Human trials | ft. Riordan

Tu patientes impatiemment. Tu n'es pas spécialement excité, pas spécialement nerveux. Tu n'as pas envie que ce moment arrive tout autant que tu ne peux plus attendre qu'il commence. Après ta réunion avec les têtes de ta maison, tu t'es mis en tête d'agir plus activement. Alors, tu as fais marcher tes faveurs.  Les demandes silencieuses ont été faites et les murmures sont remontés. Tu as cherché, pendant ces quelques jours, le maillon Azaraï qui te manquait. Pas un maillon faible à briser, mais un maillon à la moralité faillible.
Tu lui as envoyé un de tes huissiers, lui faisant plus confiance qu'à une lettre ou message sur Axiom. Les paroles sont plus difficilement réutilisables. L'inviter à se rendre à ton bureau était un premier pas. Tu avais intimé à ton messager de lui parler d'intérêts communs, d'une entraide possible entre personnes sachant prendre les mesures qu'il faut. Tu voulais l'amadouer.

Tes doigts tapotent doucement ton bureau et, lorsque la sonnette t'alertant que ton secrétaire cherche à te contacter retentit, tu oublies presque de la laisser sonner une deuxième fois. Mais tu t'arrêtes à temps, tu laisses le temps passer pour donner l'illusion que tu n'attendais personnes. Qu'il est fatiguant de prétendre être plus important que les autres.

- Faites la entrer.

Tu ne dis rien de plus et tu attends dans ton bureau. Tu sais qu'il te reste encore de longues secondes durant lesquelles ton invitée devra marcher dans le long couloir forçant sa vue sur l'aile nord entière. Puis rentrer dans l'immense bureau pouvant facilement servir d'appartement à une famille. Tu n'en utilises pas la moitié de sa superficie. Tu aurais été satisfait d'un quart de cet espace. Le vide te désorientant. Paradoxalement.

Les portes s'ouvrent et tu souris. Tu ne reconnais pas ses pas car tu ne la connais pas. Ou tu n'as jamais fais l'effort de te rappeler d'elle.
Son nom est apparu dans tes papiers il y a quelques jours. Une scientifique terrée dans son laboratoire et avide de faire avance la science, telle qu'on te la décrite. Elle te dégoûte alors même que tu ne l'a pas encore entendue parler, vouant une haine aussi viscérale qu'injustifiée envers les Azaraï. Mais tu ne le montres pas. Pas à elle. Pas aux autres. Tu te connais de sourire, laissant tes pupilles brumeuses détailler le vide.

- Madame McAlister, un plaisir de faire votre rencontre. Venez vous asseoir, je vous en prie.

Tu indiques le siège devant toi d'un main souple tandis que l'autre dépose quelques notes que tu feignais d'étudier. Ton sourire s'étend, poli tandis que tu réfléchis à la suite. Tu préfères lorsque tes clients te proposent un marché et non l'inverse. Cette situation te met mal à l'aise, mais tu souris. Toujours un sourire.

- Je ne suis pas exactement certain de ce que mon employé vous a transmis mais, si je vous ai invité, c'est en raison de mon intérêt pour les travaux Azaraï ainsi que ma possible capacité à vous aider. Voyez.. beaucoup de vos collègues font appel à moi où au Grand investisseur. Mais je pense que mon aide pourrait aller au delà du simple pécule.

Tu marques une pause. Tu as surpris ton visage à se dénuder peu à peu de son sourire mais tu n'as rien fais pour le changer. Tes traits retournant lentement vers ta quotidienne morosité.

- Ai-je le droit de vous demander sur quoi vous travailler ces derniers temps ?

La rectification ne te surprend pas ni t'agace. Tu lâches un petit souffle nasal, exprimant un vague amusement à cette note. Tu n'en attendais pas moins de la part d'une Azaraï à vrai dire, même si tu n'en avais pas fais exprès. La population de ce vaisseau crache souvent sur le nom de ta maison en secret, insultant d'orgueil et de condescendance mais les autres ne sont pas mieux. Gonflé dans leurs fierté et leurs titres dont seuls leurs possesseurs y font attention.

