l'arête du nez du kramer que le Caos vient caresser tout en délicatesse. — c'est ce baiser qui t'a mis dans un tel état ? il a ravalé le poison, lor. il a pourtant failli fourcher, ricaner grassement avant de lui demander s'il embrassait si mal que ça, son ex. mais ce n'est pas ce dont à besoin reagan. pas maintenant. sa voix est posée, calme. il n'y a toujours aucun jugement, aucune pitié. il veut simplement comprendre. — en quoi c'est si important pour que tu me le dises ? deux fois. les caresses sur le nez s'arrêtent. doigts viennent plutôt caresser les cheveux. — tu veux m'entendre dire que je suis jaloux ? nouvelle question simplement dite. sans artifice, sans amertume. — que ce passe-t-il dans ta tête, reagan, pour que tu paniques à ce point ? espère alors secrètement comprendre ce qu'il se passe. parce qu'au fond, lorenzo aimerait pouvoir être capable de partager avec le fils kramer cette même peur.