23 H 55 : Secret

Le destin se mêle et s’emmêle. Ne rien attendre, se laisser porter. Tourner la page. Avancer dans ce brouillard. Suivre une ligne qui n’a pas de sens jusqu’à atteindre un nouveau phare.

Sonnerie tardive. Notification qui ne résonne pas comme d’habitude. Quelque chose de nouveau. D’inattendu.

« Bureau Reagan Kramer. Rapidement. »

Le contrat n’est pas encore signé auprès de l’aveugle qu’il s’est déjà ébruité ? Les murs sont drôlement fins dans cette aile du vaisseau… Interrogation nocturne. On ne va pas là-bas sans invitation. On ne revient pas de là-bas sans être maudit.

Nouvelle lecture de cet ordre. Voilà tout l’égocentrisme de la maison Kramer. L’habitude d’ordonner. L’exécution. Le pouvoir. « Une invitation fortement recommandée » pour les plus diplomates. Curiosité piquée, questionne : Une heure aussi tardive pour demander une entrevue. Suspicieux.

Claquement de langue désabusé. « Fait chier. » Craché en remettant des vêtements convenables. Si le fameux Reagan demande… Cela doit être intéressant ?

Longeant les murs. Le pas lent. Nul besoin de précipitation. Seuls les chiens obéissent, au doigt et à l’œil.

Le silence est vraiment agréable dans les couloirs à cette heure, l’envie de flâner un peu plus. Errer dans la tranquillité reposante… De retour dans cette zone du vaisseau, éblouissante de faste. Sous les lumières tamisées, le tout se veut intimiste. Presque agréable. Un nouveau coup d’œil au message pour être sûr. La sollicitation n’avait pas été déclinée par « erreur d’envoi ».

Deux coups contre la porte. Annonçant l’arrivée tardive. Fantôme se glissant dans l’antre d’un nouveau mal. La comparaison avec l’autre bureau se fait instinctivement. Si le créancier avait ce quelque chose de morose et poétique, ici, il y a un petit quelque chose qui agace. Comme un parfum de déjà-vu…

— Mister Kramer. Voix basse. Interroge le propriétaire des lieux sans plus de mots. Une entrevue secrète n’a pas besoin de long discours. L’attente de savoir pourquoi ce message. Pourquoi aussi tard. Pourquoi moi.

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23 H 55 : Secret

L’obscurité change les visages. Change les âmes.
Noirceur qui apaise. Tourmente. Séduit. Tout un panel d’émotions moins visibles à la lueur du jour. Lumière qui révèle déjà trop pour en offrir davantage. J’aime la nuit pour tout ce qu’elle nous offre… en bien et en mal.

Un prénom résonne et fait doucement plisser les yeux. Tout le monde se connaît dans cette prison de métal. Un monde trop petit pour feindre l’ignorance de ceux qui portent un titre ou un nom. Réputation qui résonne, vibre le long des parois d’acier jusqu’à l’oreille de celui qui veut bien entendre les rumeurs.

Des yeux d’or, brillants de curiosité, dévisagent l’insolente élégance d’un nouveau Kramer. L’élite a ce quelque chose de fascinant. Fragrance de supériorité qui ne laisse personne indifférent. Pourtant, ce soir, il flotte dans ce bureau des effluves qui invitent à la détente. Un visage qui acquiesce dans un "pourquoi pas". Ce n’est pas tous les jours qu’une dégustation aussi prestigieuse est proposée.

Spectre flottant jusqu’à l’invitation. — Le parfum de cette bouteille me donne envie de tester. Si vous voulez bien.  Trop décontracté, cet homme qui d’ordinaire n’a qu’un regard pour toiser et juger... Un rire, léger. — J’avoue avoir pensé que cela était une erreur.  Ils ne font pas d’erreur. Trop d’enjeux. Réputation prestigieuse pour un message envoyé au hasard. — Pourtant, vous semblez avoir tout de même attendu plus longtemps que votre patience habituelle…  Tenue négligée par l’heure tardive. Cela n’avait pas d’importance. Le saint n’abaisse à aucun son regard à la tentation.