Tu souris poliment, prétendant être désolé du manque d'informations donné à Riordan par ton employé. Tu lui avais dis de ne pas trop en dire. Juste assez pour attiser ceux qui ne vivent que pour savoir. Tu la laisses s'exprimer, donner son avis sur la situation, te laissant même rire vaguement à la mention du confidentiel. Les règles semblent être importante mais optionnelles pour cette femme et, malgré ta haine, tu ne peux t'empêcher d'apprécier cette personne. Ne serait-ce que momentanément. Ne serait-ce que par intérêt.

- Mh.. Je vois.

Tes doigts pianotent silencieusement sur le plat de ton bureau. Les essais cliniques sont une peste à tes yeux. Littéralement. Tu sais que sans ces barrières, peut-être que ta dégénérescence pourrait être ralentie, peut-être stoppée. Tu n'espères plus la guérison, juste l'altération. Quelque chose pour retenir le rocher dégringolant de la montagne. Tu ne partages peut-être pas le goût de la science avec cette femme mais tu partages son impatience. Pour des raisons différentes.

La nature du médicament t'importe peu. Voir aucunement. Il ne te concerne pas. Pas maintenant. Et comme tout bon personnage principal, ce qui ne t'arrives pas n'es pas important. Ou tout du moins, c'est ce que tu t'efforces à croire pour ne pas dérouter de ton objectif. Dans une autre vie, tu l'aurais aidé dans un but altruiste. Dans celle-ci, tu le fais par intérêt.

- Cela doit être frustrant. Devoir marcher à petits pas alors que l'on sait pouvoir courir.

Tu es sincère dans cette phrase bien que tu as presque oublié la sensation que courir peut procurer.

- Qu'est-ce qui vous motive d'ailleurs ? Aider la population du vaisseau ? La recherche du savoir ? Vous pouvez parler librement, cette conversation reste entre nous bien évidemment.

Tu la questionnes, autant curieux que jaugeant le caractère de ton interlocutrice. Tu es partagé sur la démarche à suivre, hésitant entre jeux de mystère ou jouer carte sur table. Tes yeux clignent doucement, t'offrant une paix sombre de quelques secondes au milieu l'enfer blanc.
L'une de tes mains vient rejoindre ton menton, tes doigts massant légèrement celui-ci, songeur.

- Je ne suis pas chercheur alors j'espère que vous saurez pardonner ma candeur. Les essais cliniques sont réglementés pour protéger les êtres humains j'imagine. Autoriser les essais sur les humains prendrait beaucoup de temps et de casse-tête administratif j'imagine. Mais, dans le cas hypothétique où des volontaires se présenteraient à vous avec des décharges, des contrats de confidentialités et autres termes techniques. Pourriez vous les accepter ? Purement hypothétique, bien évidemment.

Tu écoutes attentivement les paroles de Riordan. Non pas que tu sois particulièrement attiré par ses capacités d'oratrice mais simplement car tu aimes entendre ce que tu entends. Tu aurais put potentiellement te détendre un peu, laisser tes épaules s'affaisser et sentir un poids se lever de celles-ci. Mais tu ne laisses pas ta garde tomber. Pas devant n'importe qui, pas devant elle. Tu restes droit dans ton siège bien qu'un léger sourire vient s'installer sur tes lèvres. Tu aimes les gens qui ne tergiversent pas. Tu aimes le fait qu'elle soit franche et honnête sur ses pensées. L'espace d'un instant, tu te surprends à l'apprécier.

- Soit. Sachez que cette conversation est destinée à rester confidentielle. Je compte sur vous pour ne rien divulguer de cet échange.

