Don't you wanna have a Padawan ? Ft Gloria Alvarez

En pleine dispute avec un collègue agronome, Gloria se dresse autant qu’elle peut sur la pointe de ses talons pour regarder de haut le malotru qui ose lui faire une telle suggestion. Elle ? Fertiliser les cultures gardées sous clé ? Non mais vous vous rendez compte que pour ça, elle devrait toucher à… C’est indécent, pire, c’est répugnant, vous êtes répugnant, voilà ce que vous êtes, monsieur ! Ils n’ont qu’à aller réclamer des machines automatisées aux Galéréis, bon sang, pourquoi est-ce qu’elle devrait souiller ses nouveaux gants pour ça ? Le goujat rétorque que ça demanderait trop de ressources, et puis ses gants sont bien là pour servir à quelque chose, et c’en est trop : elle monte dans les tons, lui dit que c’est à lui de faire son travail, et qu’elle a déjà le sien, et qu’il n’a qu’à faire sa commission du matin dans les bacs de compost, puisque c’est comme ça. Sur ces belles paroles, elle lui claque la porte au nez, et retourne à son laboratoire, avec la démarche d’une femme prête à tuer pour un café.

Tiens, ça tombe bien, il y a un petit jeune qui s’est perdu dans le couloir. Nouvelle proie : acquise. Troisième café de la journée : sécurisé. La voilà calmée… jusqu’au prochain accroc, qui ne tarde pas. Ils sont incroyables, ces gens. Pourquoi est-ce que cette abrutie lui demande si elle peut récupérer son stylo ? Elle a une tête à collectionner les stylos ? Et puis apparemment, elle n’est pas la seule, c’est tout un mini-syndicat qui passe dans son laboratoire pour regarder leurs pieds et bafouiller qu’ils aimeraient bien récupérer leurs stylos à bille et leurs critériums. Gloria hausse la voix pour les faire taire, ouvre un placard, et attrape une poignée de fournitures qu’elle leur donne sans cérémonie, en les chassant sans prêter attention à leurs mines réjouies. « Tu vois que ça a marché », « Trop bien, mon agrafeuse préférée », commentent les solliciteurs victorieux en trottinant dans les couloirs de l’Aile Ouest.

Et alors qu’un désagrément s’éloigne, un nouveau s’annonce. Elle s’approche de la porte de son laboratoire pour la déverrouiller après avoir entendu quelqu’un frapper, blasée, avec un visage qui hurle « quoi encore ».

En face d’elle, une jeune femme aux grands yeux, plutôt mignonne, visiblement impressionnée. Gloria n’a pas le temps de lui demander ce qu’elle fait là : les mots se déversent comme un torrent, alors que Sasha se présente et explique la raison de sa présence en bafouillant. La botaniste la dévisage, pensant d’abord à une mauvaise blague, puis attrape la feuille qui lui est tendue en lui faisant signe de rentrer dans la pièce.

- Assieds-toi ici.

Dit-elle en poussant une chaise à roulettes tout en lisant sa lettre de motivation en essayant d’y déceler des traces d’ironie ou de sarcasme… Rien. Elle cherche les premières lettres de chaque paragraphe, puis de chaque phrase, peut-être qu’une insulte y est cachée ? Qui pourrait vraiment vouloir travailler avec elle ? Impossible… Cette adorable petite chose serait donc sincèrement adorable, et adorablement sincère ? Gloria pose la feuille sur son bureau – il faudra qu’elle lui trouve un endroit très spécial, elle ne veut surtout pas la perdre, peut-être qu’elle pourrait la faire encadrer – avant de s’approcher de la Cervantes et d’approcher doucement l’index de son visage pour remonter ses lunettes avec délicatesse.

- Choupinette, tu as vraiment lu mes vieux torchons ? C’est incroyâaable ! D’habitude, les seuls qui me rappellent que j’ai publié ces trucs, c’est les autres de ma maison qui veulent me chercher des poux. Pas qu’ils puissent en trouver dans mes merveilleux cheveux, bien sûr – ni dans mes articles, n’est-ce pas ?

Le temps d’un clin d’oeil lui suffit pour reprendre son souffle avant d’à nouveau submerger la conservatrice sous ses commentaires.

- Ma douce Sasha, tu n’as pas idée à quel point tu tombes bien ! Qu’est-ce que je suis heureuse, un bout de chou comme toi qui se propose pour me tenir compagnie et pour m’aider, oh, si tu savais comme je suis débordée… Je te montrerai tout ce qu’il y a à voir sur la flore du vaisseau, enfin, tout ce qui n’est pas confidentiel, hm ? Et je ne refuserai jamais que tu me fasses un café, mais tu ne feras pas que des tâches ingrates pour moi, ne t’en fais pas, je ne suis pas comme un certain rustre d’agronome qui- oh, tu verras quand tu le rencontreras, certains Azarais ne sont vraiment pas fréquentables ! Contrairement à moi, bien sûr.