Verre en main, humant l’arôme du spiritueux. Prendre son temps pour apprécier les choses à leur juste valeur. Le verre roule, dévoilant les nuances et émotions volatiles. Nous ne sommes jamais invités dans les bureaux de la maison Kramer pour simplement apprécier un verre au beau milieu de la nuit, bien que j’en serais très honoré… Il y a largement assez de prétendants prêts à tester la solidité de leurs genoux sur simple ordre. Un homme charmant qui, d’un regard, ferait plier n’importe quelle âme sous sa voix. Redoutable.

— Cette invitation agite ma curiosité. Bien qu’en réfléchissant un peu aux événements récents, je suppose que cela a un rapport avec eux.  L’élixir porté aux lèvres. Geste suspendu par les mots. — Maintenant, reste à savoir si je suis un complice ou un obligé. — Pourquoi mes services, Monsieur Kramer ? Vous avez un carnet de noms bien assez rempli pour exiger un service. Je suppose que mes talents de cartographe sont en jeu pour que le fameux Reagan se montre aussi accessible.

L'alcool imprègne les papilles. Chaleur réconfortante qui inonde l’être d’une sensation de confort instantané. Hochement de tête, les lèvres se pinçant. Un amateur de spiritueux sait reconnaître une merveille. La banshee s’égare dans l’appréciation du moment quelques secondes.

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23 H 55 : Secret

Il y a quelque chose d’envoûtant dans sa présence. C’est donc ça, l’étincelante aura du pouvoir ? Charmé par un accueil chaleureux, tout en restant sur ses gardes face à une attaque silencieuse. Banshee qui se laisse découvrir un spiritueux inaccessible au commun des mortels. Comme un contrat tacite déjà signé, non ?

Rictus d’amusement, regard presque étonné. Un silence compté en secondes. Le temps de savourer la dégustation à sa juste valeur. Gorgée qui brûle de l’intérieur, poison qui s’infiltre. Longue inspiration pour apprécier toutes les nuances olfactives. Le retour aux liqueurs classiques semblera bien fade après ce goût… Proposition indécente aux notes de détente. L’intime sensation que ce genre de Kramer préfère ceux en manque de domination. Ceux qui sont fébriles sous les vibrations de sa voix.  – Maintenant, à savoir qui est la plus agréable compagnie… L’or scintille de provocation, le verre roulant entre les doigts vernis.  – Parce que l’un des deux m’a déjà convaincu. Partie d’échecs sociale. Un jeu qui avait commencé bien avant ce message...

La sensation d’être suivi. Le regard qui brûle dans le dos. L’oppression de cette présence invisible. Le Stalker sait. Il reconnaît. Murmures qui grouillent, vibrent dans la foule. Pressentiment qui existait bien avant ce message nocturne. C’était visé. Ciblé. Voulu. La Maison Kramer, au-dessus des autres, surveille avec attention chaque profil. Parce que nous sommes leur richesse. Marionnettistes d’exception, ils savent manipuler jusqu’à pousser les égarés à leur porte. Comme. Une. Évidence…

Holy abandonne son verre pour offrir à l’homme toute son attention. – Chaque nom de la cité est inscrit dans un carnet de votre empire. Y figurer dans la rubrique la plus intéressante, c’est autre chose. Mieux vaut être invité autour d’un verre inaccessible que ramper devant votre bureau. Quoique certains pourraient apprécier…  Ne pas se laisser étourdir par une liqueur plus sournoise que le vinaigre qui se trouve à bord du vaisseau. Humeur légère, commentaire à double sens.  – Ensorcelant… Et cette insolente chemise ouverte.

Étrange déjà-vu qui le fait sourire intérieurement. Cette différence avec l’autre Kramer. Deux contacts tellement différents… Proximité réelle ? Au but certain. Aucun commentaire, dans l’attente de ce moment. La question tant attendue. L’étau qui se resserre enfin. Serpent charmant, charmeur, qui cesse d’hypnotiser. Question rhétorique. Un Vaga qui n’a pas foulé Eonia. – Reagan… Nom qui semble brûler les lèvres. Plus encore que l’alcool offert. Après tout, il l’a dit : « On va devenir proches. » – Que veux-tu savoir dont tu n’as pas encore connaissance ?  L’ombre s’enfonce dans une assise confortable. – La température ? L’odeur sur place ?Topaze s’illuminant, fauve, attendant la morsure du reptile. Perce la peau.  – Ou comment y aller ?