Tu souris, poliment. Tu sais que les négociations peuvent mal tourner au moindre mot. Que tu devrais peut-être la forcer au silence d'une manière ou d'une autre s'il lui prenait l'envie de parler de votre conversation. Mais tu as les moyens de la faire taire, tu ne lui dis pas mais tu espères intérieurement qu'elle le comprends. Tu n'aimes pas menacer et tu n'aimes pas punir mais tu as besoin que les autres comprenne que tu en as la capacité.

- Je peux vous fournir des volontaires pour des essais cliniques. Décharges signées et contrats vous enlevant toute responsabilité et les empêchant de vous attaquer ainsi qu'une lourde close de confidentialité. Le nombre peut varier en fonction de vos besoin pour développer vos produits et autres recherches.

Tu marques une pause. Courte, le temps d'une respiration.

- En contrepartie, je veux que la Maison Kramer soit nommée comme la commanditaire des médicaments que vous arriverez à développer. Vous gardez les lauriers de la découverte, élevez votre réputation ainsi que la satisfaction personnelle du savoir. Et le monde voit la Maison Kramer comme étant déterminée à améliorer les conditions de vie des habitants du vaisseau.

Tu hausses légèrement les épaules, ton visage n'exprimant rien de plus qu'un visage serein, dénué de mensonge.

- Si ce contrat vous intéresse, je suis ouvert à de plus amples négociations. Ouvert à offrir plus si vous avez vous même plus à offrir. Et, dans le cas d'une collaboration entre nous, il se peut que dans un avenir proche, j'ai de quoi stimuler votre soif de savoir. Qu'en pensez-vous, Docteure?

Tu souris, par politesse autant que par délectation. Tout semble se dérouler à merveille. La scientifique ne s'est même pas ennuyée de marchander pour un quelconque changement sur ta proposition. Tu inclines doucement la tête, comme pour valider votre entente.

- Bien.

D'un geste souple, tu ouvres l'un de tes tiroirs après avoir déposé ton doigt sur la serrure biométrique. Y trône une chemise de cuir que tu viens récupérer délicatement. Tu l'ouvres et l'oriente vers Riordan avant de la déposer devant elle. A l'intérieur de celle-ci, une liasse de papier et un stylo de qualité. Tu as toujours mis un mot d'ordre de faire signer tes clients dans les plus belles lignes qu'il soit. Une signature et le contrat est acté.

- Je peux vous laisser quelques minutes pour lire le contrat. Il n'expose que ce que je vous ai dis sous un jargon juridique pour pallier à différentes éventualités. Aucune mentions cachées ou astérisques menant à un piège. Promesse sur l'honneur.

Tu dis vrai. Tu ne lui mens à aucun moment, comme depuis le début de cet entretien. Tu as bâtis ton propre empire sur la vérité après tout. Tu n'as jamais mentis pour obtenir une signature. Et, si par moment tu as put omettre des détails, tu ne l'as pas vraiment fais cette fois ci. Le contrat est en béton, liant les deux partis. Ta promesse en tête humaine, sa promesse en propagande. La discrétion des deux partis et l'annuellement instantané du contrat en cas de manquement à celui-ci entrainant une justification de poursuite, de dettes et de cassus belli. Des grands mots pour effrayer de potentiels malins. Tu n'as jamais eu à les appliquer, jamais réellement. Tu ne comptes pas avoir à le faire aujourd'hui.

- Une fois signé, ce contrat restera dans une chambre forte sous protection, à l'abris des regards indiscrets. Vos sujets vous seront apportés par le biais d'un intermédiaire à la localisation de votre souhait afin d'annihiler les risques de remonter à l'un d'entre nous. Cet intermédiaire se réservera le droit de vous contacter pour modifier ou annuler l'acheminement s'il venait à être compromis. Tout sujet est volontaire et participera activement à votre études ainsi qu'à sa discrétion.

Courte pause.

- Une signature sur la dernière page suffira. Des questions ?