Elle lui tend la main avec un sourire éclatant. Nouvelle stagiaire : acquise. Ce n’était peut-être pas intentionnel, mais Sasha a apporté avec elle les meilleurs arguments possible pour que la botaniste l’accepte : de l’intérêt, de la curiosité, et des compliments.

- On commence la visite ?

Elle est vraiment trop mignonne. La diva glousse et jubile devant l’attitude de Sasha, heureuse de cette nouvelle addition plus que bienvenue dans son planning, et lui répond avec les yeux qui pétillent.

- Le plaisir est partagé, trésor.

Gloria s’apprête à diriger le début de la visite vers ses échantillons en cours d’analyse et… trop tard. Sa nouvelle stagiaire est déjà en train de fusionner avec son aquarium. Amusée, elle secoue la tête et s’approche de l’objet qui a captivé Sasha pour en tapoter la vitre du bout des doigts.

- Si j’ai bien compris, on va commencer la visite avec mon aquarium, hm ? Ton intérêt me flatte, surtout que celui-là est tout petit. J’en partage un deuxième, plus grand, avec des collègues qui font des essais avec de l’eau récoltée sur Henillon. Mais lui, c’est un de mes projets de recherche personnel : j’analyse les conditions de culture et de vie de plusieurs spécimens, pour éventuellement proposer une algoculture officielle dans la zone agricole. Ca s’annonce plus difficile que ce que je pensais, mais bon, je t’épargne les détails pour cette fois.

Avec un geste digne d’un guide pour nouveaux éveillés, elle désigne les autres plantes, chacune isolée dans son propre pot. Un plant de chanvre industriel, un bourgeon de rose, une pousse d’olivier et des lentilles. Gloria s’approche de la pousse d’olivier et réajuste la lampe placée au-dessus du pot, tout en expliquant que la plupart de ce qu’elle étudie en ce moment circule déjà sous une forme ou une autre dans le vaisseau.

- Suis-moi mon chou, je vais te montrer ce qui est cultivé dans les serres et les bacs de la zone agricole.

Déjà en train d’avancer vers la porte qui connecte son laboratoire à l’endroit le plus vert du Neo Century, elle l’ouvre avant de tourner la tête en direction de son adorable disciple.

- Je te trouverai un masque si jamais le pollen ou les odeurs te gênent, d’accord ? Et n’hésite pas à me dire si quoique ce soit d’autre te dérange. Je refuse que ma jolie stagiaire soit embêtée pendant sa première visite ! Gloria Alvarez ne mérite que le meilleur, et puisque tu me rejoins dans mon aventure, toi aussi !

Et sur cette déclaration de confiance, elle s’enfonce dans la flore synthétique. Métaphoriquement, bien sûr - il ne faudrait pas qu’elle salisse ses chaussures. Habituée à tracer comme une fusée entre les différentes plantations, elle se force à garder un rythme plus soutenu pour que Sasha et ses grands yeux aient le temps de tout absorber.

- Certaines de ces cultures sont présentes depuis les premiers éveils. Pas toutes, bien sûr : notre Maison s’occupe de la préservation et de l’entretien, mais la décision de garder telle ou telle plante appartient à l’ensemble du vaisseau. Et celle juste devant toi ne fait jamais sujet de débat : je te présente Coffea Arabica, la meilleure amie de l’Homme.

Gloria prend plaisir à jouer le guide pour un public sincèrement intéressé. Non seulement elle peut resplendir au centre de l’attention comme elle aime tant, mais en plus, elle peut faire découvrir « la magie des coulisses » à quelqu’un – et partager cette passion qu’elle a pourtant tant de mal à assumer consciemment. Si Dogma l’a décidée Azarai, et si Gloria n’a jamais reculé devant son travail assigné, n’est pas encore éveillé celui qui arrivera à le lui faire dire ouvertement.

Elle enroule son bras autour d’un de ceux de Sasha et pointe du doigt une ombre verte, bien plus haute que toutes les autres, dont on devine la silhouette depuis leur position.

- Tu veux aller voir le plus vieil arbre du vaisseau ? J’ai comme l’impression qu’il va te plaire. C’est un Malus Domestica, et je suis sûre que tu as déjà mangé un de ses fruits sous une forme ou une autre !