Il y a bien une chose que le Kramer ne peut ou ne veut pas faire : piloter un vaisseau. Prince à la lourde couronne. Effet magnétique qui le garde prisonnier de sa belle cage d’acier. Les documents expliquent, mais cela manque de… terrain ? Le pouce fait rouler l’alliance dans un geste réflexe étrange.  – J’apprécie les préliminaires. Cependant, que veux-tu de moi ? Puisque nous allons bientôt… léger silence. Comme cela semble étrange  – Être Proches ? Je préfère que tu poses les vraies questions.

Le monde au creux de ses mains. Pourtant, c’est au cœur de la nuit, à l’abri des yeux curieux et des commérages qu’il invite l’ombre discrète à participer à des projets qui se veulent invisibles.  – As-tu besoin d’un pilote ? De mes compétences de cartographe ? La paume couverte d’encre saisit de nouveau le verre.  – Ou d’une veilleuse de nuit ? Le geste s’arrête, regard taquin.  – Je vais devoir fouiller des pièces obscures pour trouver des livres de comptines nocturnes ?... Rire étouffé dans une gorgée étourdissante. Reagan n’a pas besoin des informations du Stalker. Il sait déjà tout. Du passé, du présent et probablement du futur…

Grimace douce-amère. L’idée d’occuper ses insomnies autour d’un aussi bon verre…

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23 H 55 : Secret

Brume confortable. Détente en quelques gorgées. Élixir qui offre des charmes étourdissants. Ou bien Reagan qui se mue en sirène lorsqu’il s’agit de demander une faveur...

Un minuscule instant. Est-ce son œil d’expert qui lui joue des tours, ou avait-il vu le masque du charme se brouiller ? Peu importe. Reagan était humain, lui aussi. Sur son trône de toute-puissance, mais bel et bien un homme de chair et de sang. Avec des failles qu’il cache merveilleusement bien.

À peine surpris. Plutôt satisfait. Un ego flatté d’avoir attiré l’attention. Micro-sourire caché dans une nouvelle bouffée d’ivresse. Ce n’est pas un service qu’il demande. Plutôt une invitation non déclinable. À l’oreille, cela sonne tout de même comme un accord. La question est : qu’est-ce qu’il peut avoir en retour…

Verre bientôt à moitié vide se pose sur l’accoudoir du siège. Félin s'avançant dans le charme d’un pas de velours, capture sans aucune résistance l’attention du spectre. Hypnotisé. Ou commence-t-il à se perdre dans un peu d’ivresse ? Stalker ne peut s'empêcher de noter chaque détail de ce Kramer… la finesse de ses cheveux, l’odeur de l’alcool dans la chaleur de ses mots, le grain de peau dans l’ouverture de cette maudite chemise… Obscène sous-entendu qui fait sourire davantage Holy. — Les choses sérieuses sont plus intenses.

Index tatoué vient crocheter la ceinture de Kramer, gardant cette proximité de fausse intimité. — J’avais compris dès le message que je n’avais pas réellement mon mot à dire sur ce que tu allais me demander. Araignée d’encre qui s’aventure sur le tissu, remontant avec une lenteur angoissante. — Ce que tu veux y faire là-bas ne me regarde pas. En revanche... Je deviens ton complice. L’ongle verni s'arrête sur l’avant-dernier bouton qui laissait déjà bien assez voir pour que l’imagination soit fade. — Je veux savoir ce que tu es prêt à m’offrir en compensation de mon... ‘aide généreuse et non déclinable.’

Index et pouce essaient de fermer le tissu dans une tentative plus ou moins engagée. — J’apprécie beaucoup l’invitation... cela en est très déstabilisant. Holy reste un homme simple. — Je voudrais avoir les idées claires pour parler sérieusement de cette demande. Sourire taquin, une nouvelle fois, habille de malice le visage face à Kramer. — Envoyer Reagan dans les étoiles, ça émoustille un peu. Je ne voudrais pas faire ce voyage dans la précipitation. L’impulsivité a du bon, mais il faut savoir assumer les conséquences.

… Ce bouton qui ne veut pas se rattacher. Distraction beaucoup trop intéressante qui déconnecte à nouveau une poignée de secondes le regard vers cette vue. — Où et quand ? L’or revient plongé dans l’acide vert, crépitant d’un amusement partagé. — Il faut que je prenne un vaisseau en toute discrétion.

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